II.- L’encouragement de l’emprunt collectif
Il est possible, également, de s’endetter pour financer la rénovation énergétique. La question doit même être posée chaque fois que l’assemblée vote des travaux pour lesquels un tel financement est possible. L’emprunt n’a de collectif que le nom, puisqu’il est, en réalité, souscrit par le syndicat qui est tenu de le rembourser. La loi Habitat dégradé du 9 avril 2024 a créé un nouvel emprunt collectif qui s’ajoute aux trois déjà existants mais dont l’entrée en vigueur est subordonnée à des décrets encore attendus à ce jour. Nous nous focaliserons sur ce dernier.
Relevons, d’abord, que les emprunts collectifs ne sont que partiellement soumis aux règles du code de la consommation. L’article 26-5 de la loi du 10 juillet 1965 renvoie, seulement, aux règles de publicité du crédit immobilier et aux dispositions relatives au taux effectif global.
Le renvoi n’est donc pas total. Les prêts du code de la consommation ne concernent, en principe, que les emprunts souscrits par des personnes physiques, à l’exception du crédit immobilier souscrit par une personne morale de droit privé, non destiné à financer une activité professionnelle, lorsque le crédit sert à acquérir ou à construire l’immeuble. Le crédit destiné à financer des travaux de rénovation énergétique en copropriété ne relève donc pas des dispositions du livre III du code de la consommation, qu’il s’agisse du crédit à la consommation ou du crédit immobilier.
Par conséquent, en particulier, les règles relatives au remboursement anticipé ne s’appliquent pas.
La loi Habitat dégradé a innové en créant un nouvel emprunt collectif avec présomption d’adhésion de tous les copropriétaires. Il fallait, jusqu’à présent, que le crédit soit souscrit par un vote à l’unanimité ou, seulement, par les copropriétaires acceptant de participer à l’emprunt. Le seul cas dans lequel un emprunt pouvait être voté à la majorité, tout en concernant tous les copropriétaires, était celui du crédit de préfinancement de subventions publiques. Ces trois types d’emprunts collectifs présentent des défauts : l’unanimité utopique pour le premier, le champ d’application réduit pour le dernier (crédit de préfinancement). Le crédit avec adhésion volontaire présente, quant à lui, un défaut potentiel : les copropriétaires n’ayant pas accepté de participer au crédit et ayant voté contre les travaux peuvent bénéficier des dispositions de l’article 33 de la loi du 10 juillet 1965, donc d’une possibilité de payer les travaux par annuités, sauf travaux obligatoires. Il est donc possible que le syndicat n’ait pas la totalité des sommes nécessaires au paiement des travaux.
La loi du 9 avril 2024 a donc mis en place un dispositif censé être plus efficace : le syndicat peut voter, à la même majorité que les travaux, la souscription d’un emprunt collectif qui sera répercuté sur tous les copropriétaires. L’intérêt de ce mécanisme est de permettre d’emprunter, éventuellement, la totalité des sommes nécessaires au paiement des travaux ou bien de combiner emprunt et utilisation du fonds de travaux. Ce nouvel emprunt pourra être souscrit pour financer des travaux de conservation de l’immeuble, de préservation de la santé ou de la sécurité des occupants, les travaux obligatoires, ceux de restauration immobilière, d’accessibilité, de suppression du vide-ordures pour des impératifs d’hygiène et les travaux d’économie d’énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Sa durée maximale sera fixée par voie règlementaire.
Si tous les copropriétaires sont présumés adhérer à cet emprunt, la loi prévoit la possibilité de refuser de participer à ce dernier. On trouve ici un système d’opt-out : les copropriétaires peuvent refuser de participer à l’emprunt.
Attention ! Il ne suffit pas, pour cela, d’avoir voté contre les travaux ou contre le recours à l’emprunt. Si l’emprunt est voté, tous les copropriétaires sont tenus de participer à l’effort de dette. Pour y échapper, il faudra notifier au syndic le refus de participer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée générale, et payer la totalité de la quote-part des travaux dans les six mois de cette même notification. Si ce paiement n’a pas lieu, le copropriétaire ayant notifié son refus sera tenu de participer à l’emprunt. Précisons que l’article 33 ne s’applique pas, si bien que le copropriétaire ayant voté contre les travaux et refusant de participer au crédit n’aura pas d’autre choix que de payer la totalité de sa quote-part de travaux dans les six mois.
Cette chronologie est très importante pour comprendre le mécanisme. En effet, il est possible qu’il faille attendre six mois pour savoir combien de copropriétaires seront effectivement tenus par l’emprunt. Or le syndic peut signer le contrat dès l’expiration du délai de deux mois prévu au deuxième alinéa de l’article 42. On peut donc comprendre que, quoi qu’il en soit, et sauf paiement rapide des quotes-parts de travaux par les copropriétaires récalcitrants, le prêt sera conclu en vue d’une participation globale des copropriétaires.
Cette chronologie permet de comprendre l’article 26-13 de la loi du 10 juillet 1965, qui prévoit que les sommes versées par les copropriétaires ayant refusé de participer à l’emprunt correspondent au remboursement du capital et des intérêts et au paiement des frais et des honoraires, et doivent être affectées sans délai par le syndic au remboursement anticipé de l’emprunt. Or, comme nous l’avons déjà signalé, les articles L. 312-34 et L. 313-47 du code de la consommation, relatifs aux indemnités de remboursement anticipé, respectivement dans le crédit à la consommation et le crédit immobilier, ne s’appliquent pas à l’emprunt collectif souscrit par un syndicat de copropriétaires.
L’article L.732-3 du code de la construction et de l’habitation prévoit que le contrat doit prévoir des facilités de remboursement anticipé, pour tenir compte des versements effectués par les copropriétaires ne souhaitant pas participer et des aides publiques perçues après la conclusion du prêt. Gageons que les frais de remboursement anticipés seront très mal accueillis par les copropriétaires refusant de participer au crédit !
Là apparaît la véritable nature de cet emprunt collectif qui, bien que souscrit par le syndicat personne morale, qui a seul la qualité d’emprunteur, est supporté par les copropriétaires. Du reste, l’article 26-4, III, prévoit la possibilité, pour l’établissement de crédit, de consulter le FICP, qui recense les incidents de paiement des crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non-professionnels. Cela lui permettra de s’informer sur la solvabilité des copropriétaires, dont l’identité doit lui être communiquée.
Notons, enfin, qu’en cas de mutation, et contrairement à la déchéance du terme prévue par l’article 26-8 pour les autres formes d’emprunt collectif, sauf accord de l’acquéreur pour reprendre le prêt, l’article 26-11 prévoit un transfert du prêt à l’acquéreur sauf, bien sûr, en cas de remboursement anticipé par le vendeur. Il est probable que peu d’acquéreurs, devant déjà financer leur acquisition à crédit, acceptent de reprendre la charge d’un prêt consenti au syndicat.
Les semaines à venir seront décisives pour cette nouvelle forme d’emprunt collectif, un décret devant préciser les modalités du cautionnement dont bénéficiera le syndicat, prévu par l’article 26-12.
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