Regards croisés : Rénovation énergétique - Exiger une amélioration de performance d’au moins 35 %

par YS
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Exiger une amélioration de performance d’au moins 35 %

Laurent DEMASDepuis près de dix ans, Laurent Demas dirige VertDurable, bureau d’assistance à la maîtrise d’ouvrage (AMO) et à l’ingénierie financière dédié à la rénovation énergétique des immeubles en copropriété. Il intervient soit auprès des syndicats, soit auprès des copropriétaires.

Pouvez-vous définir dans les grandes proportions, la répartition des financements mobilisés par les copropriétaires dans leurs projets de rénovation entre épargne, emprunt et aides de toute sorte ?

«Entre un copropriétaire très modeste aidé à 60 % et un copropriétaire aux revenus élevés aidé à 15/20 %, il y a une grande variation de situations.»

«Disons que l’emprunt collectif, prêt à taux zéro et prêt payant, représentent entre 40 à 60 % du budget global. Individuellement, c’est variable en fonction des aides reçues.» L’emprunt est «la clé du financement des projets de rénovation, plus que les subventions qui restent malheureusement imprévisibles.»

 

Quelle est la fourchette de coûts par lot des travaux d’une rénovation énergétique globale ?

«La moyenne de nos dossiers est de 14 000 € par logement mais ce chiffre est en augmentation. Sur nos derniers dossiers la moyenne remonte au-delà de 20 000 €. Ce chiffre est en fait très variable suivant le type des bâtiments. Les bâtiments des années 60 avec peu de balcons et de portes fenêtres sont beaucoup moins chers à rénover de façon performante que ceux des années 70 composés de balcons filants et grandes baies. Les bâtiments de centre-ville d’avant-guerre (1850-1900) peuvent être très couteux à rénover en raison des techniques plus complexes.»

«Enfin, les nouvelles règles, exigeant une amélioration de performance d’au moins 35 % contre 25 % précédemment, vont mécaniquement entraîner une hausse du budget que l’on peut estimer entre 5 000 et 10 000 € par logement suivant les bâtiments.»

 

Lors du montage financier d’actions de rénovation, vous avez relevé un effet pervers de MaPrimRénov’, en vigueur depuis le début de l’année, pouvez-vous nous préciser ces effets à l’aide d’exemples ?

«En effet, c’est une décision technique qui est passée inaperçue mais le dispositif Habiter Mieux Sérénité a été supprimé pour les copropriétés. Ce dispositif destiné aux plus modestes apportait jusqu’à 12 000 € d’aides pour 25 % d’amélioration de la performance exigé. Dans nos dossiers, c’était fréquemment entre 8 000 et 10 000 €. A la place, MaPrimeRénov Copropriété va apporter 5 250 € au maximum… Si l’on combine la baisse des aides à la hausse mécanique du budget travaux, pour atteindre + 35 % d’amélioration, on obtient un dispositif beaucoup moins favorable pour les personnes les moins aisées.»

«De l’autre côté, pour les revenus intermédiaires et supérieurs, le dispositif apportant jusqu’à 3 750 €, nous constatons qu’il est plus favorable en moyenne que l’ancien crédit d’impôt transition énergétique. Mais là encore, c’est un bénéfice moindre compte tenu de la hausse du budget travaux.»

«Par ailleurs, la nouvelle règle s’applique sans délai, y compris aux copropriétés qui ont étudié leur projet depuis parfois deux ans, lorsqu’un an est perdu à cause du Covid. Elles sont condamnées à recommencer le travail et les professionnels qui les accompagnent également.»

 

Fort de votre expérience, avez-vous des suggestions à soumettre aux pouvoirs publics pour aider à la prise de décisions d’engager les chantiers ?

«Il y a des points positifs. L’affirmation du rôle clé de l’AMO et de son ingénierie financière avec une subvention de 30 % du montant de sa mission est une bonne chose. L’aide proportionnelle selon les revenus de MaPrimeRénov individuelle est bienvenue. Le mode de calcul d’une subvention proportionnelle à la surface isolée est préférable à un pourcentage d’aide ; il réduit la tentation chez les professionnels d’augmenter les prix. C’est aussi le cas de MaPrimeRénov individuelle. Enfin, la confirmation et la validation de l’aide, en début de travaux, rassure les copropriétaires. C’est aussi, le cas de MaPrimeRénov individuelle ou copropriété.»

«Je constate que pour chaque type de dispositifs, secteur diffus, opération ANRU, quartier «Politique de la ville», Copropriété dégradés, … il existe une proximité de points de vue entre les professionnels et les équipes opérationnelles des acteurs publics. Mais, sous l’effet du confinement, la suppression des réunions physiques des associations professionnelles, la suppression des salons professionnels ont probablement participé à ce que les dernières évolutions soient peu consensuelles et prises avec moins de concertation.»

«Définir un cadre simple de mise en œuvre pour les copropriétés en une procédure unique alors que les propriétaires ont des profils sociaux-économiques différents, est forcément compliqué. Il est compliqué de faire simple et le diable est justement dans les détails.»