Copropriété | Le financement de la rénovation énergétique Fonds de travaux et emprunt collectif

par Stéphane BENILSI, maître de conférences à l'Université de Montpellier
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Stéphane Benilsi, intervenant lors du colloque anniversaire Edilaix 60 ans de copropriété
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Index de l'article

 COLLOQUE ANNIVERSAIRE LOI 1965 : CHANGEMENT DE PARADIGME ? 

Le syndicat peut financer la rénovation énergétique en utilisant ses économies et/ou en s’endettant. Ces deux questions ont été renouvelées récemment. L’utilisation du fonds de travaux a été rénovée par la loi Climat et Résilience de 2021 (I) ; le recours au crédit est, quant à lui, encouragé par la loi Habitat dégradé de 2024 dont on attend les décrets d’application (II).


I.- La rénovation du fonds de travaux

Le fonds de travaux avait été rendu obligatoire par la loi ALUR. Il s’agissait d’obliger les copropriétaires à constituer une cagnotte, définitivement acquise au syndicat de copropriétaires, permettant de faire face en cas de travaux. L’avantage de ce fonds de travaux est d’encourager le vote de travaux qui paraissent indolores aux copropriétaires s’ils sont intégralement financés par ce fonds.

La loi Climat et Résilience de 2021 a modifié le régime de ce fonds de travaux qui a, par ailleurs, changé de place dans la loi du 10 juillet 1965, passant de l’ancien article 14-2 au nouvel article 14-2-1.

Ce léger déménagement s’accompagne de quelques modifications qui sont toutes désormais applicables, puisque le nouveau texte s’applique à toutes les copropriétés depuis le 1er janvier 2025, à la suite d’une entrée en vigueur différée en fonction de la taille des syndicats, désormais classique en droit de la copropriété.

Voyons l’obligation de constituer un fonds de travaux (A), la cotisation au fonds de travaux (B) et l’utilisation du fonds de travaux (C).

 

A.- L’obligation de constituer un fonds de travaux

Il y a ici, avec la loi Climat de 2021, à la fois une extension et une réduction du domaine du fonds de travaux.

Extension du domaine.- Il n’y a plus d’exception possible, que ce soit pour les copropriétés de moins de dix lots ou pour celles dont le diagnostic technique global faisait apparaître une absence de besoin de travaux dans les dix années suivantes. Dans ces deux cas, aujourd’hui, le fonds de travaux doit être institué.

Réduction du domaine.- Le moment à partir duquel il faut commencer à constituer le fonds de travaux a été retardé. Aujourd’hui, l’obligation ne vaut qu’à l’issue d’une période de dix ans à compter de la date de réception des travaux de construction de l’immeuble, contre cinq ans dans l’ancienne version.

 

B.- La cotisation au fonds de travaux

Le fonds de travaux a été adapté au plan pluriannuel de travaux (PPT). Si ce dernier a été adopté, la cotisation ne peut pas être inférieure à 2,5 % du montant des travaux prévus, ni à 5 % du montant du budget prévisionnel. À défaut d’adoption du PPT, le seul plancher est celui de 5 % du budget prévisionnel.

De la même manière, la suspension des cotisations est possible, par un vote en assemblée générale, lorsque le montant du fonds de travaux excède le montant du budget prévisionnel et 50 % du montant des travaux prévus dans le PPT adopté.

Les sommes sont attribuées définitivement au syndicat des copropriétaires. La loi Climat et Résilience a ajouté, à ce propos, une précision dont l’utilité n’est pas évidente : «l’acquéreur peut consentir à verser au vendeur un montant équivalent à ces sommes en sus du prix de vente du lot».

Cet ajout ne crée, bien sûr, aucune obligation. La formulation est intéressante. On aurait pu penser que le prix de vente pouvait tenir compte du montant du fonds de travaux. Or ici on nous parle d’une somme versée en sus du prix de vente du lot.

Cela ne peut aucunement correspondre à une cession de créance, puisque les copropriétaires n’ont aucune créance de restitution sur le syndicat au titre du fonds de travaux.

Mais il faut relire le début de ce III : les sommes versées au titre du fonds de travaux sont attachées au lot.

