[N°660] L'entretien : Dimitri MOLLE, fondateur de Senova

par YS
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Dimitri Molle Senova - immobilier

Rénovation énergétique en copropriété

«Des primes versées directement au syndicat des copropriétaires, sous condition d’un gain de performance énergétique»

Sénova est un bureau d’études et maître d’œuvre tous corps d’états spécialisé, dans la rénovation des bâtiments. Créée en 2009, la structure emploie 25 collaborateurs et travaille sur l’ensemble du territoire. Les prestations vont de l’audit au suivi d’exploitation, en passant par la conception et le suivi de chantier, qu’il s’agisse du bâtiment ou de ses équipements.

Dès l’origine, l’équipe de Senova s’est intéressée à la rénovation énergétique des immeubles résidentiels gérés en copropriété. La particularité du bureau d’études est d’avoir développé un savoir-faire «dans la mise en mouvement des copropriétés» : ingénierie financière, pédagogie, préparation et animation des AG.

Diplômé de l’école Centrale de Paris, Dimitri Molle est aussi le co-auteur d’un ouvrage sur la réglementation thermique, “RT 2012 et RT existant” (éditions Eyrolles, 3e éd., 2012).

 

Depuis 2009, sur combien de copropriétés êtes-vous intervenu ? De quelles tailles ?

«Depuis 2009, nous avons réalisé 481 audits de copropriétés et 240 missions de maîtrise d’œuvre ou d’accompagnement pour des rénovations en copropriété. Nous intervenons sur des copropriétés de toutes tailles, allant de quelques logements à plus de 2 000 pour la plus grosse sur laquelle nous sommes intervenus : “Le Point du jour”, à Boulogne-Billancourt.» 

Pour une mission assurée globalement du diagnostic au suivi d’exploitation après travaux, quels sont les résultats que vous avez pu quantifier selon la taille des copropriétés ?

«Prenons le cas de la copropriété “Beccaria”, à Paris, construite en 1967 et comprenant 66 logements sur deux bâtiments. La copropriété a fait réaliser des travaux de rénovation incluant la réfection et l’isolation complète de l’enveloppe (façades, toitures, planchers bas, menuiseries extérieures), la mise en place d’un système de ventilation efficace et la rénovation de la chaufferie avec passage du fioul au gaz. L’étiquette énergie du bâtiment est passée de la lettre E à B, et les charges énergétiques ont baissé de 70 %, passant de 100 000 € par an à 25/30 000 € par an ! » [cf Inf. rap. Copr. n° 657/658].

Quels sont, à ce jour, les leviers les plus performants pour faciliter la prise de décision des copropriétaires ?

«Pour faciliter la prise de décision, il faut déjà qu’il y ait un besoin de rénovation ; souvent des façades dégradées ou à ravaler, parfois aussi une toiture fuyarde, des réseaux ou un système de chauffage vieillissants, etc. Dans un premier temps, il est important d’établir et partager un diagnostic avec les copropriétaires. Ensuite, il faut s’intéresser aux attentes et envies d’amélioration des occupants et copropriétaires, qu’il s’agisse des charges, du cadre de vie, du confort ou de l’impact environnemental. Au-delà du conseil syndical, nous les interrogeons à travers une enquête.»

Dès lors, il faut apporter les aides financières et les solutions de financement, sur dix ou quinze ans avec une vision individualisée pour chaque copropriétaire. Enfin, il faut préparer l’AG pour le vote des travaux avec beaucoup de communication en amont, par bouche à oreille, par courrier et grâce à des réunions d’information.»

Bien sûr, tout cela ne sera possible que si le conseil syndical, le syndic et le maître d’œuvre constituent une équipe soudée et impliquée.»

Comment appréhendez-vous les questions des copropriétaires relatives à leurs attentes de retours sur investissement ?

«A partir du moment où la copropriété a besoin de faire des travaux d’entretien, quoi qu’il arrive, la question qui se pose n’est pas de faire (ou non) des travaux, mais de savoir si cela vaut le coup d’embarquer une bonne performance énergétique à l’occasion des travaux. C’est donc le surcoût de la “part énergétique”, aides déduites, qu’il est intéressant à comparer à ce que cela apporte. La plupart du temps, ce retour sur investissement est tout à fait acceptable pour les copropriétaires, sans compter l’amélioration du confort, du cadre de vie et la valorisation de leur patrimoine. Sur ce dernier point, on constate régulièrement que les travaux se retrouvent intégralement dans la valeur du bien et que les plus-values générées par les travaux compensent plus que le montant des travaux.»

Vu comme cela, même les bailleurs, avec des visions financières de leur patrimoine, sont partants pour les travaux.»

Fort de votre expérience, vous militez pour un dispositif simple d’incitation à la rénovation dédié aux copropriétés : quel est-il ?

«Seules quelques centaines de copropriétés ont été rénovées ces dernières années sur un parc d’environ 700 000 copropriétés. Pour être à la hauteur des objectifs fixés, nous devrions déjà être au rythme d’environ 10 000 copropriétés rénovées de manière globale et performante chaque année.»

L’Etat doit donc faire en sorte que le rythme des rénovations change d’un facteur 100, ce qui est possible dans les deux à trois ans dans la mesure où les professionnels se sont formés et sont prêts à monter en puissance. La seule chose qui manque à présent, c’est de faire en sorte que le sujet soit mis à l’ordre du jour des copropriétés et donc qu’il intéresse de manière large les copropriétaires. Et pour cela, nous pouvons nous appuyer sur les retours d’expériences des politiques des dix dernières années pour acter que la seule chose qui puisse véritablement changer la donne, ce sont les primes versées directement aux syndicats des copropriétaires, accessibles à tous, quel que soit le statut des copropriétaires, ses revenus, ou la situation de la copropriété elle-même, mais bien sûr, sous condition d’un gain de performance énergétique avant/après travaux d’un minimum de 35 %. Avec une prime supplémentaire si le résultat final permet d’atteindre une étiquette énergie A ou B, en phase avec les enjeux de la transition écologique.»

La mise en place d’une telle prime présente une excellente rentabilité en matière de création d’emplois locaux sans parler de l’amélioration du cadre de vie des habitants et de l’entretien pur et simple d’un parc immobilier en bout de cycle. Atteindre un rythme de 10 000 copropriétés rénovées représente la création d’un marché de six milliards d’euros de travaux par an, c’est-à-dire dire environ 50 000  emplois directs dont 6 000 dans l’ingénierie et l’architecture.»

 

En savoir plus :
http://coproprietes.senova.fr/

Sénova