[N°616] - Habitat participatif : l'avenir de la copropriété ?

par Julie Hainaut
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Nouveau mode de logement, l’habitat participatif permet de choisir ses voisins en fonction de ses affinités. Le principe : mutualiser les moyens et, de ce fait, partager un mode de vie plus écolo à moindre coût. Etat des lieux.
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Innovant, original, alternatif, écologique, durable, économe, sur-mesure, ouvert, atypique, futuriste, communautariste… Les adjectifs foisonnent pour qualifier l’habitat participatif. L’idée est simple : se regrouper entre individus partageant la même vision de vie, trouver un terrain, créer des logements, les adapter aux besoins et aux goûts de chacun, et imaginer une façon de vivre en communauté. Une sorte de “colocation” géante. Mélangeant les logements privatifs et les espaces communs, l’habitat participatif séduit notamment par la quasi-absence de contraintes que posent généralement la copropriété, l’entraide quotidienne des habitants étant un postulat. Ce nouveau mode de logement, qui se veut avant tout être une expérience humaine et conviviale où l’entraide serait le maître-mot, connaît aujourd’hui un cadre juridique, établi par la loi n° 2014-366 du 24 mars pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR) dans son volet Innovation.

Le chiffre
On compte déjà plus de 400 groupes d’habitants en France. 300 sont parvenus à créer un habitat participatif, notamment grâce à la loi ALUR.

Des avantages indéniables
Le premier, et probablement le plus important, est celui de l’économie réalisée. Aussi bien concernant la construction, la rénovation ou les charges qui pèsent sur l’habitat – les syndics de copropriété deviennent alors inutiles pour gérer l’habitat collectif – que sur l’économique d’énergie – il s’agit le plus souvent de bâtiments basse consommation.
Le second concerne le libre choix. Décider que le quatrième étage de l’immeuble sera entièrement consacré aux enfants, que celui du troisième comprendra un congélateur collectif et une bibliothèque, ou encore d’intégrer une crèche, une chambre d’ami, des bureaux… Les habitants sont libres de choisir.
Le troisième correspond à l’esprit démocratique. On ne prend pas en compte la superficie de l’habitation ni le statut financier de la famille mais le logement dans son entier.
Le quatrième touche au mélange des générations. Premier public de l’habitat participatif, les seniors vivent à côté de jeunes ménages et s’entraident. Une alternative aux maisons de retraite ?
Le cinquième se rapporte à la mutualisation des services, du covoiturage à la garde d’enfants en passant par le nettoyage, le repassage, l’aide aux devoirs ou le jardinage.

Une définition claire
« L’habitat participatif est une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis » (article L. 200-1 du Code de la construction et de l’habitat - CCH). La loi précise également qu’en « partenariat avec les différents acteurs agissant en faveur de l’amélioration et de la réhabilitation du parc de logements existant public ou privé et dans le respect des politiques menées aux niveaux national et local, l’habitat participatif favorise la construction et la mise à disposition de logements, ainsi que la mise en valeur d’espaces collectifs dans une logique de partage et de solidarité entre habitants. »

De nouvelles formes juridiques
Afin de structurer le modèle, la loi ALUR a créé deux statuts juridiques pouvant répondre aux besoins des futurs propriétaires (CCH, art. L. 200-2). Un organisme HLM peut-être associé dans deux types de sociétés à hauteur de 30 % maximum des parts.
Les coopératives d’habitants.- La loi ALUR les définit comme des « sociétés à capital variable qui ont pour objet de fournir à leurs associés, personnes physiques, la jouissance d’un logement à titre de résidence principale et de contribuer au développement de leur vie collective ». Ces coopératives peuvent ainsi acquérir un ou plusieurs terrains ou des droits réels permettant de construire ou acquérir des immeubles à usage principal d’habitation destinés à leurs associés, attribuer la jouissance de ces logements à leurs associés personnes physiques au moyen d’un contrat coopératif, entretenir et animer des lieux de vie collective, offrir des services à leurs associés et, à titre accessoire, à des tiers non associés. Le but : une gestion collective de l’immeuble ou du terrain. Les coopérateurs bénéficient donc d’un double statut : celui d’associé de la société et celui de locataire (ils doivent donc verser une redevance mensuelle). Pour financer le projet, outre les apports des coopérateurs (qui correspondent alors au capital), la société réalise un emprunt collectif (environ 80 % du coût du projet). Le projet établi, la coopération remboursera les prêts grâce à une redevance versée par les coopérateurs, et provisionnera pour les futures dépenses (taxe foncière, provision en vue de grosses réparations ou travaux d’entretien, impayés éventuels…). Ainsi, toute personne peut entrer dans la coopérative d’habitants indépendamment de ses fonds propres et de ses capacités d’emprunt. Si l’un des coopérateurs souhaite se retirer de la coopérative, il pourra récupérer ses apports initiaux actualisés au coût de la vie.

