[N°657-658] - La crise du COVID-19 dans la copropriété - III.- L’administration des parties communes

par Jean-Marc ROUX - Directeur scientifique des éditions Edilaix
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III.- L’administration des parties communes

Quid des travaux urgents ?

La crise du COVID-19 n’y change rien a priori. Le syndic est tenu, en cas d’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous les travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci (L. 1965, art. 18). On sait aussi qu’il en informe les copropriétaires et convoque immédiatement une assemblée générale (D. 1967, art. 37, al. 1er). Il peut, dans ce cas, en vue de l’ouverture du chantier et de son premier approvisionnement, demander, sans délibération préalable de l’assemblée générale mais après avoir pris l’avis du conseil syndical, s’il en existe un, le versement d’une provision qui ne peut excéder le tiers du montant du devis estimatif des travaux (D. 1967, art. 37, al. 2). Il conviendra de composer avec les circonstances particulières car si le syndicat dispose encore d’un conseil syndical dont les membres seront avertis de la démarche du syndic, la réunion d’une assemblée est pour le moins compromise…

Par ailleurs, le syndic peut se heurter à un manque de disponibilité des quelques entreprises qui demeurent en activité. On comprendra facilement que sa réactivité se heurte parfois à des difficultés d’ordre concret.

 

Comment règlementer l’accès aux parties communes ?

Cette question a pu en amener une autre : peut-on pour cela rédiger un règlement intérieur ?

Rappelons, tout d’abord, que les parties communes sont affectées à l’usage de tous les copropriétaires (L. 1965, art. 3, al. 1er). Chacun est donc en droit de les utiliser et de s’y déplacer.

Au demeurant, le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus COVID-19, puis le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, modifié par le décret n° 2020-423 du 14 avril 2020, ont précisé qu’afin de prévenir la propagation du virus COVID-19, est interdit jusqu’au 11 mai 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile à l’exception de certains déplacements, dans le respect des mesures générales de prévention de la propagation du virus. Il s’en est suivi des mesures de confinement que chacun a pu expérimenter plus ou moins durement.

 

Comment cette prescription de confinement est-elle applicable en copropriété ?

Bien entendu, et au premier chef, il va de soi que le civisme de chacun devrait être privilégié.

Ceci dit, pourrait-on, confronté au laxisme de certains occupants de l’immeuble, adopter des règles particulières en la matière ? Il est patent que ni le syndic, ni le conseil syndical n’a de pouvoir de décision. Cependant, et aux fins de rationaliser l’utilisation des parties communes, ces organes pourraient de concert prévoir dans un bref document (et dans l’intérêt général) des mesures incitatives, telles que des créneaux horaires par copropriétaires pour l’utilisation des parcs et aires de jeux, le port du masque hors de son appartement, etc. Des mesures plus radicales pourraient s’avérer opportunes, à l’instar de la fermeture de locaux communs, l’interdiction pour les enfants en bas âge de circuler sans la présence d’un adulte, le rappel de la prohibition des attroupements et regroupements… Toutes ces prescriptions pourraient être rappelées dans un «règlement intérieur» dont les occupants (copropriétaires comme locataires) pourraient avoir connaissance (là encore, par voie d’affichage ou communication papier ou électronique).

Ces mesures n’auraient pas de portée contraignante mais rappelleraient à tout un chacun que la vie en collectivité implique certains sacrifices et certaines responsabilités, en ces temps de «distanciation sociale». Face à des incivilités ou des violations caractérisées du confinement, le syndic devra intervenir afin d’indiquer le nécessaire respect des dispositions édictées par les pouvoirs publics.

 

Faut-il une attestation de déplacement dérogatoire dans les parties communes ?

En vertu de l’article 1er du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020, dont les termes ont été repris par le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, modifié par le décret n° 2020-423 du 14 avril 2020, les personnes souhaitant bénéficier de l’une des exceptions prévues par ce texte doivent se munir, lors de leurs déplacements hors de leur domicile, d’un document leur permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l’une de ces exceptions.

L’application de cette disposition à une copropriété se heurte à deux difficultés.

La première est que le dispositif règlementaire vise expressément le «domicile» des personnes. Or, en dehors de son appartement, le copropriétaire n’est plus à proprement parler dans son domicile. Il serait alors tentant d’en déduire que l’attestation serait effectivement nécessaire pour se promener dans un jardin ou un parc de la résidence (d’autant que dans certaines grandes copropriétés, les espaces communs peuvent s’avérer très vastes).

La seconde difficulté provient du fait que les forces de l’ordre ne peuvent, en principe, procéder à des verbalisations que sur la voie publique. Or, la copropriété étant un lieu privé, les allées, les sentiers et autres parcs ne se situent pas sur la voie publique.

Cela signifie-t-il que les forces de l’ordre ne pourraient pas pénétrer dans les parties communes, ne serait-ce que pour rappeler aux particuliers les mesures de prudence élémentaires ? Comment ne pas citer ces deux cas d’installation de piscines gonflables sur des parties communes (une cour et une toiture d’immeuble) dans des copropriétés de la région parisienne en pleine période de confinement…

Il est possible que le syndicat concerné ait voté une autorisation permanente donnée à la police ou à la gendarmerie nationale de pénétrer dans les parties communes (cf. L. 1965, art. 25 i)). Au surplus, une réponse ministérielle en date du 28 juin 1999 a précisé que des officiers de police judiciaire peuvent pénétrer dans l’immeuble lorsqu’ils en sont requis par les habitants pour venir constater les infractions qui y sont commises. On ne pourrait, selon nous, en arriver à ce stade que si le comportement de certains copropriétaires ou locataires irait à l’encontre de la prudence la plus élémentaire.

 

L’organisation et l’entraide au sein de l’immeuble

Afin de cultiver le lien social tout en évitant les déplacements et en dépit de la distanciation, certaines organisations syndicales de gestionnaires de biens (telle l’UNIS) ont distribué ou placardé des affiches type dans le but de planifier et encourager l’entraide entre les occupants de l’immeuble. En effet, il s’agit d’indiquer dans une colonne de l’affiche qui, parmi les habitants, a besoin d’une assistance (par exemple pour faire ses courses) et qui est en mesure d’y pourvoir. Une belle initiative qui se développe afin de faire face à ces circonstances exceptionnelles !


Les Informations Rapides de la Copropriété remercie Renaud Franchet, administrateur de biens indépendant à Lyon, pour son concours à la rédaction de cet article grâce à sa participation au webinaire organisé récemment par Edilaix intitulé “La vie en copropriété”. Ses témoignages ont contribué à enrichir ce texte. Webinaire à retrouver sur la chaîne YouTube Edilaix.