Copropriété : La rétractation des ordonnances présidentielles

par Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de paris, Docteur en droit
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Ce mois-ci dans la chroniqueLe contentieux du mois

Lorsque le syndicat des copropriétaires est dépourvu de syndic, le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble peut, en qualité de juge des requêtes, désigner un syndic, ou un «mandataire ad hoc» en fonction de la situation de fait, selon une procédure non contradictoire déterminée par les articles 493 et suivants du Code de procédure civile (CPCiv.). Il rend alors une ordonnance sur requête. Cette même procédure peut être employée dans la plupart des hypothèses de désignation d’un «mandataire ad hoc» (seuil d’impayés, procédure de liquidation par réunion des lots, conflit d’intérêts…) ou afin d’obtenir la désignation de l’«administrateur provisoire» visé par l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965. La même procédure peut, enfin, être employée pour la désignation des membres du conseil syndical lorsque l’assemblée n’y a pas procédé.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 666 de mars 2021 

Bien qu’ainsi rendue, la décision est susceptible de recours puisque, selon l’article 497 du CPCiv., les ordonnances sur requêtes peuvent être rétractées. Toutefois, si le même juge doit être saisi, sous peine d’irrecevabilité (3e civ., 19 mars 2020, n°19-11.323), il ne pourra rétracter son ordonnance selon la même procédure. Il devra, en effet, être saisi par voie d’assignation des défendeurs (2e civ., 7 janv. 2010, n° 08-16.486) selon la forme procédurale du référé, raison pour laquelle elle est appelée «référé-rétractation». La requête est alors examinée une nouvelle fois, dans les mêmes conditions, mais elle fait l’objet d’un débat judiciaire. Sera donc notamment vérifiée, à nouveau, la réunion des conditions de désignation du syndic (3e civ., 28 nov. 2012, n° 11-18.810) ou de l’administrateur provisoire (CA Aix, 14 mai 2020, n° 19/17811, CA Aix, 23 janv. 2020, n° 2019/71). C’est pourquoi il s’agit d’une procédure de référé spécial qui n’est pas soumise aux dispositions des articles 808 et suivants du CPCiv.

L’article 59 du décret de 1967 précise les conditions de l’action en rétractation de l’ordonnance rendue en application des articles 46 à 48 du décret (absence de syndic, etc.). Dans ce cas, l’ordonnance est notifiée dans le mois qui suit son prononcé aux copropriétaires qui ont seuls, qualité à agir en rétractation dans les quinze jours de cette notification. Ils n’ont alors pas à justifier d’un intérêt à agir (3e civ., 16 sept. 2003, n° 02-10.487).

Par ailleurs, l’article 62-5 du même décret précise des conditions différentes pour agir en rétractation de l’ordonnance rendue en application de l’article 62-1 du décret (administrateur provisoire en cas de difficulté du syndicat). Dans ce cas, «tout intéressé» peut en référer au juge ayant rendu l’ordonnance et ce dans un délai de deux mois à compter de sa publication.

Dans les deux cas, à défaut de notification, bien que l’ordonnance soit exécutoire au seul vu de la minute (art. 489 du Cpciv., 3e civ. 24 sept. 2014, n° 13-20.169), la demande pourra être formée sans condition de délai (CA Paris, 13 nov. 2013, n° 13/00300).

Dans tous les cas, si un appel devait être interjeté de la décision rendue sur assignation en rétractation de l’ordonnance, l’appelant devrait veiller à le diriger contre toutes les parties, l’ordonnance de rétractation étant indivisible au sens de l’article 553 du CPCiv. (3e civ., 11 déc. 2013, n° 12-22.735).

 

Pierre-Edouard Lagraulet

 

 

Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit