[N°659] - Ordonnance du 25 mars 2020 : Vers une deuxième convocation de l’assemblée générale

par Jean-Marc ROUX - Directeur scientifique des éditions Edilaix
Affichages : 3413

Index de l'article

Faut-il convoquer à nouveau les assemblées générales qui n’ont pas pu se tenir à cause de la Covid-19 ?

C’est à cette délicate question que sont confrontés les syndics de copropriété en ces temps de crise sanitaire.

Dans le précédent numéro de cette revue, nous avons publié la préconisation n° 8 du GRECCO portant sur cette question (IRC n° 657/658, p. 22). Si plusieurs situations étaient envisagées, une partie de la réponse à la question se fondait sur la mise en œuvre de l’exception tirée de la force majeure telle qu’abordée par l’article 1218 du Code civil s’agissant de l’hypothèse dans laquelle l’assemblée générale avait été régulièrement convoquée avant le 12 mars mais n’avait pu se tenir à raison de l’épidémie de Covid-19 ; ce qui selon le GRECCO, aboutirait à «alléger» les obligations du syndic qui n’aurait qu’à «notifier aux copropriétaires le lieu, le date et l’heure de la tenue de l’assemblée générale, de préférence par lettre recommandée avec accusé de réception à l’adresse de leur domicile. Il s’agit seulement d’un report de date de la réunion de l’assemblée générale antérieurement convoquée». Il ne serait alors pas non plus nécessaire de notifier à nouveau les documents et informations prescrits par l’article 11 du décret. Ce raisonnement s’appuie, en partie, sur la référence aux obligations définies dans le contrat type de syndic professionnel.

Si intéressante soit cette idée, dont les conséquences pratiques, juridiques et financières sont loin d’être négligeables, peut-on arguer du contrat de syndic et des dispositions du Code civil pour voir dans la prochaine réunion le résultat d’un simple report de date ?

La solution préconisée aurait le mérite de la simplicité. Au demeurant, elle ne s’accorde que très difficilement avec les dispositions précises, et surtout impératives, du statut de la copropriété des immeubles bâtis. Le respect des obligations légales et règlementaires par le syndic est indépendant de la convention conclue avec le syndicat.

En effet, le formalisme, qui se veut protecteur, mis en place par le décret du 17 mars 1967 doit, selon nous, être respecté scrupuleusement, y compris lorsque le syndic avait d’ores et déjà satisfait à ses obligations avant que le confinement ne mette fin aux espoirs d’une réunion des copropriétaires «en présentiel» d’après l’expression consacrée.

En dépit de ce qui a pu être réalisé antérieurement, l’assemblée générale n’ayant pas pu se tenir, il s’agit de convoquer une nouvelle assemblée et non d’un « report de date » ; cette formule n’ayant pas véritablement de sens en droit de la copropriété. Chaque assemblée générale étant particulière et indépendante des autres, le syndic n’a d’autre choix que de se plier aux dispositions d’ordre public.

Cela suppose, tout d’abord, que le délai de convocation (vingt-et-un jours) de l’article 9, alinéa 2, du décret de 1967 soit respecté. On ne peut considérer, par exemple, qu’un délai abrégé puisse être évoqué, même compte tenu des circonstances exceptionnelles que connaît notre pays.

Ensuite, la forme de la convocation implique de se soumettre aux dispositions des articles 64 et suivants du même décret (lettre recommandée avec demande d’avis de réception, remise contre récépissé ou émargement, ou éventuellement lettre recommandée électronique). Il va de soi que les frais afférents à cette deuxième convocation seront supportés par le syndicat.

En ce qui concerne, enfin, les annexes, et en particulier celles visées par l’article 11-I du décret du 17 mars 1967, la question agite la doctrine comme la pratique. Dans la mesure où le syndic a bien communiqué les documents et informations au plus tard en même temps que l’ordre du jour de la première assemblée, ne peut-on considérer que cela vaut pour l’assemblée générale qui se réunira dans la période post confinement ?

Nous ne le croyons pas, là encore au vu des textes applicables. On pourrait objecter que si les questions portées à l’ordre du jour de l’assemblée générale «avortée» et de celle qui doit se tenir après le confinement sont rigoureusement identiques, le syndic pourrait être dispensé d’un second envoi. La circonstance nous semble indifférente et, si certaines cours d’appel ont pu, par le passé, adopter cette solution, la Cour de cassation tient fermement à rappeler que les annexes doivent être « notifiées » à nouveau aux copropriétaires (page suivante).

 

La solution retenue par la Haute juridiction trouve également son intérêt en cas de changement de propriétaire entre le moment où la première convocation a été envoyée et la programmation de la réunion de la seconde. L’acquéreur n’a pas nécessairement reçu les informations relatives à la convocation ou les pièces y afférentes de la part de son vendeur.

Un problème concret se pose alors pour le syndic ; celui du coût des photocopies dès lors qu’il ne peut les facturer au syndicat et alors qu’il en a déjà assumé la charge à l’occasion de la première convocation. Le point est loin d’être négligeable puisque cette dépense peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros dans certaines grandes copropriétés ! Malgré cela, il semble que le gestionnaire doive à nouveau en supporter le coût sans pouvoir arguer du précédent envoi.

Dura lex, sed lex.