Regards croisés : Les assemblées générales ont-elles muté ?

par Edilaix
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La vie d’après, en copropriété, est-elle différente de celle d’avant le Covid ? Comment se déroule votre assemblée générale aujourd’hui ?

Des modifications de comportements affectent-elles les décisions des syndicats ? Nous avons interrogé des professionnels de la gestion des immeubles et des représentants d’association de copropriétaires.

Patrick Lozano (P.L.), Président UNIS Lyon-Rhône ;

Christelle Pallaert (C.P.), Directrice de l'ARC Hauts-de-France ;

Corinne Leloup (C.L.), Gestionnaire de copropriétés ;

Catherine Blanc-Tardy (C.B-T.), Présidente de l'association des propriétaires SNDEC ;

Farid Bouteldja (F.B.), Juriste à la CLCV de l'Isère.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 683 de novembre 2022


La période Covid a vu l’emploi massif des formulaires de vote par correspondance. L’apparition de ces formulaires a-t-elle changé le taux de participation à l’assemblée générale ?

Le vote par correspondance (VPC) pour les assemblées générales de copropriété a été mis en place en 2020, année des restrictions sanitaires dues à la crise du Covid. Les assemblées générales se déroulaient alors en distanciel et entièrement en VPC, seule possibilité pour voter. Les copropriétaires ont donc tous dû apprendre à voter par correspondance.

Une fois les assemblées générales à nouveau possibles en présentiel, certains copropriétaires ont continué à voter de cette manière. Cependant, le taux de participation globale n’a augmenté qu’à la marge, et reste proche de l’avant-Covid donc de l’avant-VPC.

La raison principale semble être que ceux qui votent par VPC sont la plupart du temps ceux qui votaient en donnant leur pouvoir, donc ceux qui ne se déplaçaient déjà pas. En effet, on note la quasi-disparition du vote par pouvoir. Ces copropriétaires usent du VPC pour exprimer leur vote au lieu de laisser un mandataire le faire à leur place. Ils n’ont plus besoin de trouver un porteur pour leur pouvoir et ils ont ainsi la certitude que leurs desiderata de vote seront respectés.

Parmi les nouveaux votants en VPC, on trouve aussi en petit nombre : des bailleurs et des professionnels, qui se sentent souvent moins concernés puisque n’habitant pas sur place ; des technophiles et des copropriétaires «connectés» qui se mettent au VPC lorsque cette possibilité est offerte en ligne sur l’Extranet de la copropriété ; des copropriétaires qui votaient jusque-là en présentiel et qui maintenant ne se sentent plus obligés de se déplacer.

Ceci n’est pas sans poser des problèmes puisque ces votants, qui n’assistent pas aux débats, n’ont pas connaissance des dossiers et s’opposent parfois par principe à toute décision, ce qui peut engendrer des blocages préjudiciables à la copropriété.


Constatez-vous une tendance à un recours régulier au vote à distance : formulaire de vote et/ou vote électronique ?

À la sortie du confinement, le vote par correspondance (VPC) a continué de susciter beaucoup d’interrogations chez les copropriétaires. A cette période, notre association a été, régulièrement sollicitée par des adhérents qui s’étonnaient que des bulletins de vote par correspondance soient joints à leur convocation d’assemblée générale. Beaucoup d’entre eux avaient associé ce document aux mesures exceptionnelles liées au confinement, pensant qu’elles disparaitraient à la levée des mesures sanitaires.

Depuis, passée cette phase de découverte et d’appréhension, les copropriétaires se sont appropriés ce mode de vote. Il vient même supplanter l’utilisation des pouvoirs. Le VPC est jugé plus fiable que le pouvoir par les copropriétaires, assurés que leurs consignes de vote seront prises en compte.

Seulement, si le recours au VPC tend à se développer, il ne répond pas à son objectif premier à savoir endiguer l’absentéisme en assemblée générale. Sa portée semble limitée. Il ne permet pas de mobiliser davantage les copropriétaires et notamment, les bailleurs désinvestis dans la gestion de leur immeuble. La participation en assemblée ne semble pas augmenter.

Alors que notre société tend à se digitaliser, cette tendance qui se retrouve dans le domaine de la copropriété permet la dématérialisation de ses assemblées, et l’utilisation d’un boîtier électronique pour voter. Mais, si le législateur autorise la tenue d’une assemblée générale par visioconférence, dans les faits, c’est un moyen qui est peu utilisé.

Paradoxalement, nous constatons parmi nos adhérents que c’est une pratique qui se développe dans les petites copropriétés gérées par des syndics en ligne ou par des syndics non professionnels mais peu chez les professionnels. Les petites copropriétés sont favorisées. Le nombre de copropriétaires (en générale, moins de dix) facilite l’organisation et la tenue d’une visio.

Dans les copropriétés de moyenne ou de grande taille, les copropriétaires sont peu demandeurs de cette solution. Les principaux freins sont liés au coût que cela peut engendrer pour le syndicat des copropriétaires, aux risques d’incidents techniques (coupures, difficultés de connexion…), au fait que certains copropriétaires ne sont pas équipés à cet effet. Les syndics, eux-mêmes, ne se saisissent pas ou peu de cette possibilité. Souvent, ils ne disposent pas des moyens pour répondre aux obligations du vote par viso. Notamment, celle relevant de la justification de l’identification des copropriétaires.

