«Gérer une copropriété en difficulté est en moyenne deux fois plus cher»
Expert-comptable et juriste de formation, Olivier Safar est une figure incontournable du monde de la copropriété. Il est président du cabinet d’administration de biens qui porte son nom, vice-président de l’Union des syndicats de l’immobilier (UNIS) et président de l’association QualiSR, «Syndic Prévention Redressement» qui porte le projet d’une certification de syndics de redressement de copropriétés en fragilité ou en difficulté. C’est au titre de président de QualiSR qu’il répond à nos questions.
Quelle a été l’influence de QualiSR dans la création du syndic d’intérêt collectif ?
Le projet QualiSR, de création d’un référentiel pour la prévention et le traitement des copropriétés en difficulté, puis d’une certification attestant de sa bonne application, est né du besoin, formulé de longue date par les collectivités et les opérateurs engagés dans les dispositifs publics, de disposer d’un réseau de syndics professionnels spécialisés et aptes à faire face aux contraintes de la gestion dans ces contextes très particuliers. La création du statut de syndic d’intérêt collectif qui répond à ce même besoin, vient en quelque sorte couronner cette démarche. Les conditions posées pour l’agrément recouvrent globalement ce qui est requis pour la certification QualiSR, et les syndics certifiés qui ont demandé l’agrément devraient l’obtenir sans difficulté.
Alors que les organismes HLM peuvent se voir reconnaître de droit la qualité de SIC, il semble qu’ils soient peu enclins à assumer cette fonction (Inf. rap. copr., n° 709, juin 2025). Pensez-vous qu’il soit dommage que ces organismes ne saisissent pas cette opportunité ?
Les organismes HLM qui ont créé en leur sein une activité de syndic de copropriété – cela représente un peu plus d’un quart d’entre eux – l’ont fait dans un objectif précis : gérer les copropriétés créées par eux dans le cadre de la vente de leurs patrimoines à leurs locataires, et ce afin de mieux les accompagner dans leur parcours d’accession à la propriété. Ils n’avaient pas envisagé à ce stade d’étendre cette activité vers des copropriétés en difficulté – ils n’en ont pratiquement pas parmi leurs mandats – et encore moins de le faire en assistance à des administrateurs judiciaires dans leurs missions d’administration provisoire (art. 29 et suivants de la loi de 1965). La position exprimée par la présidente de l’USH lors de notre colloque du 28 mai 2024 à l’Assemblée nationale a été très claire et n’a pas varié depuis : les bailleurs sociaux syndics iront sur les copropriétés en difficulté si on leur demande, mais pas à n’importe quelles conditions, notamment en termes d’aides financières au redressement de la gestion, et se donneront les moyens de se doter des compétences nécessaires, qui ne sont pas actuellement présentes en leur sein. L’association QualiSR est prête à mettre à leur disposition les formations et l’accompagnement nécessaires afin de se mettre en capacité d’exercer ces missions.
Que faudrait-il, selon vous, pour qu’il y ait davantage de syndics d’intérêt collectif ?
Le besoin de syndics près à s’investir dans la gestion de copropriétés en situation difficile est immense. Le défi est de susciter des vocations, et nous avons mesuré chez QualiSR à quel point il n’est pas aisé à relever. Pour les syndics privés comme pour les organismes HLM, gérer ce type de copropriétés est un métier dans le métier, qui exige qualification et disponibilité. Y aller est une décision stratégique lourde, et beaucoup hésitent à s’y lancer sans filet. Gérer ces copropriétés est, dans la pratique et en moyenne, deux fois plus cher que pour une copropriété saine. Il faut pouvoir facturer à ces copropriétés des honoraires à bonne hauteur, alors qu’elles sont souvent dans l’incapacité de supporter même des honoraires normaux.
Il existe une aide spécifique de l’ANAH au redressement de la gestion, qui peut quand elle est accordée, compenser les surcoûts liés à des tâches spécifiques générées par les dispositifs publics d’accompagnement ou de redressement, mais aussi à la volumétrie exceptionnelle des tâches de la gestion courante : pannes, sinistres, dégradations, difficultés relationnelles, impayés, etc. Le problème est qu’elle n’est pas toujours accordée à son montant maximal, que les procédures d’octroi sont fastidieuses et chronophages, et que son versement est tardif.
Si les pouvoirs publics veulent que cette spécialisation se développe, il est indispensable que les candidats aient une visibilité et un bon niveau de sécurisation quant aux conditions financières de leur engagement. Autrement, nous craignons chez QualiSR d’avoir fait le plein des professionnels – une cinquantaine, privés comme HLM – volontaires pour ce type de missions…


