[N° 547] - 96 % des syndics ne respectent pas intégralement l’avis du CNC

par Luc CHEVALIER
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L’enquête de la CLCV* rendue publique le 11 mars dernier n’est pas de nature à restaurer le climat de confiance, aujourd’hui déliquescent, entre copropriétaires et syndics. Ce serait même plutôt le contraire : les mariés sont-ils au bord du divorce ?

Dans tous les couples, les problèmes sont souvent les mêmes. Ils gravitent autour de deux totems : l’amour et l’argent. Et le couple “syndic-copro” ne déroge évidemment pas à la règle.
A une particularité près : c’est l’argent – du moins la transparence des comptes de la copropriété – qui est ici l’essence de la relation “hainamoureuse”. Enfin, soyons lucides, on est tout de même plus proche de la haine, du moins de la suspicion, de la crainte, du conflit et de la trahison que de l’amour. Pour faire simple et caricatural, c’est un peu comme si le marié s’était contenté d’épouser la dote en prenant bien soin de rédiger le contrat à son avantage.

Car c’est bien là que se situe le problème : dans le contenu et la rédaction du contrat de syndic. Parfois opaques, souvent complexes, contenant pour certains des clauses illicites, les contrats sont régulièrement source de contentieux entre les copropriétaires et leurs gestionnaires, notamment en ce qui concerne la facturation de certaines prestations. C’est ce que prétend la CLCV mais c’est aussi ce que son enquête confirme : sur les 110 contrats de syndics dépouillés (émanant de 100 cabinets différents), seuls 14 (soit 12,73 %) respectent intégralement l’avis rendu par le Conseil national de la consommation le 27 septembre 2007.

Cet avis, relatif à l’amélioration de la transparence tarifaire des prestations des syndics de copro, impose non seulement le transfert de certaines prestations de la rubrique “prestations exceptionnelles” à la rubrique  “gestion courante” (voir encadré) - ce qui suppose non pas leur gratuité mais une non tarification additionnelle – mais également une date butoir. En effet, si, à la fin 2008, il apparaissait que les syndics ne respectaient toujours pas l’avis rendu, un arrêté fixant la liste des prestations de gestion courante devait être publié…


L’heure des comptes a sonné

Dans les faits ce sont donc 44 prestations (voir encadré) qui devraient impérativement figurer dans les contrats au titre de la gestion courante. Dans les faits, on est loin du compte. Et la problématique est vraie autant pour les grands groupes (33) que pour les cabinets indépendants (77). En moyenne, d’après l’enquête CLCV, les syndics ne reprennent en moyenne que 32 dispositions de l’avis sur les 44 existantes, soit 72, 20 % du texte en lui-même. Dès lors trois catégories de contrats peuvent être distingués : 71,82 % des contrats respectent 40 items ou plus, 10 % des contrats respectent entre 30 et 39 % des items et enfin 18, 18 % des contrats respectent moins de 30 items.
L’enquête fait donc remarquer que  même si peu de syndics respectent totalement l’avis rendu par le conseil national de la consommation, une grande partie des prestations qui y sont mentionnées sont reprises dans les contrats ou, du moins, ne font pas l’objet d’une facturation spécifique.
Reste une question : celle de l’information des copropriétaires et de la comparabilité des contrats.

Et trois zones sensibles : la gestion des assurances (22,73 % de recommandations respectées), l’administration et gestion de la copropriété en adéquation avec le règlement de copropriété (51,82 %), et enfin la comptabilité générale (53,64 %).
Concernant cette dernière, deux violations ont été couramment constatées : l’imputation des consommations individuelles d’eau (que les compteurs aient été posés ou non avant la prise de fonctions du syndic) ; et la facturation de la remise de l’état financier, de la totalité des fonds et des comptes de la copropriété au syndic successeur.** Côté administration et gestion, les problèmes concernent la transmission des archives au syndic successeur et la facturation de l’établissement et la mise à jour du carnet d’entretien. Pour ce qui est de la gestion des assurances, le cas le plus typique consiste à insérer, dans les prestations exceptionnelles, une ligne libellée “gestion des sinistres”. Sans plus de précisions…

Le mari jaloux et la femme “trompée” passeront-ils devant le juge ou renoueront-ils d’un commun accord ? Le temps de la reddition est-il venu ? Vont-ils déposer les armes pour préserver les enfants ?

Là, est toute la question.

Luc CHEVALIER


* Association nationale de consommateurs et usagers. Pour en savoir plus : www.clcv.org
** Lire à ce sujet, IRC n° 545, Janv/Fév 2009, Changement de syndic : que deviennent les archives ?, p 34.


Top 10 des violations de l’avis

10. Un syndic de Seine Saint Denis facture 598 € TTC la remise du dossier au syndic successeur en cas de non renouvellement du mandat ou de démission ;

9. Un syndic parisien (75) impute des frais de clôture pour fin de gestion avec un droit proportionnel de 101,97€ TTC/lot principal et un droit fixe de 288,40 € TTC ;

8. Un syndic de Haute-Savoie facture un forfait annuel de 400 € TTC pour la tenue des registres, l’établissement des bulletins de paie et les déclarations aux organismes sociaux et fiscaux ;

7. Un professionnel du Vaucluse (84) facture 180 € TTC la déclaration des sinistres affectant les parties communes ;

6. Un syndic francilien impose la mention, dans le carnet d’entretien, de tous les travaux nécessitant une consultation préalable du conseil syndical et, en conséquence, facture la tenue de ce document 4,78 € TTC/lot principal/an ;

5. Un syndic parisien (75) facture 11,96  € TTC/compteur/an la gestion des compteurs d’eau, les relevés ;

4. Un professionnel sis à Nantes (44) facture, pour l’assemblée générale annuelle, des frais administratifs de 8,97€ TTC/convocation auxquels s’ajoutent 4,78€ TTC en cas de lettre recommandée, soit un total de 13,75€, en plus du remboursement des frais d’affranchissement exposés à cette occasion ;

3. un syndic de Saint Malo (35) facture l’établissement des fiches de paie au «tarif réel du cabinet comptable» ;

2. Un syndic de Metz (57) facture 29,90€ TTC l’établissement d’un dossier pour l’enlèvement de tags ;

1. Un professionnel de Saint Cloud (92) facture 12€ TTC/compte la mise à jour du plan comptable.

Sources : Enquête CLCV, mars 2009.


Question de contexte

Le marché annuel de la copropriété est estimé à 30 milliards d’euros.

Le parc compte plus de 7,6 millions de logements en copropriété, 1,5 million d’immeubles et 750 000 copropriétés

94 % de ces copropriétés sont gérés par un syndic professionnel

6 % le sont par un syndic bénévole

Source : Salon de la copropriété /09