En effet, si elles deviennent définitivement la propriété du syndicat, ces sommes seront affectées à des dépenses au titre du lot. Il y a donc un compte, attaché au lot, qui est cédé avec ce dernier et qui peut faire l’objet d’un paiement distinct du prix de vente.

 

C.- Utilisation des sommes

La loi de 2021 a restreint la possibilité d’utiliser le fonds de travaux. Seuls peuvent, aujourd’hui, être financés par ce fonds :

- l’élaboration du PPPT ou du DTG ;

- la réalisation des travaux prévus dans le PPT adopté ;

- les travaux décidés par le syndic en cas d’urgence ;

- les travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé des occupants et à la réalisation d’économies d’énergie, non prévus dans le PPT.

Le fonds de travaux est donc désormais fléché vers les travaux qui paraissent les plus importants, dont ceux de rénovation énergétique. Ce fléchage, qui peut sembler attentatoire à la propriété du syndicat, renforce la probabilité de disposer des sommes nécessaires aux travaux visés.

Notons que la décision d’utiliser le fonds de travaux se vote à la même majorité que les travaux. Or la loi Habitat dégradé de 2024 a institué une passerelle simplifiée pour les travaux d’économie d’énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui pourront être votés à la majorité de l’article 24 même si un tiers des voix n’a pas été obtenu lors du premier vote, à condition qu’une nouvelle assemblée générale soit convoquée dans les 3 mois. Cette passerelle devrait, logiquement, concerner à la fois le vote des travaux et celui de leur financement pas le fonds de travaux.


II.- L’encouragement de l’emprunt collectif

Il est possible, également, de s’endetter pour financer la rénovation énergétique. La question doit même être posée chaque fois que l’assemblée vote des travaux pour lesquels un tel financement est possible. L’emprunt n’a de collectif que le nom, puisqu’il est, en réalité, souscrit par le syndicat qui est tenu de le rembourser. La loi Habitat dégradé du 9 avril 2024 a créé un nouvel emprunt collectif qui s’ajoute aux trois déjà existants mais dont l’entrée en vigueur est subordonnée à des décrets encore attendus à ce jour. Nous nous focaliserons sur ce dernier.

Relevons, d’abord, que les emprunts collectifs ne sont que partiellement soumis aux règles du code de la consommation. L’article 26-5 de la loi du 10 juillet 1965 renvoie, seulement, aux règles de publicité du crédit immobilier et aux dispositions relatives au taux effectif global.

Le renvoi n’est donc pas total. Les prêts du code de la consommation ne concernent, en principe, que les emprunts souscrits par des personnes physiques, à l’exception du crédit immobilier souscrit par une personne morale de droit privé, non destiné à financer une activité professionnelle, lorsque le crédit sert à acquérir ou à construire l’immeuble. Le crédit destiné à financer des travaux de rénovation énergétique en copropriété ne relève donc pas des dispositions du livre III du code de la consommation, qu’il s’agisse du crédit à la consommation ou du crédit immobilier.

Par conséquent, en particulier, les règles relatives au remboursement anticipé ne s’appliquent pas.

La loi Habitat dégradé a innové en créant un nouvel emprunt collectif avec présomption d’adhésion de tous les copropriétaires. Il fallait, jusqu’à présent, que le crédit soit souscrit par un vote à l’unanimité ou, seulement, par les copropriétaires acceptant de participer à l’emprunt. Le seul cas dans lequel un emprunt pouvait être voté à la majorité, tout en concernant tous les copropriétaires, était celui du crédit de préfinancement de subventions publiques. Ces trois types d’emprunts collectifs présentent des défauts : l’unanimité utopique pour le premier, le champ d’application réduit pour le dernier (crédit de préfinancement). Le crédit avec adhésion volontaire présente, quant à lui, un défaut potentiel : les copropriétaires n’ayant pas accepté de participer au crédit et ayant voté contre les travaux peuvent bénéficier des dispositions de l’article 33 de la loi du 10 juillet 1965, donc d’une possibilité de payer les travaux par annuités, sauf travaux obligatoires. Il est donc possible que le syndicat n’ait pas la totalité des sommes nécessaires au paiement des travaux.