Les sociétés d’attribution et d’autopromotion.- Définies par la loi ALUR comme des « sociétés à capital variable qui ont pour objet d’attribuer aux associés, personnes physiques, la propriété ou la jouissance d’un logement à titre de résidence principale et d’entretenir et animer les lieux de vie collective qui y sont attachés », les sociétés d’attribution et d’autopromotion sont plus proches du modèle actuel de la copropriété classique que les coopératives d’habitants. Leur but : construire ou acheter un bien immobilier selon des aspirations communes et le partager entre les propriétaires. Dans ce cas, les futurs propriétaires doivent apporter l’intégralité des fonds correspondant au logement qu’ils occuperont ensuite. Chaque logement est attribué en fonction des parts détenues par le propriétaire. Ce type de société permet à chaque propriétaire d’opter pour une « attribution en jouissance », qui permet ainsi d’occuper son logement tout en restant propriétaire collectivement de l’immeuble avec l’ensemble des autres associés. Si ce propriétaire décide ensuite de vendre son logement et de quitter la société, le nouvel acquéreur devra être « agréé » par les autres associés. A terme, ce type de société peut déboucher sur une copropriété classique ou sur une coopération d’habitants.

Un encadrement précis
Afin de protéger les futurs acquéreurs, la loi ALUR a précisé certains points concernant la responsabilité, la garantie d’achèvement ou encore l’objet immobilier de la société. Ainsi, « par dérogation à l’article 1857 du Code civil, les associés des sociétés (…) ne répondent des dettes sociales à l’égard des tiers qu’à concurrence de leurs apports » (CCH, art. L. 200-5). De plus, chaque société, qu’il s’agisse d’une coopérative d’habitants ou d’une société d’attribution et d’autopromotion, doit limiter « son objet à des opérations de construction ou de gestion comprises dans un même programme, comportant une ou plusieurs tranches, d’un même ensemble immobilier » (CCH, art. L. 200-7, loi ALUR). Enfin, ces sociétés doivent « justifier, avant tout commencement de travaux de construction, d’une garantie permettant de disposer des fonds nécessaires à l’achèvement de l’immeuble, dont la nature et les modalités sont définies par décret en Conseil d’Etat » (CCH, art. L. 200-9, loi ALUR).

Des difficultés à contourner
L’un des principaux obstacles reste l’accès au foncier. Outre le manque de terrains disponibles, les groupes porteurs d’un projet d’habitat participatif doivent parvenir à convaincre les vendeurs du foncier et les banquiers, encore hésitants et souvent réfractaires face à ce nouveau mode de vie. Sans oublier que les promoteurs classiques restent de sérieux concurrents, souvent mieux armés financièrement et juridiquement. Certaines collectivités territoriales (dont Strasbourg, Paris et Lille) permettent de contourner ces freins par le biais d’appels à projet dédiés à l’habitat participatif. Le principe : des groupes de citoyens intéressés par un terrain mis en vente par la collectivité et destiné exclusivement à l’habitat participatif, font une proposition d’achat dans laquelle ils indiquent leur projet ; la collectivité choisit ensuite le projet qui lui parait le plus adéquat.
Enfin, en dehors du fait que le côté communautaire peut rebuter les plus indépendants, il faut être conscient, avant de se lancer dans un tel projet, des multiples réunions qui peuvent engendrer des conflits – il faut alors composer avec les caractères de tous ! Autre inconvénient qui peut refroidir les ardeurs : le temps et l’énergie dépensés pour monter un projet d’habitat participatif.

©DR - Les Ouches