Copropriété | La notification électronique

par David RODRIGUES, Juriste à l'association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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Copropriété | La notification électroniqueLa loi Habitat dégradé du 9 avril 2024 a modifié le paradigme existant en matière de notification en copropriété.

Si le courrier postal constituait la norme et l’envoi électronique, l’exception, cette règle est désormais inversée, la notification électronique devenant le principe. Exit donc la nécessité de recueillir l’accord préalable du copropriétaire.

Cependant, cette passation ne peut se faire sans respecter un minimum de formalisme, d’autant que des décrets d’application, bien que non prévus, vont certainement être publiés.

De l’exception au principe

La loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement (dite loi Habitat dégradé) a réécrit et complété l’article 42-1 de la loi du 10 juillet 1965. Celui-ci dispose :

«Les notifications et les mises en demeure sont valablement faites par voie électronique.

Les copropriétaires peuvent, à tout moment et par tout moyen, demander à recevoir les notifications et les mises en demeure par voie postale.

Le syndic informe les copropriétaires des moyens qui s’offrent à eux pour conserver un mode d’information par voie postale.»

Le recours à la notification par voie électronique est donc automatique, mais les copropriétaires peuvent demander à conserver l’envoi postal. Sur ce point, le nouvel article 42-1 est extrêmement large puisque cette demande peut se faire «à tout moment et par tout moyen». Un simple mél, voire un sms, pourraient donc suffire, même si ces modes de communication peuvent poser un problème au regard de leur force probante. C’est pourquoi il peut être conseillé de recourir au courrier recommandé ou de se manifester en assemblée générale, avec mention dans le procès-verbal du choix de conserver l’envoi physique.

Le texte précise également que le syndic est tenu d’informer les copropriétaires des moyens qui s’offrent à eux pour conserver un mode d’information par voie postale. Or, l’article 42-1 n’apporte aucune précision à ce sujet. De plus, il n’est prévu aucun décret d’application alors même que les articles 64-2 et suivants du décret du 17 mars 1967 traitent précisément de la notification électronique, mais naturellement sous l’empire de l’ancienne règlementation. Si certaines dispositions demeureront sans doute inchangées (l’obligation de recourir à un prestataire de confiance qualifié par exemple), d’autres sont désormais caduques, à l’instar de celles relatives aux démarches que doit accomplir un copropriétaire pour recevoir ses notifications par voie électronique. La question se pose donc de savoir s’il est possible pour un syndic de se prévaloir de ces nouvelles dispositions.

La mise en place de la notification électronique

En l’absence de décret, les dispositions d’une loi ne peuvent recevoir application (Cass. 3e civ., 7 oct. 2004, n° 02-50.049). Par ailleurs, rien ne s’oppose à l’application immédiate d’une disposition législative dès lors que son entrée en vigueur n’est pas subordonnée à celle d’un décret et à la condition qu’elle soit suffisamment précise (Cass. 3e civ., 12 mai 2016, n° 15-12.120). Or, comme indiqué précédemment, l’article 42-1 ne renvoie à aucun décret d’application. De fait, les syndics peuvent-ils imposer la notification électronique ? Comme le sage le dit parfois, il peut être urgent d’attendre. Pourquoi ?

Tout d’abord, les dispositions du décret du 17 mars 1967 relatives à la notification électronique sont encore présentes et doivent être adaptées à la nouvelle situation. Ensuite, les moyens par lesquels le syndic informe les copropriétaires des possibilités s’offrant à eux afin de continuer à bénéficier de l’envoi postal doivent être précisés. Si l’on peut légitimement imaginer un certain parallélisme avec une reprise des dispositions du décret n° 2015-1681 du 15 décembre 2015 sur l’information des occupants des décisions prises par l’assemblée générale (affichage dans les parties communes…), encore faut-il qu’un texte le prévoie expressément en matière de notification électronique. Enfin et surtout, aucune disposition ne précise comment le syndic va s’enquérir des adresses électroniques des copropriétaires. Et le fait qu’il en possède certaines ne peut présumer de la volonté du copropriétaire concerné de sa volonté de recevoir de façon dématérialisée les différentes notifications.

En conséquence, pour les syndics aventureux et pressés de recourir à l’envoi dématérialisé des convocations, il parait indispensable d’informer au préalable les copropriétaires de l’évolution de la règlementation. A ce titre, le syndic ne pourra pas imposer un formalisme plus strict que celui défini par les textes concernant les moyens permettant aux copropriétaires de se manifester pour conserver le courrier postal. Il ne saurait donc exiger l’envoi d’un recommandé alors même que l’article 42-1 dispose que les copropriétaires peuvent à tout moment et par tout moyen demander à recevoir les notifications par voie postale. Le plus sûr, dans l’attente de la publication des futurs décrets, est de reproduire les dispositions de l’article 42-1 et de rappeler les coordonnées du syndic afin que les copropriétaires puissent se rapprocher de lui. A défaut, la question pourrait se poser de la validité d’une notification électronique alors que les copropriétaires n’ont pas été en possibilité de demander à bénéficier du maintien de l’envoi postal.

Enfin, certains professionnels, trop impatients, ont déjà montré leur volonté de recourir à la convocation électronique, quitte à passer en force et à indiquer aux copropriétaires récalcitrants qu’ils supporteraient alors individuellement le coût du recommandé. Un raisonnement bien étrange d’autant qu’auparavant, il n’était venu à l’esprit d’aucun syndic d’exonérer des frais de convocation les copropriétaires qui avaient opté pour la voie dématérialisée. On rappellera donc que les frais de convocation de l’assemblée générale constituent des charges générales conformément à l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, et qu’ils sont donc répartis entre tous les copropriétaires (Cass. 3e civ., 12 nov. 2020, n° 19-22.060).

David Rodriguez | ©EdilaixDavid RodriguesJuriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)