La loi du 9 avril 2024 a donc mis en place un dispositif censé être plus efficace : le syndicat peut voter, à la même majorité que les travaux, la souscription d’un emprunt collectif qui sera répercuté sur tous les copropriétaires. L’intérêt de ce mécanisme est de permettre d’emprunter, éventuellement, la totalité des sommes nécessaires au paiement des travaux ou bien de combiner emprunt et utilisation du fonds de travaux. Ce nouvel emprunt pourra être souscrit pour financer des travaux de conservation de l’immeuble, de préservation de la santé ou de la sécurité des occupants, les travaux obligatoires, ceux de restauration immobilière, d’accessibilité, de suppression du vide-ordures pour des impératifs d’hygiène et les travaux d’économie d’énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Sa durée maximale sera fixée par voie règlementaire.

Si tous les copropriétaires sont présumés adhérer à cet emprunt, la loi prévoit la possibilité de refuser de participer à ce dernier. On trouve ici un système d’opt-out : les copropriétaires peuvent refuser de participer à l’emprunt.

Attention ! Il ne suffit pas, pour cela, d’avoir voté contre les travaux ou contre le recours à l’emprunt. Si l’emprunt est voté, tous les copropriétaires sont tenus de participer à l’effort de dette. Pour y échapper, il faudra notifier au syndic le refus de participer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée générale, et payer la totalité de la quote-part des travaux dans les six mois de cette même notification. Si ce paiement n’a pas lieu, le copropriétaire ayant notifié son refus sera tenu de participer à l’emprunt. Précisons que l’article 33 ne s’applique pas, si bien que le copropriétaire ayant voté contre les travaux et refusant de participer au crédit n’aura pas d’autre choix que de payer la totalité de sa quote-part de travaux dans les six mois.

Cette chronologie est très importante pour comprendre le mécanisme. En effet, il est possible qu’il faille attendre six mois pour savoir combien de copropriétaires seront effectivement tenus par l’emprunt. Or le syndic peut signer le contrat dès l’expiration du délai de deux mois prévu au deuxième alinéa de l’article 42. On peut donc comprendre que, quoi qu’il en soit, et sauf paiement rapide des quotes-parts de travaux par les copropriétaires récalcitrants, le prêt sera conclu en vue d’une participation globale des copropriétaires.

Cette chronologie permet de comprendre l’article 26-13 de la loi du 10 juillet 1965, qui prévoit que les sommes versées par les copropriétaires ayant refusé de participer à l’emprunt correspondent au remboursement du capital et des intérêts et au paiement des frais et des honoraires, et doivent être affectées sans délai par le syndic au remboursement anticipé de l’emprunt. Or, comme nous l’avons déjà signalé, les articles L. 312-34 et L. 313-47 du code de la consommation, relatifs aux indemnités de remboursement anticipé, respectivement dans le crédit à la consommation et le crédit immobilier, ne s’appliquent pas à l’emprunt collectif souscrit par un syndicat de copropriétaires.

L’article L.732-3 du code de la construction et de l’habitation prévoit que le contrat doit prévoir des facilités de remboursement anticipé, pour tenir compte des versements effectués par les copropriétaires ne souhaitant pas participer et des aides publiques perçues après la conclusion du prêt. Gageons que les frais de remboursement anticipés seront très mal accueillis par les copropriétaires refusant de participer au crédit !

Là apparaît la véritable nature de cet emprunt collectif qui, bien que souscrit par le syndicat personne morale, qui a seul la qualité d’emprunteur, est supporté par les copropriétaires. Du reste, l’article 26-4, III, prévoit la possibilité, pour l’établissement de crédit, de consulter le FICP, qui recense les incidents de paiement des crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non-professionnels. Cela lui permettra de s’informer sur la solvabilité des copropriétaires, dont l’identité doit lui être communiquée.

Notons, enfin, qu’en cas de mutation, et contrairement à la déchéance du terme prévue par l’article 26-8 pour les autres formes d’emprunt collectif, sauf accord de l’acquéreur pour reprendre le prêt, l’article 26-11 prévoit un transfert du prêt à l’acquéreur sauf, bien sûr, en cas de remboursement anticipé par le vendeur. Il est probable que peu d’acquéreurs, devant déjà financer leur acquisition à crédit, acceptent de reprendre la charge d’un prêt consenti au syndicat.

Les semaines à venir seront décisives pour cette nouvelle forme d’emprunt collectif, un décret devant préciser les modalités du cautionnement dont bénéficiera le syndicat, prévu par l’article 26-12.