La banque, un interlocuteur central pour les copropriétés

par Nathalie Coulaud, Journaliste
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©AdobeStock_623246827La gestion au quotidien des comptes des copropriétés mais aussi le financement des futurs travaux de rénovation font des banques un interlocuteur crucial.

Les banques, et notamment la Fédération bancaire française, ont beaucoup entendu parler des copropriétés ces derniers mois. Et pour cause ! Les pouvoirs publics demandent aux banques de s’organiser pour financer les très lourds travaux à venir dans les immeubles. La réponse est, pour l’instant, plutôt timorée. Sans refuser explicitement, les établissements bancaires bottent en touche et indiquent ne pas être prêtes. «Pourtant, il va falloir que les banques soient avec nous, sinon, nous n’allons pas réussir à réaliser les travaux pourtant nécessaires en raison du vieillissement des immeubles», affirme Danielle Dubrac, présidente de l’Union des syndicats de l’immobilier (UNIS). Rappelons que 60 % du parc de copropriété a été construit avant 1974 et 35 % avant 1949. Même lorsque l’immeuble a été entretenu régulièrement, des réparations parfois lourdes sont à entreprendre comme la modernisation des différents réseaux, de l’ascenseur ou encore la réalisation d’un ravalement. Les immeubles anciens dans les centres-villes, parfois construits avec des structures en bois, nécessitent souvent des réparations beaucoup plus importantes. Les travaux à venir concernent également la rénovation énergétique puisque 15 % des 11 millions de logements en copropriété sont classés F ou G dans la note attribuée par le DPE obligatoire lors de la vente ou de la location d’un logement. La loi Climat et résilience du 22 août 2021 prévoit que tout le parc de logements porte au maximum l’étiquette D dans le DPE en 2034. Rappelons que depuis le 1er janvier 2025, les bailleurs dont les logements portent la lettre G ne peuvent plus louer leurs logements lorsque le bail est renouvelé ou que le locataire en place déménage.

 

Mais nombre de copropriétés n’ont pas les moyens de financer tous ces travaux : les entreprises du bâtiment estiment qu’il faut compter entre 12 000 et 30 000 € par appartement uniquement pour la rénovation énergétique. Cela ne tient pas compte des autres travaux nécessaires. Pour l’instant, le nombre d’immeubles qui se lancent dans une rénovation selon l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) indique qu’entre 30 000 et 50 000 logements sont rénovés chaque année, un chiffre modeste au regard des 11 millions de logements en copropriété. L’introduction des plans pluriannuels de travaux (PPT), désormais obligatoires dans tous les immeubles, permet certes de lisser sur dix ans les sommes à engager. Mais même avec cet étalement, financer les travaux est une gageure pour nombre de copropriétaires modestes ou qui ont acheté leur logement à un prix élevé et doivent rembourser leur crédit. L’emprunt est donc la solution la plus adaptée pour réaliser de gros travaux de rénovation. L’UNIS milite notamment pour que les aides publiques accordées aux copropriétés soient préfinancées par ce biais. Rappelons que la principale aide publique MaPrimeRénov’ n’a pas été interrompue pour les copropriétés contrairement à d’autres types de rénovations.

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©AdobeStock_270003517Deux solutions d’emprunt pour les copropriétés

Les copropriétaires disposent d’une première option pour emprunter : le crédit à adhésion volontaire et individuelle. Le principe de l’emprunt est voté en assemblée générale et les copropriétaires qui veulent en bénéficier doivent se faire connaître auprès du syndic dans les deux mois après la réception du procès-verbal de l’assemblée générale. Le crédit est ensuite accordé à chaque copropriétaire individuellement. Les copropriétaires doivent être à jour de leurs charges mais le dossier est plus léger que pour un crédit classique et, par exemple, l’âge des copropriétaires n’est pas pris en compte. Les offres concernant le crédit à adhésion volontaire sont en place depuis de longues années. La première offre est celle de la Caisse d’épargne d’Île-de-France, dont l’activité est, dans ce cas, élargie à l’ensemble du territoire. Elle propose un crédit baptisé Copro 100, bien connu des syndics. La deuxième offre est Domofinance, filiale de BNP Paribas Personal Finance et d’EDF. Pour le Copro 100, deux copropriétaires au minimum doivent participer et 30 000 € de crédit au moins doivent être souscrits. Domofinance vise les plus grandes copropriétés et accorde des crédits à partir de 100 000 € minimum. Les taux d’intérêts de Copro 100 et de Domofinance sont proches des taux du marché et situés aux alentours de 4 %. Pour autant, le nombre de copropriétés faisant appel à l’emprunt reste limité : entre 2 000 et 3 000 copropriétés par an sur près de 700 000 immeubles. L’emprunt n’est donc pas une solution largement répandue en copropriété et les pouvoirs publics souhaiteraient que plus de banques se lancent dans l’aventure. Si le Crédit Agricole ainsi que le groupe BPCE se sont dits intéressés, pour l’instant cela ne s’est pas concrétisé.

