[N° 566] - Copropriété et travaux : le financement

par Paul TURENNE
Affichages : 27736

Index de l'article

Si les petits travaux d’entretien et de réparation, voire les travaux d’amélioration ou de transformation peuvent être le plus souvent financés sans grande difficulté par les copropriétaires, il n’en est est pas toujours de même pour les travaux d’importance. Etat des lieux.

Paul TURENNE

Ravalement complet de façade, réfection de toiture, isolation thermique d’un bâtiment, remplacement ou lourde modernisation des ascenseurs… Autant de chantiers qui peuvent vite s’avérer très coûteux et entraîner des difficultés financières pour certains copropriétaires, voire, in fine, pour l’ensemble de la copropriété, s’ils n’ont pas été anticipés.
Car, dès lors que les travaux ont été votés en assemblée générale (cf. encadré “Quatre types de travaux, quatre majorités de vote“), ces derniers doivent être financés et répartis selon la règle des tantièmes. Une quote-part qui peut atteindre plusieurs milliers d’euros par copropriétaire.
Plusieurs solutions existent pour faire face à ces dépenses, le plus souvent prévisibles.


L’épargne collective

Le vote d’un “fonds travaux“ peut être un moyen de faire voter plus aisément, en temps voulu, des travaux utiles, mais coûteux. Il est, en effet, plus facile de le faire, que ce soit d’un point de vue financier mais aussi psychologique, dès lors qu’on sait que de l’argent a été provisionné. Cette provision reste, pour l’heure, non obligatoire en France, à la différence d’autres pays. Au Québec, par exemple, la loi institue une obligation d’épargne collective pour gros travaux égale au minimum à 5 % du montant annuel des charges. Sur le vieux continent, l’article 18-5 de la loi du 10 juillet 1965 dispose seulement que «Le syndic est chargé de soumettre, lors de sa première désignation et au moins tous les trois ans, au vote de l’assemblée générale la décision de constituer des provisions spéciales en vue de faire face aux travaux d’entretien ou de conservation des parties communes et des éléments d’équipement communs, susceptibles d’être nécessaires dans les trois années à échoir et non encore décidés par l’assemblée générale.» L’assemblée générale peut, par ailleurs, décider du placement des fonds recueillis au profit du syndicat des copropriétaires et de l’affectation des intérêts produits (article 35-1 du décret du 17 mars 1967). Bien que devant être votée à la majorité absolue de l’article 25, c’est-à-dire à la majorité des voix de tous les copropriétaires, qu’ils soient ou non présents, cette décision n’est pas souvent choisie par les copropriétaires qui rechignent à épargner collectivement, notamment face à des charges jugées déjà trop importantes. Par ailleurs, les sommes ainsi provisionnées doivent être consommées dans les trois ans qui suivent le vote en assemblée générale, ce qui laisse peu de latitude en terme de durée. Autre écueil d’importance : le propriétaire qui vend son bien récupère, lors de son départ, la totalité de la somme versée au titre de ces provisions spéciales considérées comme des avances. Charge à l’acheteur de la reconstituer à son arrivée dans la copropriété en s’acquittant du paiement des provisions dont la date d’exigibilité est postérieure à la vente (article 45-1 du décret du 17 mars 1967). De quoi décourager le vote d’une telle mesure par crainte de ne plus arriver à vendre son bien à cause de cette somme supplémentaire, potentiellement rédhibitoire pour un acquéreur éventuel. Sans compter le manque de visibilité pour tous les autres copropriétaires.

D’autre part, bon nombre d’administrateurs de biens eux-mêmes préfèrent ne pas mettre en place d’épargne collective, jugée trop contraignante. En effet, si le placement retenu par la copropriété ne prévoit pas de prélèvement libératoire, avec des prélèvements à la source par le banquier lui-même, des impôts attachés aux intérêts perçus, chaque copropriétaire devra les déclarer individuellement une fois par an. Le syndic sera alors obligé d’adresser une attestation à chacun d’entre eux. Une lourdeur administrative qui peut être évitée en utilisant des SICAV de trésorerie ou un livret A d’épargne, pour le coup limité à 76 500 euros et au taux sans doute moins intéressant. Rappelons que ces fonds sont «sanctuarisés» et que le syndic a donc interdiction d’y puiser de la trésorerie pour la gestion courante.


