[N° 613] - Entretien avec Jean-Luc Bernette, concepteur du logiciel Coprolib' - [N°Entretien avec Jean-Luc Bernette, concepteur du logiciel Coprolib' : suite

par Edilaix
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Quelles sont les solutions de mise en œuvre de ce fonds de travaux pour les syndicats de copropriétaires qui, par prudence, avaient déjà voté et constitué un fonds de prévoyance avec des règles spécifiques ?
Aujourd’hui, beaucoup de copropriétés ont constitué une avance pour travaux futurs6. Cette avance continuera d’exister après 2017, mais bien évidemment, elle fera double emploi avec le nouveau fonds de travaux. Se pose donc la question du «transfert» de l’avance vers le fonds de travaux.
Je ne parle ici que des aspects comptables de ce transfert, car en général l’avance est déjà placée sur un compte bancaire séparé et il n’y a donc rien à faire d’un point de vue financier.
Contrairement à ce que proposent certains, je ne crois pas que ce soit une bonne idée d’effectuer ce transfert «en un coup». D’abord, parce que rien dans la loi n’est prévu pour alimenter le fonds de travaux autrement que par la cotisation (rien ne l’interdit non plus !). Et surtout, parce que cela ne supprime pas l’obligation de cotisation. La même question se pose d’ailleurs avec la tentation d’affecter des produits (loyers, subventions...) au fonds de travaux : est-ce possible (a priori oui) ? Est-ce que cela peut remplacer la cotisation (a priori non).
Je préconise plutôt un transfert «progressif». On vote un taux de cotisation (disons 5 %) et on vote à la suite le remboursement de l’avance pour un montant équivalent avec la même périodicité, ce qui se traduira d’un point de vue comptable en deux écritures qui s’annuleront sur chaque compte copropriétaire.


Avez-vous une recommandation pour sensibiliser les copropriétaires à la mise en place de ce fonds de travaux ?
Je voudrais  rappeler que dans l’esprit de la loi ALUR, le fonds de travaux allait de pair avec deux autres mesures : le diagnostic technique global (DTG) et le plan pluriannuel de travaux (PPT)7, dans l’objectif d’améliorer l’entretien et la conservation des immeubles. Or, il me semble qu’en se focalisant sur le fonds de travaux, on a un peu perdu en route la relation entre ces trois mesures. Pour moi, il est primordial de mettre en place un PPT (sur la base d’un DTG), car c’est ce qui permet à l’assemblée de voir l’intérêt du fonds de travaux et d’évaluer le taux de cotisation, en prenant en compte d’une part les prévisions de dépenses et, d’autre part, la capacité d’épargne des copropriétaires. La loi dit que le PPT devient obligatoire quand le fonds de travaux atteint 100 % du budget prévisionnel8, mais en cotisant à 5 %, il faut plus de 20 ans pour atteindre ce seuil et entretemps le fonds de travaux aura été utilisé ! Ainsi il y a fort à parier que pour 99 % des copropriétés on n’arrivera jamais dans cette situation d’obligation. Je pense donc que le plan pluriannuel de travaux est un bon moyen pour responsabiliser les copropriétaires (et les syndics) en mettant en place dès maintenant une vision à long terme de l’entretien de l’immeuble, et pour les motiver à épargner dans cet objectif (via une avance ou un fonds de travaux).

En conclusion, nous voyons qu’une interprétation pragmatique de la loi est nécessaire, mais qu’elle ne lève pas toutes les imprécisions et qu’il est souhaitable que des décrets viennent répondre aux questions pratiques de mise en œuvre du fonds de travaux, afin d’éviter des pratiques anarchiques et des litiges prévisibles. Cela est d’autant plus urgent que pour être appliquées au 1er janvier 2017, les décisions doivent être prises en assemblée générale début 2016.

6-  Loi du 10 juillet 1965, article 18-II, alinéa 3.
7-  Code de la construction et de l'habitation, articles L. 731-1 à L. 731-5.
8-  Loi du 10 juillet 1965, article 14-2, IV.