[N° 546] - Coopératives d’habitants : les nouveaux “robins des villes”

par Maryline MORIN
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Flambée des loyers, crise de l’immobilier et problèmes d’accès aux logements sociaux : les habitats coopératifs constituent une véritable alternative au système foncier habituel.

Bien qu’ils restent discrets en France, diverses initiatives encadrées par l’association Habicoop laissent penser que nous sommes peut-être à l’aube d’un nouveau “mode d’habiter”. Le projet de coopérative du Village Vertical  de Villeurbanne est un projet pilote qui, loin des utopies de la fin des années 60 et du retour aux campagnes, se veut résolument réaliste.
Loin du marché spéculatif de l’immobilier, les habitants regroupés en coopérative ont, entre autres, pour objectif de réduire le coût d’accession à la propriété en faisant de la construction et de la gestion d’un immeuble un projet commun à ses membres.

Une démarche de qualité environnementale

Les coopératives d’habitants prévoient quasiment toutes un volet éco-habitat dans leur démarche. Les solutions énergétiques efficaces sont recherchées, puisqu’en plus de limiter l’impact des habitants sur l’environnement, elles leur permettent de réduire leurs frais.
Le futur bâtiment du Village Vertical sera labellisé “bâtiment basse consommation“.
Sa consommation d’énergie devrait être minimisée grâce à la mise en place de panneaux solaires.
En combinant une isolation thermique performante et le choix du chauffage au bois, la coopérative réalise une économie d’énergie bénéfique à l’environnement qui est aussi un argument financier non négligeable pour l’ensemble des coopérateurs.
En adéquation avec ces idées, les “villageois verticaux” ont fait le choix d’un habitat urbain qui permet de réduire les pollutions liées aux transports mais aussi de limiter à l’échelle du projet, l’étalement de la ville.

Un mode de gouvernance en autogestion

Teinté d’une volonté de retrouver l’esprit de village dans la ville, le Village Vertical représente un investissement financier important pour ses futurs locataires.
Dans un esprit de convivialité, des parties communes sont prévues en plus des logements au sein de l’immeuble: buanderie, terrasse végétalisée, ou encore salle commune. Les habitants peuvent ainsi passer de leur espace privé à l’espace commun selon leur gré.
Le but est, en outre, de créer une dynamique de voisinage qui repose sur la responsabilisation sociale des habitants. D’un point de vue pragmatique, cela devrait permettre de maintenir l’intégralité de l’immeuble en bon état, mais humainement il s’agit aussi pour chacun de participer à l’entraide et ainsi d’éviter les échanges marchands (gardes d’enfants par exemple).
Quinze logements sont prévus, les surfaces allant de 30 à 110 m2.
Dix seront les logements sociaux, quatre seront réservés à des personnes en situation très précaire ou en perte d’autonomie, et un est prévu en location libre.

Dans cette optique de mise en commun des services et de l’équipement, les projets de la coopérative seront soumis au vote selon le principe d’une voix par personne. Comme dans les autres coopératives d’habitants en Suisse par exemple, le poids d’un vote ne sera donc pas fonction du capital apporté à la coopérative.

Grâce à un apport équivalant 15 à 20 % du prix du logement, les neuf familles pourront intégrer le Village Vertical d’ici 2012. Par la suite, un loyer permettra de couvrir le remboursement des frais
initiaux à la coopérative, notamment l’emprunt, ainsi que le coût de fonctionnement de l’immeuble.
Les habitants auront donc le double statut de coopérateurs, c’est-à-dire propriétaires de parts sociales de la coopérative, et de locataire. Ce statut juridique reste à définir, néanmoins les amendements proposés par Habicoop en décembre dernier n’ont pas trouvé d’écho au sein du gouvernement. Le problème fiscal lié au statut de coopérative reste donc encore entier.­

Maryline MORIN


La coopérative d’habitants

La coopérative d’habitants du village vertical a été créée en 2005, au départ sous la forme d’une association. Une parcelle de terrain lui a été attribuée sur la ZAC des Maisons Neuves à Villeurbanne en 2009, en partenariat avec la coopérative HLM Rhône Saône Habitat.
La parcelle comprendra un immeuble dont une partie indépendante reviendra à la coopérative et l’autre partie à Rhône-Saône Habitat.
L’immeuble devrait voir le jour d’ici 2012.

 

 

 


Habicoop, association d’accompagnement des coopératives d’habitants, a été créée en 2005.

Elle répond à un besoin d’encadrement des coopératives d’habitants et vise à faciliter la réalisation de projets lourds à porter.
Isabelle Gueguen, chargée de mission à Habicoop explique le fonctionnement de l’association :
“Habicoop accompagne les projets à chacune des étapes :
- constitution du groupe/fonctionnement du groupe
- travail sur le montage juridique/financier
- interface avec les partenaires et institutionnels
Nous apportons des ressources et outils méthodologiques aux projets.
Néanmoins, il est important de noter que les projets sont gérés par les habitants. Ce sont eux qui prennent les décisions et orientations. Nous ne sommes là que pour appuyer et soutenir leur démarche. Les expériences étrangères (Suisses/Québec) montrent que l’accompagnement est un facteur clé de réussite des projets. “


Habicoop suit actuellement une dizaine de projets sur la région Rhône-Alpes.
Depuis 2007, l’association et la coopérative sont liées par une convention de partenariat.


3 questions à Olivier Brachet, vice-président au Grand Lyon en charge de l’habitat et du logement social


Pensez-vous que l’habitat coopératif constitue une alternative sérieuse aux habitations à loyer modéré ?
C’est une piste sérieuse de recherche pour essayer de trouver un modèle social d’habitation qui soit autre chose que le secteur HLM ou le secteur privé, et ce fonctionnement ne rentre pas en concurrence avec le système HLM. Actuellement ces projets sont au stade d’expérience, mais on entrevoit une piste sérieuse à explorer. C’est une idée qui mérite de ne pas être délaissée, une approche coopérative permettrait peut-être d’amortir les risques spéculatifs dans le domaine de l’habitat.

Actuellement, quelle est la principale difficulté dans la mise en place d’une coopérative d’habitants ?
Tous les problèmes réglementaires et fiscaux ne sont pas réglés, en particulier le risque d’imposition sur les sociétés qui pourrait rattrapper les coopérateurs. Habicoop et le Village Vertical sont en train de travailler aux statuts juridiques. Pour moi le problème qui est plus préoccupant c’est que dans la part de remboursement d’emprunt, l’équivalent loyer à payer n’a pas trouvé sa solution sur le plan fiscal puisque ce qui aurait pu apparaître comme un résiduel de loyer est en fait pour l’état un bénéfice de la coopérative qui risque d’être taxé.

Quels sont les freins à de telles démarches en France ?
On n’est pas encore en France dans un modèle de culture coopérative. Dans le milieu professionnel, le domaine coopératif n’est pas celui qui est privilégié mais existe et il marche. Pour le moment il ne fait pas l’objet d’un soutien politique énorme au niveau des instances gouvernementales. Au niveau des collectivités, ça vaudrait le coup de repérer les difficultés et de faire l’apprentissage de ce qu’il faudrait faire pour que ça marche.