Regards croisés : Les mutations sociologiques des immeubles

par YS
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«Ce projet est avant tout celui d’un conseil syndical»

Les mutations sociologiques sont à l’œuvre dans les immeubles. Les discussions en assemblées générales s’animent autour de projets collectifs. La prolifération de vélos de toute taille amène les assemblées à s’intéresser à l’installation ou à l’aménagement des remises à vélos. Le développement des voitures électriques ou semi-électriques pose la question de l’implantation de bornes de recharge dans les parkings et de leurs coûts. Ou encore, la réduction de la masse des déchets et leur valorisation s’invitent dans les discussions annuelles avec la mise en place de composteurs à végétaux …

Trois gestionnaires de copropriété apportent leurs témoignages sur la concrétisation de trois projets : la gestion d’un éco-pâturage par une copropriété avec Charlène Sauvadet, responsable des activités syndic à Toulouse (Crédit Agricole Immobilier) ; la réalisation d’un compost dans un grand ensemble avec Romain Dutrieux, directeur de copropriété à Lille (Sergic) et l’installation de bornes électriques dans une copropriété parisienne avec Vincent Bonet, principal de copropriété à Paris (Cabinet Corraze).

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Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 666 de mars 2021 

Nous remercions Charlène SAUVADET, responsable des activités syndic à Toulouse ; Romain DUTRIEUX, directeur de copropriété à Lille ; Vincent BONET, principal de copropriété à Paris

Qu’ils soient remerciés du temps qu’ils nous ont consacré.


Des copropriétaires et trois moutons

Pouvez-vous présenter la copropriété concernée et la genèse du projet d’éco-pâturage ?

 

 

Charlène SAUVADETCharlène Sauvadet (Toulouse) : Le projet d’éco-pâturage a été proposé à nos clients copropriétaires de la résidence Les Villageoises située à Toulouse. La particularité de cette copropriété réside dans la présence d’un vaste terrain de 2800 m², situé à l’arrière des quarante-cinq villas qui la composent.

Les copropriétaires cherchaient, depuis longtemps, une solution pour valoriser cet espace totalement enclavé qui leur générait des coûts d’entretien élevés pour un résultat mitigé.

Dans le cadre de (notre) démarche Nature en Ville, (nous) avons proposé le recours à l’éco-pâturage, avec une tonte réalisée par trois moutons de race solognote et originaires de Moissac [Tarn-et-Garonne]. Cette méthode alternative en matière d’entretien des espaces verts, mis en œuvre par la MILPA (concepteur d’espaces verts et maraîchage urbain) a immédiatement suscité l’adhésion de l’ensemble des copropriétaires.

 

Quels ont été les arguments qui ont décidé d’un vote favorable de l’assemblée générale ?

Ce projet est avant tout celui d’un conseil syndical désireux de recourir à une solution écologique, pérenne et peu coûteuse pour valoriser son patrimoine, et qui a su informer, convaincre et valoriser les bénéfices de l’éco-pâturage.

Deux arguments ont résolument convaincu les copropriétaires. Tout d’abord, le coût. En effet, l’objectif n’était pas de doubler la facture d’une tonte traditionnelle mais de trouver une alternative raisonnable. Au final, le coût de l’éco-pâturage est quasi-identique à celui d’une prestation d’entretien classique, même si un investissement initial a été nécessaire afin de financer notamment le renfort des clôtures existantes, la construction d’un abri et les soins des animaux.

Le second argument en faveur de l’éco-pâturage était son bénéfice sur le plan écologique et humain. Trois moutons paissent tranquillement dans la résidence, les résidents et leurs enfants leur rendent régulièrement visite, l’herbe est tondue de façon écologique et des animations pédagogiques sont régulièrement organisées autour de la tonte ou des soins prodigués aux animaux.

Le contrat de préservation de la planète, à l’humble échelle de la résidence, est conclu ; la convivialité de voisinage est renforcée, les moutons sont devenus les mascottes de la résidence et il règne désormais une atmosphère de «poumon vert» au sein même de ce quartier toulousain.

 

Comment l’éco-pâturage fonctionne-t-il ?

La MILPA s’est chargée d’acheminer les trois moutons dans la résidence début avril 2020. Le contrat était clair : les équipes s’occupent de l’entretien et du bien-être des moutons. L’eau étant amenée grâce à un système de récupération des eaux de pluie ; la MILPA s’assure que le niveau est suffisant, et complète au besoin. Les résidents peuvent également remplir le bac d’eau s’ils constatent, notamment lors des fortes chaleurs estivales, qu’il se vide trop vite. En juin 2020, l’entreprise a organisé une animation autour de la tonte des moutons. Tous les résidents ont été invités à observer cette tonte traditionnelle et les enfants sont repartis avec un bout de laine.

L’entreprise a rapatrié les moutons en bergerie à la fin du mois d’octobre.  En une saison d’éco-pâturage, nous avons pu constater une régulation de l’espace vert. La pelouse a retrouvé un aspect de prairie et les herbes pollinisées peuvent s’égrainer. Au-delà d’une réponse aux attentes matérielles de la résidence, l’éco-pâturage a contribué au maintien d’un lien social essentiel entre les résidents tout en favorisant la biodiversité.


Des copropriétaires composteurs

Pouvez-vous présenter la copropriété concernée et la genèse du projet ?

Romain DUTRIEUXRomain Dutrieux (Lille) : C’est une grande copropriété de la métropole lilloise des années 60 composée d’un syndicat principal et de plusieurs syndicats secondaires, environ huit-cents lots d’habitation. L’ensemble est donc composé de plusieurs bâtiments et de parkings entourés d’espaces verts.

L’idée est venue de copropriétaires membres des différents conseils syndicaux de proposer l’installation de bacs à compost.

Comment s’est déroulée cette prise de décision en assemblée générale ?

Le dossier avait été bien préparé par les responsables du projet. Ces derniers étaient accompagnés par la Communauté urbaine de Lille qui apportait son concours dans la gestion au quotidien des bacs. Ceux-ci étaient donc suivis par un maître composteur indépendant de la copropriété.

Les bacs étant financés par la Communauté urbaine et ne nécessitant aucun apport financier de la copropriété, le vote n’a été qu’une formalité.

Comment les questions de salubrité ou de troubles de voisinage soulevées en assemblée générale ont-elles été résolues ?

Dans la mesure où le projet était murement réfléchi et cadré, le sujet de la salubrité et des odeurs a été clairement abordé en assemblée et les copropriétaires se sont rendus compte de l’engagement des initiateurs. De plus, cette problématique d’odeurs avait conditionné la zone d’installation des bacs sans vis-à-vis avec les habitations pour éviter ce genre de problèmes.

Préalablement au vote, toutes les questions posées ont eu une réponse, ce qui a rassuré les copropriétaires. La présence du maître composteur en soutien était aussi la garantie qu’une personne s’en occuperait, en plus des bénévoles.

J’ai vécu dans une autre copropriété la présentation d’un même projet mené par un seul copropriétaire sans une réelle organisation et cela a été repoussé de manière vive par les participants.

Comment fonctionne ce procédé de compostage au sein de la copropriété ?

Les résidents qui souhaitent y participer doivent s’inscrire. Le fonctionnement d’un bac à compost est plus compliqué qu’il n’y paraît ; on ne peut pas tout y mettre n’importe comment si l’on veut que cela fonctionne.

Le bac n’est ouvert qu’à certaines heures de la journée et a été vite été victime de son succès. Les personnes suivant le projet sont très investies et veillent au bon fonctionnement de l’opération. Régulièrement le maître composteur passe pour gérer «la digestion» des déchets qui sont déposés.


Des copropriétaires branchés

Pouvez-vous présenter la copropriété concernée et le nombre de place de stationnement en sous-sol et en surface ?

Vincent BONETVincent Bonet (Paris) : Le projet a trouvé naissance au sein d’un immeuble atypique, un ancien hôtel particulier du septième arrondissement de Paris sous lequel un affouillement de cinq niveaux de parkings, hébergeant quatre-vingts places souterraines, a été réalisé, il y a une quarantaine d’années.

Quelles ont été les solutions et les matériels examinés pour équiper les places de parking ?

Plusieurs opérateurs présents sur l’ensemble du territoire proposent d’installer des points de recharge sur les places de parking avec différentes solutions techniques, des offres distinctes et un matériel spécifique répondant cependant pour la grande majorité des fournisseurs, à un standard européen définit le 1er janvier 2016. Il s’agit de bornes de recharges disposants d’un socle de prise, compatibles avec tous les modèles de véhicules hybrides et rechargeables du marché, qui doit être complété par le cordon de charge adapté au véhicule concerné.

Plusieurs solutions existent, notamment la possibilité d’équiper un espace de recharge «commun», sur une partie commune de la copropriété ou de permettre à chaque propriétaire d’équiper privativement et spécifiquement leur emplacement, après l’adoption en assemblée générale, d’une convention avec l’opérateur retenu. Une évolution notable est intervenue en ce début d’année 2021, relative à une simplification du «droit à la prise», facilitant la réalisation de ces travaux en permettant aux particuliers de faire installer une borne sur sa place, sans passer par un vote de l’assemblée. Les conditions de mise en œuvre de ces travaux soulèvent cependant des interrogations…

Quelle a été la solution retenue et les raisons de ce choix ?

Comme pour la majorité des projets adoptés en assemblée générale, c’est bien le travail préliminaire de sensibilisation et d’information, en amont, en collaboration avec le conseil syndical, qui a favorisé l’adoption majoritaire du projet lors de la «grand-messe annuelle». Ce travail préliminaire a permis de pré-sélectionner un opérateur choisi pour ses tarifs, la qualité du matériel, ses références et ses assurances.

Durant la réunion, de nombreuses questions furent posées sur l’aspect esthétique, technique et financier du projet. Sans conteste, c’est bien la simplicité de mise en œuvre et l’accompagnement offert par l’opérateur, sécurisant le projet et dénué de coût pour la copropriété, qui a permis cette validation.

L’installation de l’infrastructure est réalisée par et aux frais de l’opérateur, qui en assure la maintenance, après l’ouverture d’un point de livraison indépendant de celui de l’immeuble.

Le projet est donc séduisant pour les deux parties, les copropriétaires, qui bénéficient d’une amélioration notable pour leur immeuble, valorisant leur patrimoine sans frais et, pour le syndic accompagné tout au long du processus.

Comment se déroule la répartition des charges ?

La solution adoptée présente la particularité de ne pas «charger» la copropriété.

L’installation de l’infrastructure, déclenchée au lendemain, à la prise d’un abonnement par l’un des copropriétaire utilisateur, se fait aux frais de l’opérateur retenu. Il n’y a donc pas de budget travaux à prévoir en assemblée pour cet équipement de l’immeuble et la facturation est réalisée directement entre l’opérateur et l’utilisateur, indépendamment du syndicat des copropriétaires, selon les offres proposées par les fournisseurs, comparables dans leur fonctionnalité, à celle des opérateurs de fibre optique.

L’opération étant donc indolore pour la copropriété, qui profite d’un nouvel équipement collectif dans son immeuble, sans bourse délier.