[N°615] - La loi de finances 2016 et la loi de finances rectificative 2015

par Bruno PAYS
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Index de l'article

La loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 portant loi de finances pour 2016 et la loi de finances rectificative pour 2015 (n° 2015-1786) du même jour ont été publiées au Journal Officiel du 30 décembre, après avoir été jugées partiellement conformes à la Constitution1.

Les textes fiscaux ici commentés se caractérisent par l’absence de mesure emblématique. Dans un environnement économique et financier comparable à celui des années précédentes, ils restent marqués par la poursuite de l’effort de rétablissement des comptes publics. Le contribuable pourra se réjouir du retour à une certaine stabilité fiscale. Sauf indication contraire, leur entrée en vigueur est intervenue le 1er janvier 2016 ou à compter de l’imposition des revenus de 20152.

1- Décisions 2015-725 DC et 2015-726 DC du 29 décembre du Conseil constitutionnel.
2- La loi de finances pour 2016 et la loi de finances rectificative pour 2015 sont désignées respectivement dans la suite du commentaire par les abréviations LF 2016 et LFR 2015.


La première loi de finances rectificative pour 2014 avait instauré une réduction d’impôt sur les revenus de 2013 pour les ménages au train de vie modeste, tandis que la loi de finances pour 2015 supprimait la première tranche d’imposition du barème de l’IR (au taux de 5,5 %). La loi de finances pour 2016 s’inscrit dans la continuité de ces mesures en modifiant le calcul de la décote, ce qui devrait se révéler favorable pour 8 millions de contribuables, selon les pouvoirs publics. Ainsi, la décote consiste dorénavant à réduire l’impôt résultant du barème, de la différence entre son plafond porté de 1135 € à 1165 € pour les personnes seules et de 1870 € à 1920 € pour les couples soumis à une imposition commune, et les trois quarts du montant de la cotisation d’impôt brut.
Par ailleurs, les limites des tranches du barème de l’IR sont revalorisées de 0,1 %. Sont majorés du même taux, les seuils de revenus ouvrant droit notamment aux allègements de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d’habitation (LF 2016 art. 2, I).
Le seuil d’application de la taxation forfaitaire d’après les signes extérieurs de richesse est fixé à 45 405 €.
A compter de l’imposition des revenus de 2015, la taxation forfaitaire des non-résidents, en principe applicable à ceux qui disposent d’une habitation en France, est supprimée. Ils ne sont donc dorénavant susceptibles d’être assujettis à l’impôt en France que sur leurs seuls revenus de source française (LFR 2015 art. 21).
A partir de 2016, la déclaration des revenus en ligne sera progressivement obligatoire pour les contribuables dont la résidence principale est équipée d’un accès à Internet, en commençant par les foyers qui perçoivent le revenu fiscal de référence le plus élevé. Ce mode déclaratif sera généralisé en 2019 (LF 2016, art. 76).
Il convient de relever que, tout comme l’an dernier, le barème de l’ISF est maintenu inchangé, ne bénéficiant d’aucune mesure d’indexation. On notera d’ailleurs cette année l’absence de dispositions relatives à l’ISF en matière immobilière.


Fin 2014, plusieurs mesures avaient été adoptées pour relancer le secteur du logement. La loi de finances pour 2016 apporte simplement des ajustements aux dispositifs d’optimisation fiscale en vigueur.

Evolution du crédit d’impôt pour la transition énergétique.
- Déjà remanié en 2014, le dispositif est prorogé jusqu’au 31 décembre 2016 et modifié sur trois points. Le périmètre des dépenses éligibles est légèrement réduit : sont désormais exclues les dépenses d’acquisition de chaudières à condensation au profit des chaudières à haute performance énergétique ; sont également exclus les équipements de production d’électricité à partir de l’énergie éolienne et les dépenses d’équipements mixtes utilisant l’énergie solaire. Par ailleurs, la possibilité de faire intervenir un sous-traitant est légalisée sous certaines conditions. Les travaux qui sont soumis à des critères de qualification doivent faire l’objet d’une visite du logement, préalable à l’établissement du devis par l’entreprise réalisant les travaux d’installation ou de pose (LF 2016, art. 106).

Extension et prorogation de l’éco-PTZ.
- Le crédit d’impôt éco-prêt à taux zéro qui permet de financer la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique globale des logements anciens est reconduit jusqu’au 31 décembre 2018, en même temps qu’assoupli : il est ainsi étendu aux travaux ayant ouvert droit à une aide de l’ANAH auquel cas la condition d’ancienneté du logement ne s’applique pas. Il peut être inclus plus facilement dans le financement global de l’acquisition d’un logement et de sa rénovation. Davantage de temps est laissé à l’emprunteur pour finaliser son dossier de prêt. Et l’enveloppe peut être utilisée plus facilement dans sa totalité via un éco-PTZ complémentaire (LF 2016, art. 108).
 