En revanche, le vote électronique, par le biais d’une télécommande, tend à se développer dans les grandes copropriétés.


Le procès-verbal est-il toujours signé à la fin de la séance ou constatez-vous des situations où il est signé postérieurement ?

La vie des copropriétés a repris son rythme d’avant-Covid pour le calendrier des assemblées générales. Si pendant la période d’état d’urgence sanitaire, il a été quasiment impossible de tenir des assemblées en présence des copropriétaires, nous avons pu en tenir trois sur douze immeubles en dehors de la salle de réunion du cabinet de syndic qui les reçoit habituellement : deux dans la cour pavée de l’immeuble ; une dans le spacieux hall d’entrée.

Autant dire que si l’installation était relativement confortable, il était en revanche, impossible de brancher une imprimante. De plus, aucun copropriétaire ne pouvait mettre une imprimante à disposition même en WIFI. Nous n’étions pas non plus équipés d’outil de signature électronique. Quand la technique nous limite, le procès-verbal ne peut donc pas être signé en séance.

La situation est désormais revenue à la normale. Les seuls cas où le procès-verbal n’est pas signé en séance, c’est lorsque nous sommes en salle de réunion à l’extérieur, c’est-à-dire au-delà de dix personnes et lorsque les copropriétaires sont pressés de rentrer chez eux après 22h. C’est arrivé deux fois. C’est frustrant mais il n’est pas souhaitable de signer un procès-verbal dans la précipitation et sans plusieurs relectures.

 


L’utilisation du vote à distance ne rend-il pas difficile l’adoption de certaines décisions sensibles (travaux, modification du règlement de copropriété, désignation du syndic…) ?

S’agissant de la désignation des membres du conseil syndical, il est recommandé de solliciter les candidatures des membres postulants avant l’envoi des convocations et il est souhaitable de mentionner dans la convocation que les candidatures notées dans la convocation ne sont pas exclusives de candidatures présentées au cours de l’assemblée.

Pour la formulation des résolutions, nous avons observé des distorsions entre le formulaire de vote qui précise, par exemple «vente de la loge du concierge» et le «projet de résolution» figurant en annexe précisant «vente de la loge du concierge au prix de 130 000 €». Dans quelle mesure ce document formulant des projets de résolution non conformes au formulaire peut-il être associé au vote ?

Certains votes nécessitent des explications orales de la part du syndic, du conseil syndical ou des copropriétaires et le fait de connaître le contexte et l’historique ayant conduit à l’ordre du jour est déterminant. Des questions pourront surgir notamment pour les non-résidents. Ce sera notamment le cas d’une modification du règlement de copropriété.

Certains copropriétaires, compte tenu de l’importance du coût qu’implique le vote de certaines résolutions, sont tentés de voter «contre» sans connaître les circonstances ayant conduit à envisager la dépense. Utilisé en masse pendant la pandémie, ce mode d’expression par formulaire de vote a parfois conduit à des solutions imposées comme la réélection du syndic pour trois ans, sans aucune autre possibilité de choix, ou l’augmentation significative d’honoraires d’un contrat de syndic, renouvelé. Nous sommes convaincus qu’il ne faut pas abandonner définitivement la possibilité de débattre physiquement au moins une fois l’an.


De manière plus générale, quels regards les copropriétaires portent-ils sur la possibilité d’un vote à distance ?

Pour une grande partie des copropriétaires que nous rencontrons lors de nos rendez-vous ou réunions, le vote par correspondance reste exceptionnel d’autant plus qu’il ne constitue plus le seul mode de vote, contrairement à la période de restrictions sanitaires décrétées par les pouvoirs publics. Aujourd’hui, les quelques copropriétaires favorables à ce mode de vote sont essentiellement propriétaires-bailleurs, notamment ceux ayant une résidence secondaire et qui ne peuvent pas se déplacer pour assister à l’assemblée en présentiel. Quelques-uns d’entre eux regrettent cependant l’absence de tenue d’assemblée générale en visioconférence, ce que prévoit les textes.

Pour ce qui est des propriétaires occupants, le point de vue diffère radicalement. En étant présents physiquement aux assemblées générales de copropriété, ils veulent se sentir pleinement acteurs et concernés par les décisions prises, en participant aux débats avant de se prononcer définitivement. Ce que ne permet pas le vote par correspondance. Cela est d’autant plus vrai pour les décisions qui concernent l’élection du syndic ou des travaux importants au sein de la copropriété. C’est aussi à cette occasion que certains peuvent décider d’intégrer le conseil syndical, ou tout simplement apporter des observations sur les questions dites diverses. Sans oublier que les actions menées tout au long de l’année par le conseil syndical sont généralement évoquées au cours de l’assemblée générale. Autant dire qu’il y a une réelle réticence au vote par correspondance, qui doit rester une exception.