«15 % du parc locatif national HLM est situé en copropriété»
Chrystel Gueffier-Pertin est responsable du département Accession sociale, vente HLM, copropriété, syndic au sein l’Union sociale pour l’habitat (USH) depuis 2005.
L’USH représente 559 organismes HLM qui gèrent une part de plus en plus importante de leur patrimoine locatif en copropriété sous l’impulsion de leurs politiques de vente et d’acquisition de logements locatifs.
La part du parc social située en copropriété augmente : quel est votre bilan sur ce type d’organisation ?
Les organismes HLM gèrent une part croissante de logements sociaux situés dans des ensembles immobiliers relevant du statut de la copropriété, du fait de la vente d’une partie du parc HLM, de l’acquisition de lots en VEFA et en diffus dans les copropriétés existantes. En 2023, environ 15 % du parc locatif national HLM est situé en copropriété, avec de fortes disparités entre bailleurs, certains pouvant détenir la moitié de leur parc immobilier en copropriété. Depuis 2023, l’offre nouvelle de logements locatifs sociaux développée dans le cadre de programmes gérés en copropriété s’est fortement accélérée : les pouvoirs publics ont incité, dans le cadre des plans de relance VEFA, les bailleurs sociaux à acquérir auprès de la promotion privée des logements n’ayant pas trouvé preneurs en raison de la crise immobilière. Dans de nombreux territoires, des opérations immobilières privées ont pu être ainsi débloquées grâce aux ventes de logements neufs en bloc aux organismes HLM jouant leur rôle «d’amortisseur de crise». En devenant des copropriétés mixtes, ces ensembles immobiliers se caractérisent par la présence au sein des syndicats, de copropriétaires privés et d’un ou plusieurs bailleurs sociaux. Pour ces derniers, la présence de logements locatifs sociaux dans des copropriétés les oblige à adapter leur organisation et leurs pratiques professionnelles : compréhension du fonctionnement de la copropriété, dialogue avec les syndics, outils de suivi spécifiques, nouveaux processus métiers… Certains se positionnent comme syndics, notamment pour les copropriétés issues de la vente HLM, afin d’assurer une continuité de gestion patrimoniale et administrative de l’immeuble.
Est-il pertinent que le bailleur social assure le rôle de syndic ?
Environ un quart des organismes HLM exercent comme syndics. Leur nombre est quasi stable depuis cinq ans ; en revanche, le portefeuille de lots de copropriété pris en gestion est en croissance régulière depuis 2015 (+ 62 % en huit ans). Concernant l’activité syndic de Procivis UES-AP, membre de l’USH, les 130 agences Immo de France gèrent 695 000 lots de copropriétés à cette date.
Le Code de la construction autorise l’activité de syndic pour les organismes HLM mais dans certaines limites. Ils peuvent être syndics élus ou de droit (à la suite d’une vente HLM). Pour exercer le métier de syndic, l’organisme HLM doit respecter les obligations de la loi Hoguet comme tout professionnel : obligation de détention de la carte professionnelle (carte S) ; d’une assurance de responsabilité civile professionnelle ; d’une garantie financière.
Les syndics HLM s’attachent à maintenir le bon fonctionnement des copropriétés, à prévenir les fragilités et à accompagner les accédants (souvent primo-accédants). Certains proposent réunions d’information, formations, guides pratiques pour les sensibiliser à leur rôle. Leur double expertise - gestion sociale et technique - renforce leur efficacité.
La loi Habitat dégradé a créé le syndic d’intérêt collectif (SIC). Les organismes HLM peuvent demander l’agrément. Est-ce une opportunité pour les bailleurs sociaux ?
Pour gérer des copropriétés en difficulté, le syndic doit avoir la capacité de déployer des actions spécifiques nécessitant expertise et savoir-faire pointus ainsi que des compétences renforcées à collaborer avec l’ensemble des acteurs concernés. Le recours à un SIC peut sécuriser les partenaires, mais cela implique un engagement important, difficilement viable sans soutien public car le surinvestissement déployé par le SIC pour exercer sa mission de redressement de la copropriété génère, de fait, un surcout qui obère fortement son modèle économique.
La présence d’un SIC auprès des copropriétés fragilisées et en difficulté passe par la mobilisation d’une aide publique pour assurer une qualité de gestion à la hauteur des investissements réalisés par la puissance publique et ses partenaires dans ces résidences : rachat ciblé ou massif de lots, programme de travaux de rénovation, etc… et engager le redressement de ces copropriétés présentant de graves dysfonctionnements techniques, sociaux et financiers. Sans soutien financier des pouvoirs publics, les syndics HLM seront peu encouragés à investir le segment d’activité du SIC.
Alors que l’on va fêter les 60 ans de la loi de 1965, pensez-vous qu’elle est adaptée aux copropriétés mixtes ?
Des ajustements seraient souhaitables pour mieux prendre en compte les spécificités des copropriétés mixtes et donner un peu plus la parole aux locataires HLM. Par exemple, la prise de décision au sein du conseil syndical ne reflète pas toujours le poids du bailleur HLM en tantièmes, alors qu’il représente parfois une part importante de la copropriété.
Mais tout ne passe pas forcément par des évolutions de la loi : des temps de concertation entre bailleur HLM, représentant des associations de locataires et syndic pourraient être proposés et organisés pour aborder la gestion courante de la résidence. Il pourrait également être encouragé par le bailleur HLM, des rendez-vous réguliers entre le représentant de l’association de locataires et les membres du conseil syndical pour partager des enjeux communs et créer des liens. Enfin, bien qu’en théorie les représentants des associations de locataires puissent assister aux AG de copropriétaires, ils sont parfois «oubliés» et ne sont pas convoqués par les syndics…
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 709 de juin 2025