Afin de développer l’emprunt en copropriété, la loi Habitat dégradé du 9 avril 2024 a créé une deuxième option d’emprunt : avec le crédit «collectif à adhésion simplifié». Ce nouveau crédit collectif est accordé au syndicat des copropriétaires, c’est-à-dire à la copropriété dans son ensemble et non aux copropriétaires individuellement. Si l’immeuble opte pour l’emprunt collectif, les copropriétaires y adhèrent automatiquement et c’est seulement s’ils veulent refuser d’y participer qu’ils doivent envoyer un courrier recommandé au syndic indiquant leur refus dans les deux mois. Les copropriétaires qui refusent le crédit collectif devront alors verser la totalité du coût des travaux dans un délai de six mois. Le syndic, quant à lui, est chargé de collecter les fonds et de rembourser la banque chaque mois. «Le but est que les échéances du crédit soient intégrées dans les charges de copropriété de chacun, ce qui devient alors presque indolore», pense Yannick Borde, président du groupe immobilier Procivis.

Des décrets récents (n°2025-499 du 6 juin 2025 et n°2025-711 du 25 juillet 2025) ont précisé le fonctionnement de ce nouvel emprunt collectif. Le premier texte détaille les informations que le syndic doit fournir à l’établissement bancaire. On y trouve notamment le taux des impayés de charges dans la copropriété ou la liste complète des copropriétaires. Il est prévu que les banques puissent vérifier la solvabilité de chaque copropriétaire. Le deuxième décret précise la durée maximale du crédit (25 ans) et aborde le sujet du dispositif de cautionnement mis en place pour protéger les banques en cas de défaillance de la copropriété.

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©Stock AdobeLe problème du cautionnement

En effet, dans tout crédit, la banque demande à l’emprunteur de s’assurer pour palier un défaut de paiement de l’emprunteur. Pour les crédits immobiliers des particuliers, une assurance décès et invalidité est demandée en plus du cautionnement du crédit. L’organisme Crédit Logement ou encore Saccef sont les principaux organismes dans ce domaine. Alternativement, la banque peut prendre une hypothèque sur le logement mais ce n’est pas une solution possible en copropriété. Crédit Logement dit réfléchir à un système de cautionnement pour les copropriétés mais cela couvrira-t-il les copropriétés en difficulté ou simplement fragiles ? Sans doute pas. La Caisse des dépôts est également évoquée comme organisme de cautionnement mais sans certitude à ce stade. Les banques, de leur côté, ne sont pas prêtes à courir le risque de prêter aux copropriétés fragiles. Le ministère du Logement a donc indiqué que ces dernières bénéficieront du cautionnement de l’État via le Fonds de garantie pour la rénovation (FGR) qui garantit déjà les éco prêts à taux zéro (écoPTZ). Mais les immeubles bénéficiant de cette garantie seront désignés un par un par l’État et rien n’est encore arrêté pour tous les autres immeubles. Pour l’instant, aucun mécanisme de cautionnement n’est donc en place. La Fédération française des banques indique qu’aucune offre de crédit collectif ne peut alors être lancée à ce stade. De plus, les adaptations informatiques nécessaires pour que les banques puissent distribuer le crédit collectif à adhésion simplifiée à l’ensemble de la copropriété nécessitent du temps et des moyens. Par ailleurs, de manière générale, les banques hésitent à s’engager dans les copropriétés craignant des dossiers complexes, notamment en raison des interactions avec les différents copropriétaires.

