Copropriété : La procédure de désignation d’un syndic judiciaire

par Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
Affichages : 11575

Ce mois-ci dans la chronique : Le contentieux du mois

Il arrive, parfois, que l’assemblée générale des copropriétaires ne parvienne pas à désigner de syndic bien qu’elle ait été réunie à cette fin. Le syndicat peut alors se trouver dépourvu de représentant. Ce peut être le cas lorsque les candidats aux fonctions ne convainquent pas les copropriétaires, ou bien parce que la majorité requise (art. 25 et 25-1, L. 65) n’est pas atteinte. Afin de pallier les effets délétères de cette situation, qui devra être démontrée, une procédure spécifique de désignation d’un syndic judiciaire est prévue par l’alinéa 3 de l’article 17 de la loi du 10 juillet 1965 ; elle doit être strictement distinguée de celle résultant de l’absence de syndic faute pour l’assemblée générale d’avoir été réunie et prévue par l’alinéa 4 du même article (cette hypothèse sera traitée dans notre prochaine chronique).

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 669 de juin 2021

Cette procédure de désignation d’un syndic judiciaire est précisée par l’article 46 du décret du 17 mars 1967. Elle peut être mise en œuvre par une liste limitative de personnes qui sont les copropriétaires, les membres du conseil syndical (et donc potentiellement par des non-copropriétaires – cf : D. Rodrigues et P.-E. Lagraulet, «Conditions d’éligibilité des membres du conseil syndical», IRC n° 664, déc. 2020, p. 17), le maire de la commune ou le président de l’EPCI [établissement public de coopération intercommunale -ndlr]. L’ancien syndic ne peut donc solliciter, dans ce cas, la désignation d’un syndic judiciaire. Ces personnes, titulaires du droit d’agir, pourront saisir le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble sur requête par l’intermédiaire d’un avocat (représentation obligatoire par application de l’art. 846 Cpciv.). La requête sera communiquée au ministère public conformément aux articles 809 et 811du  Cpciv. (Cass. 3civ., 14 nov. 2001, n° 00-12.765).

Le président du tribunal judiciaire pourra alors désigner un «syndic» de plein exercice, et non un «administrateur provisoire» ou «ad hoc». Il sera principalement chargé de convoquer l’assemblée générale afin qu’un syndic soit conventionnellement désigné, au plus tard deux mois avant la fin de sa mission. Il devra néanmoins, pendant ce temps, exercer pleinement les fonctions du syndic conformément aux articles 18 à 18-2 de la loi du 10 juillet 1965. Il ne sera toutefois pas rémunéré selon la distinction forfait/hors-forfait prévue au contrat-type, mais selon les dispositions des articles 704 à 718 du Code de procédure civile puisqu’il a qualité d’auxiliaire de justice (Cass. civ. 3e, 28 juin 1995, n° 93-15.684).

De manière classique, une fois désigné, le syndic judiciaire devra notifier à tous les copropriétaires, dans les formes requises par l’article 64 du décret du 17 mars 1967, l’ordonnance rendue dans le mois suivant son prononcé (art. 59, al. 3, D. 67). La sanction du défaut de notification est assez restreinte puisque ce dernier ne suspend pas les effets de celle-ci mais empêche seulement de faire courir le délai de recours de quinze jours pendant lequel les copropriétaires peuvent en référer au président du tribunal judiciaire (Cass. 3e civ., 30 mars 2005, n° 03-21.128 ; P.-E. Lagraulet, «La rétractation des ordonnances présidentielles», IRC n° 666, mars 2021, p. 8).

La mission du syndic judiciaire durera trois ans au plus, et cessera de plein droit, selon les termes de l’article 46 du décret de 1967, «à compter de l’acceptation de son mandat par le syndic désigné par l’assemblée générale».

Pierre-Edouard Lagraulet

 

 

Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit