Regards croisés : Associations syndicales libres (ASL)

par YS
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«Le statut de la loi de 1965 ne s’applique pas aux ASL»

«Le plus souvent, les propriétaires en ensembles immobiliers (lotissements ou volumes immobiliers) sont réunis en une association syndicale libre. Elle a généralement pour mission de gérer les éléments dits «communs» et de veiller au maintien de la discipline collective, des caractéristiques de l’ensemble immobilier et de sauvegarder les intérêts communs ; c’est son objet conventionnel le plus habituel». Voici comment C. Atias introduisait son Guide des Associations syndicales libres (ASL). Issues de la loi de 21 juin 1865, les ASL ont fait l’objet d’un toilettage lors de la loi du 1er juillet 2004. Par sa souplesse de fonctionnement, son large objet, les ASL présentent de nombreux atouts pour des propriétaires souhaitant gérer des équipements communs.

Malgré la réforme 2004, les ASL suscitent toujours des interrogations tant leur statut est différent de celui de la copropriété. Le point avec trois professionnels : un avocat, un notaire et un géomètre.

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 Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 665 de janvier-février 2021

 Nous remercions Catherine FRANCESCHI de MONCLIN, avocat à Paris ; Christian ROUAIS, géomètre-expert à Toulouse ; Bénédicte ECKLY, notaire à Givors - métropole de Lyon.

Qu’ils soient remerciés du temps qu’ils nous ont consacré.


L’ordonnance du 1er juillet 2004 laisse la part belle à la liberté contractuelle. Sur quels point le rédacteur des statuts doit-il, selon vous, porter son attention ?

Catherine FRANCESCHI de MONCLINCatherine FRANCESCHI de MONCLIN (avocat, Paris) : «Effectivement, l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 et son décret d’application comprennent très peu de dispositions s’imposant aux ASL (articles 1 à 10 de l’ordonnance, complétés par les dispositions des articles 1 à 6 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006). Les plus impactantes concernent les organes de gestion et notamment l’obligation de faire administrer l’ASL par un organe collégial. En l’absence de respect de ces dispositions, l’ASL se voit privée de l’un des attributs de la personnalité morale, la capacité d’ester en justice. C’est principalement pour ce motif que les ASL engagent le processus de mise en conformité de leurs statuts.

A l’occasion de la mise en conformité, hormis les rectifications strictement liées aux dispositions impératives de l’ordonnance et du décret, il parait important de s’attacher en premier lieu à vérifier si l’objet de l’association tel que défini aux statuts d’origine, qui fixe son périmètre de gestion, a évolué, s’il doit être modifié ou complété. Le fonctionnement des assemblées peut être également revu en adaptant des règles de majorité trop contraignantes, en simplifiant et modernisant les modalités de convocations et de notification des procès-verbaux et en insérant un délai de recours réduit pour sécuriser les décisions de l’assemblées» [n.b : A défaut de prévision statutaire, les actions en annulation des décisions prises au cours des assemblées générales des associations syndicales libres se prescrivent par cinq ans, conformément à l’article 2224 du Code civil].

 

Christian ROUAISChristian ROUAIX (géomètre-expert, Toulouse) : «Le géomètre-expert rédacteur de statuts d’ASL est notamment attentif aux points suivants :

- le plan parcellaire, qui définit le périmètre de l’ASL et identifie les unités foncières composant l’assiette. Le géomètre définit le périmètre de l’ASL par la procédure de bornage ;

- l’objet de l’ASL doit être détaillé, au-delà de la définition générale prévue par l’ordonnance, le géomètre ayant connaissance du terrain et des termes techniques associés aux équipements dont il est parfois le concepteur, fait une description exhaustive et précise des espaces et équipements ;

- les conditions du transfert éventuel des équipements communs à la collectivité doivent rappeler aux colotis l’obligation de transfert des équipements et espaces communs à l’ASL dès l’obtention de la DAACT ;

- les modalités de financement et de recouvrement des charges. Pour le calcul des charges, le critère d’utilité des services et équipements fournis par l’ASL paraît adapté. Le système de calcul doit être lisible et transparent dans ses critères (surface de la parcelle, nombre de lots, typologie de logement, surface ou volume construit, linéaire de voirie, etc.)».

 

logo notariatBénédicte ECKLY (notaire, Givors-métropole de Lyon) : «La simplicité du statut légal de l’association syndicale libre commande au rédacteur des statuts de s’y référer en permanence pour établir des solutions convenables. Une rédaction imprécise ou incomplète, voire contradictoire, pourrait être source d’interminables difficultés. Le rédacteur doit apporter un soin particulier à l’élaboration de ces clauses pour qu’elles soient parfaitement adaptées à la réalité du lotissement ou du groupe d’habitations.

L’article 7 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 précise que les statuts doivent définir notamment l’objet de l’association, ses règles de fonctionnement, les modalités de financement et le mode de recouvrement des cotisations. Le rédacteur portera une attention particulière sur ces points.

Les statuts préciseront les biens que l’association syndicale libre sera chargée de gérer et d’entretenir et les travaux qu’elle aura pour mission de faire réaliser. Les statuts doivent faciliter la gestion des parties communes.

Les statuts devront également déterminer les règles de fonctionnement de l’association. Ils détermineront les pouvoirs et le mode de fonctionnement des organes qui la représenteront et lui permettront d’arrêter ses décisions, puis de les exécuter.

Enfin, les statuts devant déterminer les modalités de financement et le mode de recouvrement des cotisations, le rédacteur prendra soin de définir et préciser les droits et obligations de chaque membre de l’association syndicale libre».


Certains gestionnaires ont tendance à appliquer le statut de la copropriété à l’ASL. Comment pouvez-vous expliquer cette situation ?

Caterine FRANCESCHI de MONCLINC. F. de M. : «Cette situation était fréquente il y a quelques années mais nous constatons qu’elle a bien évolué depuis 2004. La loi du 21 juin 1865 était obsolète, peu connue et concernait des situations très disparates (lotissements, voies privées, ensembles immobiliers en lots de volumes, …). L’ordonnance du 1er juillet 2004 a éclairci la situation et le contentieux né ultérieurement a obligé les professionnels à se poser la question de la nature juridique des entités qu’ils géraient jusque-là sans difficulté comme des syndicats».

 

 

 

 

Christian ROUAIXC. R. : «La Cour de cassation rappelle régulièrement que le statut de la loi du 10 juillet 1965 ne s’applique pas aux associations syndicales de propriétaires. Je vois deux cas qui incitent les gestionnaires à appliquer ce statut : des statuts d’ASL imprécis qui ne prévoient pas certains aspects, notamment sur les procédures de vote, les majorités requises, les critères de calcul des charges ; des statuts anciens non mis en conformité à la suite à l’ordonnance de 2004.

Dans ces deux cas, il est logique que le gestionnaire se tourne vers le système qu’il connait le mieux c’est-à-dire celui de la copropriété, bien qu’il ne soit pas fondé à appliquer d’autres dispositions que celles prévues aux statuts».

 

 

 

logo natariatB. E. : De nombreux arrêts de la Cour de cassation ont rappelé la distinction absolue entre les deux personnes morales que sont le syndicat des copropriétaires et l’association syndicale libre. L’absence de règles détaillées et contraignantes a conduit certains gestionnaires à se reporter aux dispositions impératives de la loi du 10 juillet 1965 et à les étendre aux associations syndicales libres. Certains auteurs ont mentionné «un vide juridique» en la matière. 

Pourtant, la Cour de cassation énonçait dans un arrêt du 19 février 1980 que «la loi du 10 juillet 1965 est étrangère au fonctionnement de l’association syndicale libre». Par un arrêt du 20 novembre 1985, elle rappelait que «les obligations mises à la charge des membres d’une association syndicale sont distinctes de celles dérivant du statut de la copropriété».

 

 


Quels sont les difficultés liées à la présence d’une copropriété au sein d’une ASL ?

Caterine FRANCESCHI de MONCLINC. F. de M. : «Elle rend nécessaire la mise en place de mécanismes adaptés pour permettre le recouvrement des cotisations via le syndic du syndicat mais également d’ouvrir à l’ASL la possibilité d’agir directement contre les membres débiteurs à titre individuel. Ces mécanismes doivent être prévus dans les statuts. Il convient d’y organiser également la représentation des copropriétaires, membres à titre individuel de l’ASL, aux assemblées de l’ASL sachant que le syndic n’est pas de droit leur mandataire et, à ce titre, il est utile de mentionner les dispositions de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 insérées par la loi ALUR aux termes desquelles les copropriétaires peuvent mandater le président du conseil syndical pour les représenter et lui donner des instructions de vote au nom du syndicat».

 

 

 

Christian ROUAIXC. R. : «La cohabitation de deux régimes sur une même propriété est source de conflits de fonctionnement. Il suffit d’assister à une assemblée générale pour constater que les copropriétaires connaissent mal le régime de la copropriété ; quant à l’ASL, il s’agit pour eux d’un régime totalement inconnu.

Quelques points à souligner :

- les notions de syndicat des copropriétaires et de syndicat de l’ASL n’ont pas la même signification ;

- la présence d’un syndic est obligatoire en copropriété et ne l’est pas dans une ASL ;

- les articles d’ordre public dans la copropriété sont protecteurs du copropriétaire en matière de transparence des critères de charges, de droits de vote, de mise en concurrence pour travaux, d’obligations du syndic. A l’inverse, les dispositions d’ordre public n’existant pas en ASL, la liberté contractuelle permet de s’affranchir des contraintes de la copropriété au détriment de la protection des copropriétaires. De surcroit, les syndicats de copropriétaires étant représentés en général par le syndic aux assemblées générales de l’ASL, le copropriétaire peut avoir le sentiment d’être tenu à distance du processus décisionnel.

Les montages comprenant des ASL superposées sont source de confusion : ASL générale, ASL secondaires ayant la gestion de voies et équipements privés et celle d’espaces communs destinés à être cédés à la collectivité. A ce montage en mille-feuille peuvent se superposer des ASL constituées pour des divisions volumétriques comprenant elles-mêmes plusieurs copropriétés, ce type de montage nécessite une analyse approfondie du fonctionnement du projet avant rédaction.»

 

logo natariatB. E. : «Ce n’est pas le syndicat des copropriétaires qui est membre de l’association syndicale libre mais chaque copropriétaire du fait de l’acquisition d’un lot dans le périmètre de l’association. Il y a lieu de distinguer la représentation en assemblée générale et la qualité de membre. Chaque membre de l’association syndicale libre doit être convoqué aux assemblées générales.

Il va falloir prévoir dans les statuts et dans le règlement de copropriété un mandataire qui pourra représenter seul les copropriétaires d’un bâtiment soumis au statut de la copropriété aux assemblées générales de l’association. On peut aussi prévoir que le syndicat des copropriétaires soit représenté par son syndic de copropriété ; le syndic pourrait être contraint par le règlement de copropriété de convoquer en amont une assemblée générale afin de proposer aux copropriétaires de se prononcer sur chacun des points inscrits à l’ordre du jour de ladite assemblée de l’association syndicale libre. Le syndic se ferait alors le porte-parole des décisions prises par la majorité requise des copropriétaires.

Il faut éviter qu’un seul et unique syndic contrôle l’assemblée générale de l’association et décide seul, lorsque dans le périmètre de ladite association sont compris plusieurs immeubles soumis au statut de la copropriété. La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 13 février 2008 qu’aux termes de l’article L. 322-9-1 du Code de l’urbanisme, «des mandataires ad hoc devront être désignés par le ou les syndicats afin qu’un même syndic ne puisse représenter plus d’un syndicat ; à défaut de nomination, le mandataire ad hoc est désigné par l’autorité judiciaire saisie à la requête de tout intéressé». 


En savoir plus

> Article de Jean-Marc Le Masson, avocat au barreau de Nantes en page 19 ;

> Guide des associations syndicales libres, 8e éd., C. Atias, mis à jour par J.-M. Roux, aux éditions Edilaix.