Les plans pluriannuels de travaux

Autre possibilité de financement, existant depuis 2004, mais encore peu utilisée par les copropriétés : le plan pluriannuel de travaux. Cette réserve de trésorerie fondée sur le montant prévisionnel des différents postes de travaux à engager permet de les financer totalement ou partiellement au moyen d’appels réguliers sur une longue période. Auparavant, un diagnostic complet de l’immeuble aura du être engagé, que ce soit au niveau du gros oeuvre, des façades, des réseaux, de la maintenance ascenseur ou bien encore des installations de chauffage. Cet audit exhaustif de l’immeuble permettra donc d’intégrer tous les travaux à venir, qu’il s’agisse d’améliorer l’immeuble, de l’entretenir ou bien encore d’assurer la sécurité et le confort de ses occupants. Pour les copropriétaires le souhaitant, la loi autorise même un lissage des sommes à verser jusqu’à 15 ans. De quoi faire face à de gros travaux, les copropriétaires n’ayant plus qu’à verser une petite somme une fois déduites les aides et financements divers obtenus. Sans compter les dépenses évitées grâce aux économies d’échelle possibles du fait d’une meilleure organisation.
Cette anticipation sur le long terme intéresse pourtant rarement les copropriétaires, et plus particulièrement les propriétaires bailleurs, qui préfèrent le plus souvent payer lorsqu’ils n’ont plus le choix. Une stratégie qui n’empêche pas la réalisation de ces travaux à terme mais qui peut poser problème pour les copropriétaires les plus modestes qui se retrouvent à devoir débloquer des sommes importantes en quelques mois seulement, lorsqu’ils découvrent l’ampleur des travaux au moment où ceux-ci sont inscrits à l’ordre du jour de l’assemblée générale.
La réalisation obligatoire dans les cinq ans, dès 2012, d’un diagnostic de performance énergétique global ou d’un contrat de performance énergétique devraient nécessairement entraîner, au cours des prochaines années, une recrudescence des travaux dans les immeubles les plus anciens. Une situation qui explique sans doute que l’idée d’une loi rendant les fonds de travaux obligatoires soit de plus en plus populaire, tant au niveau des associations, qu’au niveau des grandes organisations de syndics comme la Fnaim et l’Unis. Cette mesure, pourtant déjà en vigueur en Europe (Espagne, Portugal, Allemagne, Autriche, ou bien encore aux Pays-Bas) n’est cependant pas encore à l’ordre du jour en France. La situation pourrait cependant bientôt changer devant l’ampleur des travaux à engager dans le bâti pour faire face, entre autres, à l’urgence écologique.


Un exemple de montage financier dans une copropriété

A Vénissieux (69), des travaux particulièrement importants ont été engagés dans la copropriété «Grandes Terres des Vignes». Ce bâtiment de 300 logements datant de 1967 et d’une surface habitable de 23 550 m² était équipé d’un chauffage collectif défectueux et classé en étiquette E du diagnostic de performance énergétique. Par ailleurs, le bâti s’était vraiment dégradé à partir des années 90 avec la baisse des prix et l’arrivée de bailleurs et de propriétaires plus modestes. Les façades possédaient une très mauvaise isolation thermique avec des chutes de béton et une étanchéité à l’eau des joints très médiocre. Au niveau des fenêtres, celles-ci laissaient passer le froid et le bruit, l’épaisseur des vitrages n’était pas adaptée aux effets du vent. Sans compter les volets roulants durs à manœuvrer. Enfin, le revêtement des terrasses était très dégradé, avec une étanchéité très imparfaite et de l’eau stagnante.
De 2003 à 2005, le projet a commencé à être présenté aux copropriétaires et une réflexion en profondeur a été menée pour mieux cerner les priorités. Des partenaires publics (Etat, Région, Grand Lyon, Ville) ont dans le même temps validé la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde sur la copropriété.
De 2005 à 2010, le projet est passé dans sa phase active suite au démarrage du plan de sauvegarde. L’opérateur Pact Arim a alors été désigné pour animer le plan et accompagner le conseil syndical pendant au une durée minimale de 5 ans.
La grande majorité des copropriétaires étant d’origine modeste, des financements publics exceptionnels à hauteur de 80 % ont permis de vaincre les réticences de certains à engager des travaux très lourds d’un montant total de 7,5 millions d’euros TTC. Ont ainsi participé l’Anah, le Grand Lyon, la Ville de Vénissieux et la Région Rhône-Alpes. Pour les prêts travaux et l’avance de trésorerie, Procivis (ensemble des Sociétés Anonymes Coopératives d’Intérêt Collectif pour l’Accession à la Propriété, du groupe Crédit Immobilier de France) a été choisi. Ces financements initialement prévus pour être étalés sur 8 ans ont finalement pu être ramenés à deux ans après discussions.
Les baies vitrées existantes ont été remplacées par des menuiseries aluminium étanches à l’air et à isolation thermique renforcée < 1,8 W/m².K.
Une isolation thermique par l’extérieur a également été mise en place sur les façades et la toiture terrasse. Enfin, l’installation de chauffage a été entièrement rénovée et les habitants sensibilisés aux économies d’énergie.
Au final, la consommation devrait être ramenée, dès la fin des travaux prévue pour 2013, de 240 kWh/m²/an à 122 kWh/m²/an, sans compter un confort accru.


