[N°637] - Copropriétaires successifs, usucapion et parties communes - I.- Une révolution sans doute improbable

par Thierry POULICHOT - Directeur général de l’IGCHF, (Institut des Garanties Citoyennes pour l’Habitat en France)
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I.- Une révolution sans doute improbable

La possibilité pour un copropriétaire d’obtenir un droit de jouissance exclusive sur une partie commune après une possession trentenaire a été soulignée dans un important arrêt du 24 octobre 2007. Cet arrêt avait été publié. Ladite décision juridictionnelle de 2007 avait été prise au visa des articles 2229 et 2262 du Code civil.

L’article 2229 est devenu, à la suite de la réforme de 2008, l’article 2261. Il dispose que, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. L’article 2262, devenu l’article 2272 en 2008, fixe à trente ans le délai de la prescription acquisitive en matière immobilière.

Ainsi, un copropriétaire ayant publiquement, continument et paisiblement joui sans équivoque d’une partie commune comme s’il en était propriétaire, peut réclamer un droit d’usage exclusif sur cette partie commune. Il importe de rappeler que tout bénéficiaire d’une acquisition au titre de la prescription trentenaire peut faire établir un acte de notoriété pour obtenir une inscription à la conservation des hypothèques (aujourd’hui service de la publicité foncière).

Le message clair envoyé par la Cour de cassation en 2007 a été parfaitement perçu par la doctrine avant d’être confirmé, notamment dans un arrêt récent.

La position de la Cour de cassation a été d’autant mieux acceptée qu’elle n’implique pas la transformation automatique d’une partie commune en partie privative. Pour un copropriétaire bénéficiaire d’un droit d’usage exclusif sur une partie commune grâce au règlement de copropriété, la possession induite est toujours considérée comme équivoque, car le règlement de copropriété continue de définir l’espace concerné comme une partie commune. Même dans le silence du règlement de copropriété, des toilettes uniquement accessibles par la cage d’escalier commune et qualifiées de «communs» sur les plans, restent des parties communes et ne peuvent être transformées en parties privatives. Une utilisation exclusive trentenaire par un copropriétaire précis n’y change rien.

Un équilibre clair a donc été trouvé. La Haute juridiction peut, évidemment, soudainement changer d’avis, mais un revirement dans un tel contexte serait surprenant.

On note d’ailleurs que l’arrêt commenté ici n’a pas été pris au visa des actuels articles 2261 et 2272 du Code civil qui concernent les conditions et le délai de la prescription acquisitive en matière immobilière. Il serait donc curieux que cet arrêt, non destiné au bulletin, renverse la solution prise par un arrêt publié. Cet arrêt antérieur, de surcroît, visait des articles non évoqués dans la décision commentée.

Concernant l’affaire tranchée le 18 janvier 2018, seul l’article 2265, anciennement article 2235 du Code civil, est visé. Cet article dispose que «pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu’on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux».

Rien n’indique donc que la Cour de cassation modifie sa position sur la possibilité d’acquérir un droit d’usage exclusif sur les parties communes par usucapion. L’arrêt du 18 janvier 2018 ne semble affecter que les règles permettant à un nouveau copropriétaire d’invoquer le fait que son prédécesseur ait possédé la partie commune dont l’usage exclusif est revendiqué.