Copropriété : La mise en concurrence des contrats et marchés

par David Rodrigues, Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
Affichages : 16258

Copropriété : mise en concurrence des contrats et marchésLa mise en concurrence de diverses entreprises constitue un acte de bonne gestion et de transparence. Elle permet ainsi de trouver l’offre présentant le meilleur rapport qualité-prix au regard des besoins de la copropriété tout évitant que le syndic ne fasse appel qu’à une seule et unique entreprise, avec le risque de suspicions d’éventuelles collusions qui en découle.

Pour autant, cette mise en concurrence n’est pas automatique et doit être décidée par l’assemblée générale.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 679 de juin 2022

Instauration de la mise en concurrence.- Il appartient à l’assemblée générale, statuant à la majorité de l’article 25, d’arrêter un montant des marchés et contrats à partir duquel une mise en concurrence est obligatoire (L. 10 juil. 1965, art. 21). Dans la pratique, ce montant est fonction des caractéristiques de la copropriété, notamment de sa taille et de son budget prévisionnel. Si la mise en concurrence peut engendrer des économies, il ne s’agit pas non plus de l’imposer systématiquement au syndic, au risque sinon de lui faire perdre du temps au détriment de tâches plus importantes et sans que cela n’ait finalement un impact financier significatif.

Ce vote peut se faire concomitamment à celui prévoyant le seuil des marchés et contrats à partir duquel la saisine du conseil syndical est obligatoire. Il peut être intéressant, là encore selon la copropriété, de déterminer ces montants l’un par rapport à l’autre, une mise en concurrence obligatoire à compter d’un seuil élevé pouvant être compensée par une saisine du conseil syndical plus large (1 000 € pour la saisine du conseil syndical, 2 000 € pour la mise en concurrence par exemple). Tout est une question d’appréciation et l’assemblée générale est ici souveraine. 

 

Objet de la mise en concurrence.- La question s’est posée de savoir si le contrat du syndic était concerné ou non par cette disposition, ce qui supposait alors une mise en concurrence systématique en fin de mandat. Afin de couper court aux différents débats, la loi ALUR du 24 mars 2014 est venue préciser expressément que le montant voté par l’assemblée générale ne s’appliquait pas au contrat de syndic mais a, en parallèle, instauré une obligation de mise en concurrence spécifique pour ce dernier. Le dispositif a été remanié à plusieurs reprises depuis et une dispense de mise en concurrence du contrat de syndic peut être votée (lire IRC n° 664, déc. 2020 : Syndic : la mise en concurrence, un trompe-l’œil).

 

Application de la mise en concurrence.- Lorsque l’assemblée générale ne fixe pas les conditions de la mise en concurrence, celle-ci résulte alors de la demande de plusieurs devis ou de l’établissement d’un devis descriptif soumis à l’évaluation de plusieurs entreprises (D. 17 mars 1967, art. 19-2). 

Si le coût du contrat soumis à l’assemblée est déterminé en fonction de sa durée totale, c’est-à-dire en incluant ses renouvellements, il conviendra de prendre en considération le montant annuel afin d’apprécier si une mise en concurrence est obligatoire ou non (Cass. 3e civ., 14 juin 2018, n° 17-19.580).

Par ailleurs, la mise en concurrence ne concerne que les contrats et marchés qui vont engager la copropriété. Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle estimé que la résolution limitée à une décision de principe, le choix de l’entreprise ayant alors été laissé au conseil syndical dans la limite d’un budget prédéfini, n’est pas concernée par l’exigence de mise en concurrence (Cass. 3e civ., 28 janv. 2015, n° 13-28.021). Cela s’entend dans la mesure où un vote de principe constitue davantage une note d’intention sur les travaux à réaliser à plus ou moins brève échéance, lesquels feront alors l’objet d’une résolution précise quant à leur nature et leur coût. 

La mise en concurrence suppose non seulement que les copropriétaires disposent de plusieurs contrats ou devis, mais également qu’il soit organisé un vote sur chacun d’eux. Dans une affaire où des travaux devaient être réalisés, seul le devis choisi par l’architecte avait été soumis au vote alors même que plusieurs avaient été annexés à la convocation de l’assemblée générale. La Cour de cassation a prononcé l’annulation de la résolution en question dans la mesure où une mise en concurrence ne consiste pas uniquement à présenter aux copropriétaires plusieurs devis et contrats, mais à voter sur chacun d’eux (Cass. 3e civ., 23 mars 2022, n° 21-12.658, cette revue, sommaire n° 01.-Vote des travaux. Travaux indivisibles. Résolution unique).

Enfin, l’organisation du vote de l’assemblée générale sur les contrats ou devis qui lui sont proposés a été source d’interrogations lorsqu’il existe une passerelle de majorité. Ainsi, lorsque l’assemblée est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidats, elle ne peut procéder au second vote prévu aux articles 25-1 et 26-1 de la loi du 10 juillet 1965 qu’après avoir voté sur chacune des candidatures à la majorité applicable au premier vote (D. 17 mars 1967, art. 19). Il s’agit d’éviter que la première entreprise soumise au vote des copropriétaires ne soit finalement privilégiée.

 

Défaut de mise en concurrence.- La mise en concurrence n’est obligatoire qu’à partir du moment où elle a été imposée par l’assemblée générale. Faute pour elle de voter le montant au-delà duquel le syndic est tenu d’y procéder, elle ne s’applique pas (Cass. 3e civ., 26 mars 2014, n° 13-10.693). Mais dès lors qu’une mise en concurrence est prévue, le vote de l’assemblée générale sur un seul devis constitue une atteinte aux droits des copropriétaires et encourt la nullité (CA Paris, 15 nov. 2017, n° 15/22918).

En revanche, la question se pose lorsque le défaut de mise en concurrence ne résulte pas d’un manquement du syndic mais d’une absence de réponse des entreprises contactées. Dans une affaire, la Cour de cassation a estimé que l’obligation de mise en concurrence était respectée dès lors que le syndic justifiait avoir sollicité plusieurs entreprises et que les copropriétaires disposaient des éléments nécessaires pour prendre une décision en connaissance de cause (Cass. 3e civ., 27 nov. 2013, n° 12-26.395).