Syndic : la mise en concurrence, un trompe-l'oeil

par David Rodrigues, Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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mise en concurrence du syndicSi l’enfer est pavé de bonnes intentions, alors la mise en concurrence obligatoire du syndic y a sa place. Censée permettre aux copropriétaires de négocier plus facilement les honoraires qui leur sont proposés, cette disposition n’aura été que source d’incompréhensions, voire de rejet, par les professionnels pour n’être finalement que peu appliquée en pratique. Au point que les modifications apportées par l’ordonnance du 30 octobre 2019 en ont ôté tout intérêt, ou presque.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 664 de décembre 2020

Une mise en concurrence incombant au conseil syndical

Initialement, la mise en concurrence obligatoire du syndic avait pour but de permettre une meilleure négociation des honoraires. En effet, les pouvoirs publics estimaient que le peu de rotation des syndics dans les copropriétés nuisait à toute discussion sur les tarifs pratiqués. Une affirmation qui reste pourtant à démontrer et qui ne prend en compte ni l’extrême hétérogénéité des copropriétés, ni les relations que les conseillers syndicaux peuvent avoir avec leur gestionnaire.

La mise en place effective de cette formalité a été modifiée à plusieurs reprises, le législateur revoyant régulièrement sa copie. Mais malgré cela, une constante se démarque, à savoir celui sur qui pèse cette obligation. Ainsi appartient-il au conseil syndical de procéder à la mise en concurrence. Sur ce point, l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 précise notamment : «[…] le conseil syndical met en concurrence plusieurs projets de contrats de syndic, établis conformément au contrat type mentionné à l’article 18-1-A et accompagnés de la fiche d’information mentionnée au même article.»

La mise en concurrence se fait sur la base du contrat type. Les professionnels approchés par des conseillers syndicaux doivent donc remettre une proposition commerciale en conformité avec ce document et non un simple devis. Par ailleurs, le syndic doit également transmettre une fiche d’information dont l’objet est de reprendre les principales données du contrat (rémunération, détermination des heures ouvrables…). Toutefois, l’arrêté devant définir le contenu et le modèle de cette fiche n’a toujours pas été publié de sorte qu’elle ne peut être remise à l’heure actuelle. Une fois la mise en concurrence effectuée, il appartient au conseil syndical de communiquer au syndic le ou les contrats qui en sont issus (art. 26, décret du 17 mars 1967).

On notera que l’obligation de mise en concurrence ne concerne que les cas où la copropriété est gérée par un syndic professionnel. En présence d’un syndic non-professionnel (communément appelé «bénévole» mais à tort puisque l’assemblée générale peut lui octroyer une rémunération), la mise en concurrence n’est pas requise.

Cette mise en concurrence n’est pas obligatoire en l’absence de conseil syndical. Cependant, dans tous les cas, les copropriétaires demeurent libres de demander au syndic l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale, appelée à se prononcer sur la désignation du syndic, de l’examen de projets de contrat communiqués à Cet effet.

Par ailleurs, le conseil syndical peut se prononcer, par un avis écrit, sur tout projet de contrat de syndic. L’avis est alors joint à la convocation de l’assemblée générale, concomitamment avec les projets de contrat concernés.

 

Fréquence de la mise en concurrence

L’ancienne rédaction de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 prévoyait une mise en concurrence tous les trois ans. Un délai qui pouvait ne pas coïncider avec la durée du contrat du syndic et poser ainsi quelques difficultés. Après l’ordonnance du 30 octobre 2019, cette formalité doit désormais être réalisée dès lors que l’assemblée générale est appelée à statuer sur la désignation du syndic. Soit tous les ans si le mandat du syndic est annuel par exemple.

 

Possibilité pour le conseil syndical de demander une dispense

Une mise en concurrence n’est pas toujours possible ou souhaitée, soit en raison de la situation locale du marché (importante concentration d’une même enseigne par exemple) ou tout simplement parce que les copropriétaires sont satisfaits de leur syndic. Afin d’éviter des mises en concurrence factices, il est possible de dispenser le conseil syndical de cette démarche par une résolution expresse votée par l’assemblée générale à la majorité de l’Article 25.

Si auparavant la question de cette dispense était inscrite d’office par le syndic à l’ordre du jour, il appartient au conseil syndical, depuis la réforme de 2019, d’en faire expressément la demande. La dispense doit être votée au cours de l’assemblée générale de l’année précédant celle de fin du mandat du syndic, en 2021 pour un contrat s’achevant en 2022
par exemple.

 

Les conséquences du défaut de mise en concurrence

Pendant longtemps, la question des conséquences possibles en cas de défaut de mise en concurrence s’était posée. Le tribunal de grande instance de Nanterre, dans un jugement en date du 20 avril 2017, était venu préciser que les textes ne prévoyant aucune sanction, l’absence de mise en concurrence ne saurait remettre en cause la désignation du syndic. Une décision à prendre avec circonspection : dans une affaire similaire, il avait été jugé que l’absence de mise en concurrence en vue de la réalisation de travaux, alors même que celle-ci avait été exigée par l’assemblée générale, affectait la validité de la résolution en question (CA Paris, 15 novembre 2017, n° 15/22918). Une solution tout à fait transposable faisant courir le risque de voir invalider les résolutions relatives à la désignation du syndic.

L’ordonnance du 30 octobre 2019 a mis un terme définitif au débat en précisant clairement que cette formalité n’était pas prescrite à peine de nullité (art. 21, al. 3, loi du 10 juillet 1965). Par conséquent, que le conseil syndical effectue ou non cette mise en concurrence, qu’il en sollicite ou non une dispense, n’aura aucune incidence et ne remettra pas en cause la résolution désignant le syndic. De fait, on ne peut que s’interroger sur la pertinence d’une disposition dont la violation n’entraîne aucune sanction et dont le formalisme, incombant à des bénévoles, en découragera plus d’un.