[N°654] - Réforme judiciaire

par YS
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Une profonde réorganisation judiciaire est en cours de déploiement.

Dès le 1er janvier 2020, les tribunaux d’instance et de grande instance fusionnent pour donner naissance à des tribunaux judiciaires aux compétences étendues.

Cette évolution de la répartition des contentieux de première instance s’accompagne d’un mécanisme de spécialisation de certains tribunaux pour connaître de litiges dits «techniques», comme celui de la copropriété.


Création des tribunaux judiciaires au 1er janvier 2020

Jusqu’au 31 décembre 2019, tout justiciable doit choisir la juridiction judiciaire compétente, en fonction du montant et de la nature de son litige. Le tribunal de grande instance (TGI) tranche les affaires qui ne sont pas spécialement attribuées par la loi à une autre juridiction civile (tribunal de commerce, par exemple) ainsi que les contentieux concernant des demandes supérieures à 10 000 euros. Le tribunal d’instance (TI) juge les affaires civiles pour lesquelles la demande porte sur des sommes inférieures à 10 000 euros, par exemple les conflits liés au paiement des charges de copropriété, tandis que sa compétence est exclusive dans certains contentieux, quel que soit le montant de la demande, notamment les litiges entre propriétaires et locataires en matière de logement.


La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice de 2019 redistribue les cartes. Concrètement, lorsqu’une commune dispose d’un TGI et d’un TI, ceux-ci seront regroupés, au 1er janvier 2020, en un tribunal judiciaire. Dans les communes où il n’existe aujourd’hui qu’un TI, par exemple, à Cannes ou à Antibes, cette juridiction sera maintenue, sous la forme d’un tribunal de proximité, détachée du nouveau tribunal judiciaire.


Dans les départements ayant plusieurs TGI, l’un d’entre eux pourra être spécialement désigné pour connaître seul, dans l’ensemble de ce département, de certaines matières techniques appelant des compétences particulières. La copropriété fait partie de ces matières appelant une spécialisation. À terme, ces spécialisations doivent permettre d’aboutir à une jurisprudence homogène. La date de mise en œuvre effective de cette spécialisation des juridictions n’est pas, à ce jour, connue.


La copropriété concernée par la spécialisation des tribunaux

À quelques semaines de la fusion des TI et TGI, Françoise Calvez, magistrat et directrice de projet en charge du pilotage de la transformation de l’organisation judiciaire auprès de la direction des services judiciaires, détaille les grands axes de cette réforme.

 

L’unification des juridictions de première instance poursuit quels objectifs ?

«En premier lieu, il s’agit de permettre un accès simplifié à la justice. Le nouveau tribunal judiciaire sera désormais, pour le justiciable, la juridiction de première instance : de manière générale, il regroupera les compétences du TI et celles du TGI actuels lorsqu’ils sont situés dans la même commune.


S’il existe des TI dans le ressort d’un même TGI, mais situés dans d’autres communes que celui-ci, ces juridictions demeurent. Elles deviennent des chambres de proximité du tribunal judiciaire, baptisées : “tribunaux de proximité”. Ces derniers jugeront des affaires civiles du quotidien, c’est-à-dire d’un montant inférieur ou égal à 10 000 euros et accueilleront, comme au tribunal judiciaire, des juges des contentieux de la protection, compétents en matière de baux d’habitation, de crédits à la consommation et de surendettement.


La cartographie judiciaire reste inchangée pour le justiciable : tous les sites restent ouverts. Elle gagne même en lisibilité, dès lors que le justiciable n’aura plus à se poser la question du périmètre de compétences lorsqu’il franchira les portes du tribunal.


Ensuite, cette réforme permet un accompagnement renforcé. Dans ce même souci d’accès simplifié pour le justiciable, il bénéficiera tant, au sein du tribunal judiciaire, que du tribunal de proximité, d’un SAUJ (service d’accueil unique du justiciable) pour l’orienter et l’accompagner dans ses démarches.»


«Sur le plan du fonctionnement des juridictions, cette unification a une incidence majeure qui, indirectement, aura des conséquences positives sur le rapport à la justice du justiciable. En effet, le greffe du tribunal judiciaire sera, par la fusion, à la fois composé de fonctionnaires de greffe des anciens tribunaux d’instance et de grande instance. Cette mutualisation favorisera une meilleure organisation interne, avec une plus grande souplesse de répartition des agents de greffe en fonction de leurs compétences et des besoins, et une optimisation en gestion interne, notamment pour absorber les absences. In fine, cette nouvelle organisation permettra un service public de la justice plus performant. Actuellement, la faiblesse des effectifs de certaines équipes de greffe pouvait poser des difficultés dans certains tribunaux d’instance.


Enfin, au sein des tribunaux judiciaires, les chefs de juridiction pourront créer des pôles facilitant l’organisation des audiences et une harmonisation de la jurisprudence.»

 

La réforme parvient-elle à créer un tribunal unique par département ?

«Ce n’était pas son objectif puisqu’il ne s’agit pas d’une réforme de la carte judiciaire, sinon de l’organisation de la première instance et des greffes.


Ainsi au contraire, les tribunaux de proximité pourront, en fonction des besoins des territoires, bénéficier d’ajouts de compétences, sur proposition des chefs de la cour d’appel, en vue de mieux répondre aux besoins des justiciables, notamment lorsque les liaisons routières ou ferroviaires rendent les déplacements au tribunal judiciaire compliqués.


En outre, la spécificité technique de certains contentieux est prise en compte avec le maintien des conseils de prud’hommes, qui demeurent inchangés dans leur fonctionnement paritaire.»

 

Comment sera traité le contentieux de la copropriété ?

«S’agissant des actions en contestation des décisions des assemblées générales et celles relatives aux copropriétés en difficulté, elles relèveront, à compter du 1er janvier 2020, de la compétence des tribunaux judiciaires.


En outre, certains de ces tribunaux, spécialement désignés, pourront connaître seuls de ces actions dans l’ensemble d’un département. Tout dépendra des projets de spécialisation proposés à la garde des sceaux par les chefs de cour d’appel, après concertation, conformément au décret du 30 août 2019, n° 2019-912.»