Avocats et réforme ELAN - L’ordonnance du 30 octobre 2019 a mis en place des dispositions dérogatoires pour les copropriétés de petite dimension. Pensez-vous que ces mesures permettront une diminution du contentieux ?

par YS
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L’ordonnance du 30 octobre 2019 a mis en place des dispositions dérogatoires pour les copropriétés de petite dimension.

Pensez-vous que ces mesures permettront une diminution du contentieux ?

Charline Bedded-GarnierCharline Bedded-Garnier :

«Ce texte permet de ne pas convoquer d’AG, de réaliser une consultation écrite ou une simple réunion. Idem pour la décision prise à deux sans AG dans les copropriétés «à deux». La prise de décision est simplifiée, le formalisme allégé en tentant d’éviter les blocages. Cela est de nature à rassurer les petites copropriétés non assistées d’un syndic, c’est donc positif. Le législateur s’est aussi attelé à anticiper les dérives contentieuses en s’inspirant du droit de l’indivision et des régimes matrimoniaux. Il appartiendra aux copropriétaires et aux conseils de s’emparer de ces outils à temps. Pour les copropriétés à deux, le texte permet la prise de décisions unilatérales concernant les «mesures nécessaires à la conservation de l’immeuble» qui recueillent généralement l’attention de tous les copropriétaires. Cette décision va s’imposer à tous, incluant le financement : on imagine la stupeur du non-décisionnaire en recevant la notification écrite de la décision prise. Le législateur lui offre un délai de deux mois pour les contester devant le tribunal. Nous gageons que cet outil sera utilisé mais tout dépendra du zèle dans l’utilisation de la décision unilatérale.»

 

Marine ParmentierMarine Parmentier :

«Ces mesures sont salutaires notamment en ce qu’elles tendent à supprimer les blocages de décisions, notamment les copropriétés qui composées de deux copropriétaires.

Dans ces copropriétés à deux, est désormais prévu un régime qui s’approche de celui de l’indivision. Toutefois, si les droits du copropriétaire minoritaire sont préservés pour les prises de décision les plus importantes, les décisions plus courantes (majoritairement celles relevant des articles 24 et 25 de la loi du 10 juillet 1965, hors approbation des comptes et vote du budget prévisionnel) peuvent être prises par le copropriétaire majoritaire, en dehors de la tenue d’une assemblée.

Si ce mécanisme met en exergue une réelle innovation, il risque d’engendrer de nouveaux contentieux qui ne seront plus inhérents au blocage de la prise de décision mais aux conséquences liées à ce qui pourra être qualifié de « loi du plus fort ».

En effet, avec la suppression de la règle de la réduction des voix du copropriétaire majoritaire, ce dernier pourra imposer de nombreuses décisions, notamment de travaux.

Le contentieux risque donc de se « déplacer » : s’il se situait auparavant en amont de la (non) prise de décision, il se rencontrera désormais en aval de la décision et sera davantage lié aux conséquences de celle-ci que le minoritaire estimera s’être fait imposer.»

 

Olivier DouekOlivier Douek :

«Paradoxalement, cette réforme attendue par les praticiens, qui tend à simplifier le fonctionnement des petites copropriétés (cinq lots au plus ou budget prévisionnel moyen inférieur à 15 000 €, mais également copropriété à deux) pour éviter les situations de blocage, va vraisemblablement accroître le contentieux. Je pense plus particulièrement aux copropriétés à deux où le juge était impuissant en cas de désaccord entraînant une paralysie dans la gestion de l’immeuble. La possibilité de déléguer la mission du syndic bénévole à un tiers, la possibilité pour le copropriétaire détenant plus de la moitié des voix de prendre les décisions relevant de l’article 24 (et pour le copropriétaire détenant plus de deux tiers des voix de prendre les décisions relevant de la majorité de l’article 25), la possibilité pour un copropriétaire indépendamment du nombre de voix dont il dispose de prendre les mesures nécessaires à la conservation de l’immeuble même en l’absence d’urgence, ont pour avantage d’éviter ces situations de blocage. Elles sont, de ce fait, une source potentielle de contentieux. Par ailleurs, l’ordonnance prévoit, dans des cas spécifiques, la possibilité de recourir au juge que ce soit pour passer un acte auquel s’oppose l’autre copropriétaire, pour autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun ou encore l’aliénation d’une partie commune.»