 

Le précédent gouvernement (reste à voir ce que fera le gouvernement actuel) a également exploré l’idée d’une «banque de la rénovation» dans un rapport rendu le 11 juillet 2025 «Les besoins de rénovation de l’habitat privé, et notamment les copropriétés, sont estimés à 96 milliards d’euros à l’horizon 2023», indique Yannick Borde, un des co-auteurs du rapport. La réponse à ces besoins de rénovation nécessite des investissements massifs du secteur privé, sans préjudice des financements publics existants. Il y a donc un enjeu majeur à aider les banques à déployer pleinement leur offre. Or, le rapport identifie deux angles morts : les copropriétés et les propriétaires modestes ou âgés qui, pour une grande part, ne répondent pas aux critères d’éligibilité des banques. Plutôt que de créer une banque publique, la mission préconise un outil mutualisé entre banques privées volontaires : la «banque de la rénovation». Ce dispositif ciblerait prioritairement le marché des copropriétés, notamment par la distribution massive du nouveau prêt collectif à adhésion simplifiée et une offre de préfinancement systématique des aides publiques. Un dispositif partenarial permettrait de garantir la performance des travaux. Le but serait également que les banques puissent mutualiser les coûts de développement informatique mais aussi la formation spécialisée et la gestion des risques spécifiques aux copropriétés.

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Une banque indispensable au quotidien

Enfin, les banques gèrent le compte de 700 000 copropriétés. Chaque immeuble dispose d’un compte propre dit «séparé» en vertu de l’article 18, alinéa II, de la loi du 10 juillet 1965. Le syndic, qu’il soit non professionnel (bénévole) ou professionnel est tenu d’ouvrir le compte au nom du syndicat des copropriétaires. Le syndicat peut d’ailleurs choisir la banque de son choix à la majorité de l’article 25. Pour autant, rares sont les immeubles à le faire : elles ne sont que 5 et 10 % à passer à l’action selon les observateurs du secteur notamment parce que beaucoup ignorent qu’elles en ont le droit. La quasi-totalité des copropriétés laissent donc le syndic choisir l’établissement bancaire qu’il utilise généralement pour toutes les copropriétés de son portefeuille.

Pourtant, les avantages ne sont pas négligeables à ce que le syndicat des copropriétaires choisisse sa banque. Cela permet de maitriser les frais des comptes qui peuvent parfois représenter une somme non négligeable pour un petit immeuble. Cela permet de comparer les offres bancaires, les services associés mais aussi de diminuer la dépendance au syndic. En effet, lorsque le syndic gère la banque, la copropriété est moins autonome et moins bien informée des flux d’argent. Pourtant, savoir si les copropriétaires sont à jour de leurs charges et si les fournisseurs sont payés est important. Les relevés de comptes doivent automatiquement être mis sur l’extranet de la copropriété. En pratique, ces relevés ne sont pas toujours consultés et sont parfois peu transparents sur la nature de l’opération. Si les relevés transmis par les banques ne sont pas clairs, le conseil syndical peut, le cas échéant, demander les bordereaux de virements et de remises de chèques. En cas de doute, il reste possible de mettre le choix de la banque à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale. Rappelons enfin que les intérêts produits par un compte livret A sont définitivement acquis au syndicat (art, 18, II, loi 1965). Leur affectation est décidée par l’assemblée générale des copropriétaires : conservation sur le livret A, paiement des charges, redistribution aux copropriétaires, etc. (art. 4 du décret n°2005-240 du 14 mars 2005 relatif aux comptes du syndicat des copropriétaires)

Enfin, les banques qui travaillent avec les copropriétés développent de nouveaux services permettant plus de fluidité. Plusieurs banques, et notamment la Banque Palatine (groupe BPCE), développent une offre spécifique aux copropriétés avec des plateformes de gestion des comptes sur internet, permettant au syndic et aux copropriétaires de gérer et de consulter facilement le compte bancaire. Autres services : des solutions de gestion des flux financiers sous protocole Ebics TS - un outil bancaire sécurisé destiné à transmettre des ordres de paiement comme des virements, des prélèvements, etc. de façon électronique et signée- spécialement adaptées à la gestion de portefeuilles de copropriétés. La solution Ebics TS permet au syndic d’envoyer des virements groupés (ex. paiement des fournisseurs, des entreprises de travaux, honoraires, etc.), d’automatiser la saisie des ordres de paiement via leur logiciel de gestion, mais aussi de signer électroniquement les ordres (en respectant les normes de sécurité bancaire). Cela permet de gagner du temps en évitant les doubles saisies, les erreurs, ou les connexions manuelles sur les interfaces bancaires. Enfin, les banques proposent également à la copropriété de disposer de relevés de comptes mensuels dématérialisés. Ces relevés peuvent être chargés par grappes et déposés directement sur l’intranet copropriétés.