Ajustement du dispositif d’investissement locatif Pinel.
- Le dispositif “Duflot-Pinel” de réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif dans le secteur intermédiaire avait été remanié par la loi de finances pour 2015. L’article 199 novovicies du CGI prévoyait qu’au sein des immeubles neufs comportant au moins 5 logements, seul un certain pourcentage de logements pouvait ouvrir droit à la réduction d’impôt. Ne pouvant dépasser 80 %, ce pourcentage devait être fixé par décret. Mais cette condition ne s’est jamais appliquée, faute de parution du décret d’application. Cette condition est ce faisant supprimée (LF 2016, art. 7).

Aménagements apportés au régime Malraux.
- Le régime de déduction des dépenses et d’imputation des déficits fonciers issus du dispositif Malraux (relatif à la restauration complète de certains immeubles) qui s’appliquait jusqu’en 2008 (demande de permis de construire ou déclaration de travaux déposée avant le 1er janvier 2009) n’aura plus vocation à s’appliquer au titre des dépenses réalisées à compter de 2018.  
Par ailleurs, le dispositif de réduction d’impôt aujourd’hui applicable au titre des opérations de restauration immobilière réalisées dans certains quartiers dégradés est prolongé de deux ans, donc jusqu’au 31 décembre 2017. Parallèlement, le dispositif est étendu à de nouveaux quartiers anciens dégradés dont la liste sera fixée par arrêté (LF 2016, art. 5 et 29).


Nouvelles possibilités offertes aux collectivités territoriales en matière d’impositions locales.
- Les collectivités territoriales peuvent instituer un abattement de 30 % sur la valeur locative des logements collectifs issus de la transformation de locaux commerciaux ou industriels (lofts) situés dans des communes comportant un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville (LF 2016, art. 93) ; elles peuvent exonérer de la taxe foncière sur les propriété bâties les locaux d’habitation issus de la transformation à usage de bureaux (idem); concernant la taxe d’habitation, elles ont la possibilité d’instaurer un abattement spécial de 10 % de la valeur locative moyenne des habitations situées sur leur territoire en faveur des personnes invalides (LF 2016, art. 94) ; elles peuvent exonérer les maisons de santé de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d’aménagement (LF 2016, art. 92 et 104).

Maintien des exonérations accordées à certains contribuables modestes.
- Un dispositif de lissage est instauré en faveur des personnes de condition modeste dont la situation fiscale a évolué, afin de leur permettre de conserver pendant 2 ans le bénéfice des exonérations de taxe d’habitation et de taxe foncière (notamment). Ce dispositif s’applique dès 2015.
Sont pérennisées les exonérations d’impôts directs locaux et le dégrèvement de contribution à l’audiovisuel public dont ont bénéficié en 2014 les redevables modestes visés à l’article 28 de la loi de finances rectificative pour 2014 si elles en ont perdu le bénéfice uniquement en raison de l’évolution de la législation fiscale, sous réserve du respect des autres conditions de l’exonération (non imposition à l’ISF ; modalités d’occupation). Ce régime s’appliquera à partir de 2017, donc à l’issue de la période de deux ans ouverte par le dispositif de lissage ci-dessus (LF 2016, art. 75).

Refonte de la taxe pour création de bureaux en Ile-de-France.
- Si la typologie des locaux concernés et l’assiette de la taxe sont inchangées, la détermination des tarifs est modifiée (règles de zonage ; dispositif de plafonnement). De même, les principes d’établissement, de recouvrement et de contrôle de la taxe sont revues (LFR 2015, art. 50).

Revalorisation des valeurs locatives.
- Les coefficients de revalorisation forfaitaire des valeurs locatives foncières qui servent de base aux impôts directs locaux sont fixés en 2016 à 1,01 pour toutes les propriétés bâties et non bâties (LF 2016, art. 98).
Il convient d’ajouter que la prise en compte des résultats de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels pour l’établissement des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la CFE est reportée de 2016 à 2017 (LFR 2015, art. 48).

Mise en place d’une taxe additionnelle aux droits de mutation sur les ventes de certains locaux.
- Pour les actes passés et les mutations conclues depuis le 1er janvier 2016, une taxe est pratiquée au titre des mutations à titre onéreux de bureaux, locaux commerciaux et de stockage (sauf immeubles neufs) situés en Ile de France. Son taux est fixé à 0,6 % (LFR 2015, art. 50 I-2° et IV). ●