Subventions : des aides à ne pas négliger

Etat, région, département, communauté de communes, communes… A tous les niveaux, des aides sont disponibles sous conditions pour engager des travaux au sein de la copropriété. Les copropriétaires demeurant dans un immeuble situé dans une Opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH), une Opération programmée d’amélioration thermique des bâtiments (OPATB) ou qui répondent à certains critères, peuvent ainsi se voir allouer des fonds. Il en est parfois de même pour les travaux réalisés dans les parties communes suite à un arrêté d’insalubrité, de péril, de mise en sécurité des équipements communs ou à une injonction préfectorale de mise hors d’état d’accessibilité au plomb.
L’Agence nationale de l’habitat (Anah) subventionne, pour sa part, les travaux d’amélioration réalisés dans des logements situés dans des immeubles de plus de 15 ans, appartenant soit à des propriétaires bailleurs qui les mettent en location à titre de résidence principale, soit à des propriétaires occupants dont les ressources ne dépassent pas un certain seuil. Quoi qu’il en soit, le montant cumulé des subventions de l’Anah et des autres aides publiques sera limité à 80 % de la dépense.
En règle générale, le syndic sera chargé de constituer un dossier une fois les travaux votés, puis les copropriétaires prendront le relais, à titre individuel. Une fois l’ensemble validé, les travaux pourront commencer. Dans le cas contraire, le financement ne sera pas assuré à 100 %.
Consulter l’association Pact Arim, présente dans chaque département, sera dans tous les cas un bon moyen d’éviter les mauvaises surprises et d’être informé objectivement de l’ensemble des aides disponibles sur chaque territoire.


Rappel

Quatre types de travaux, quatre majorités :

Travaux d’entretien et de réparation

Destinés à conserver le bon état de l’immeuble, ils se décident à la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, c’est-à-dire à la majorité des voix exprimées par les personnes présentes ou représentées.
Sont ainsi concernés : les travaux d’entretien des parties communes et de maintien de l’immeuble en bon état, comme la réfection partielle de la toiture, ainsi que tous les travaux visant à améliorer l’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, sous réserve qu’ils n’affectent pas la structure de l’immeuble ou ses éléments d’équipement essentiels. Les copropriétaires peuvent toutefois donner l’autorisation à certains copropriétaires d’effectuer des travaux d’accessibilité affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, si ces derniers financent exclusivement les travaux.

Travaux spécifiques

Ils englobent notamment les travaux de mise en sécurité, de recherche d’amiante, ceux liés aux économies d’énergie et ne relevant pas de l’entretien, ou bien encore à la mise aux normes des ascenseurs. Votés, en principe, à la majorité absolue de l’article 25, c’est-à-dire à la majorité des voix de tous les copropriétaires, qu’ils soient ou non présents, ils peuvent néanmoins être votés à la majorité simple de l’article 24 soit immédiatement, soit lors d’une seconde assemblée (L.1965, art. 25-1) Attention : pour tous les travaux rendus obligatoires par des dispositions législatives ou réglementaires, les copropriétaires ne se prononcent que sur les modalités de réalisation et d’exécution.
L’autorisation peut, par ailleurs, être donnée à un copropriétaire d’effectuer, à ses frais, des travaux affectant les parties communes.

Travaux d’amélioration ou de transformation

Installation d’un ascenseur, équipement du hall en boîtes aux lettres, modernisation du chauffage, aménagement ou création d’un local à usage commun.… Tous ces travaux, utiles à l’immeuble mais non indispensables à son maintien en bon état, doivent être votés à la double majorité de l’article 26, c’est-à-dire, la majorité en nombre de tous les copropriétaires, présents ou non, qui représente au moins les deux tiers des voix du syndicat. Signalons que les copropriétaires qui n’ont pas donné leur accord à ces travaux d’amélioration ont la possibilité de payer leur part sur dix ans.

Très gros travaux

Tous les travaux aboutissant à une modification susceptible de changer la destination, comme la création d’un nouveau lot, ou la surélévation de l’immeuble, doivent être votés à l’unanimité (L.1965, art. 26 et 35)


3 questions à Bernard Coynel, administrateur de biens chez Audras & Delaunois

Quelles sont les solutions les plus fréquemment choisies par les copropriétés que vous gérez pour financer des travaux d’importance ?
Les constitutions de provisions spéciales pour gros travaux restent encore peu utilisées par les copropriétaires, de même que le vote de plans pluriannuels de travaux. Le plus souvent, les travaux importants sont financés grâce à plusieurs appels de fonds qui répartissent la somme sur une durée pouvant aller jusqu’à un an pour des copropriétés dont les habitants disposent de faibles revenus ou en cas de travaux particulièrement importants.
En ce qui concerne les crédits collectifs, les copropriétaires sont encore relativement frileux. Cela s’explique sans doute par le fait qu’ils étaient auparavant obligatoirement solidaires les uns des autres, dès lors que le syndic contractait un crédit au nom du syndicat des copropriétaires. Désormais, même si un vote en AG est toujours nécessaire pour entériner ce choix, seuls y adhèrent les volontaires et chacun est complètement responsable des sommes qu’il rembourse.
Mais l’aspect psychologique, avec la sensation d’être lié quoi qu’il arrive, joue souvent en défaveur d’une solution de financement collective. Je ne suis, par ailleurs, pas persuadé que la copropriété soit gagnante au niveau du taux qui va être ainsi négocié, par rapport à un crédit contracté à titre personnel. En revanche, les conditions d’octroi, beaucoup plus souples, notamment en ce qui concerne le taux d’endettement, peuvent se révéler intéressantes pour certains copropriétaires qui ne pourraient, sinon, accéder à un tel prêt. Cela peut donc parfois débloquer un certain nombre de situations.

Quid des subventions dans le montage des projets ?
Les subventions versées par certaines villes au titre de ravalements de façades assorties d’isolations thermiques obligatoires, par exemple, sont assez simples à obtenir dès lors que le dossier est monté convenablement. En revanche, c’est souvent un peu plus difficile pour les subventions des départements ou des régions qui changent souvent. Entre le moment où l’on commence à monter le dossier et le moment où l’on peut effectivement toucher la subvention, celle-ci peut avoir diminué fortement, ce qui enlève de la visibilité. Mieux vaut ne pas trop compter dessus pour assurer la faisabilité du projet, mais les prendre comme une base de travail en se disant que l’on peut espérer avoir telle somme de subventions au final.
Dans le cadre de la rénovation énergétique, mieux vaut également effectuer une estimation du montant des travaux à engager pour avoir plus de visibilité au niveau des subventions pouvant être versées. Sur deux copropriétés que je gère et qui en sont encore à l’étude faisabilité, l’Agence locale de l’énergie a déjà fait pour chacune un dossier. Or, la fourchette du coût des travaux varie de 300 000 à 1 million d’euros en fonction des investissements réalisés. Plus les travaux sont importants, plus les subventions seront nombreuses et conséquentes, sous réserve que la performance énergétique soit améliorée.

Les copropriétaires ont-ils tendance à privilégier des travaux d’envergure ou a minima ?
L’amélioration de la performance énergétique des logements est un sujet dont on parle beaucoup lors des réunions ou des assemblées générales. Et cela va s’accentuer à compter du 1er janvier 2012 où tous les propriétaires ou gestionnaires de bâtiments équipés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement devront réaliser dans un délai de cinq ans un diagnostic de performance énergétique global pour l’immeuble. Dans la foulée, les syndics devront inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée des copropriétaires la question d’un plan de travaux d’économies d’énergie, ou d’un contrat de performance énergétique à conclure avec un opérateur. Mais pour l’heure, les solutions a minima sont souvent choisies, notamment par les personnes les plus âgées qui demeurent peu motivées par des travaux ambitieux aux longs retours sur investissement. Celles-ci préfèrent, pour la plupart, mettre 10 à 12 000 euros pour des travaux dont elles pourront bénéficier immédiatement.

En savoir plus

• Agence Nationale pour l’Information sur le Logement : www.anil.org/fr/votre-adil
• Agence nationale de l’Habitat : www.anah.fr
• Eco-prêt en faveur des travaux d’économie d’énergie, jusqu’à 30  000 € de travaux : www.eco-ptz-travaux.fr
• Fédération des Pact : www.pact-habitat.org/reseau.html