Copropriété : Conditions d’éligibilité des membres du conseil syndical
- par David Rodrigues, Juriste et Pierre-Edouard LAGRAULET, Docteur en droit
-
Affichages : 6223
Si l’on a déjà beaucoup écrit sur les prérogatives nouvelles du conseil syndical et de son président, il n’a pas encore été assez souligné l’évolution engendrée par une mesure en apparence anodine : la possibilité de désigner de nouvelles tierces personnes au syndicat des copropriétaires, non titulaire de droit réel, en qualité de membres du conseil syndical.
En effet, jusqu’à présent, outre les copropriétaires eux-mêmes, seul leur conjoint pouvait être membre du conseil syndical, ou désigné suppléant ainsi que le permet l’article 25 du décret du 17 mars 1967, en plus de quelques autres « personnes assimilées » aux copropriétaires que sont les associés de sociétés titulaires de lots, les fondés de pouvoir des personnes morales et leurs représentants légaux, les accédants à la propriété et les acquéreurs à terme. Cette liste était définie, dès « l’origine » du droit moderne de la copropriété et n’avait guère était modifiée depuis. Elle figurait alors à l’article 23 du décret du 17 mars 1967 qui fixait également les interdictions qui frappaient, en dehors de l’hypothèse du syndicat dit coopératif, le syndic, son conjoint et ses préposés. L’évolution est ainsi historiquement importante.
Par ailleurs, pour se rappeler l’évolution de la place du conseil syndical au sein du syndicat, il faut souligner que sa constitution n’était, jusqu’à la loi du 31 janvier 1985, qu’une faculté et non une obligation, sauf pour les syndicats dits coopératifs. Il n’avait pas été jugé utile lors de l’adoption de la loi de 1965 de l’imposer, notamment pour les «petites copropriétés groupant par exemple une dizaine de copropriétaires». Il était ainsi laissé à l’appréciation des rédacteurs du règlement de copropriété d’imposer ou non la constitution de cet organe qui avait pour large fonction d’assister et de contrôler le syndic. Son utilité démontrée dans la pratique, aura tout de même conduit le législateur à en imposer la constitution, en 1985, bien qu’il introduisît simultanément la possibilité de déroger à celle-ci à la majorité renforcée de l’article 26, notamment pour les petites copropriétés. Finalement, en plus de cette dérogation qui demeure, l’ordonnance du 30 octobre 2019 aura parachevé cette évolution pour ne plus imposer sa constitution pour les petites copropriétés, y compris de manière étonnante pour les syndicats dits coopératifs.
C’est la même loi de 1985 qui transféra le contenu de l’article 23 du décret à l’article 21 de la loi de 1965 afin de faire apparaître le conseil syndical dans une position plus « éminente ». Le législateur de 1965 s’était, pour sa part, contenté de « régulariser la pratique antérieure » en officialisant son existence et en lui donnant un nom qui fluctuait jusqu’alors, y compris avant 1938, entre conseil syndical, conseil de gérance et conseil de surveillance. La manière de légiférer venait de changer, et pour longtemps…. C’est ainsi que les réformes qui suivirent ne cessèrent pas de modifier l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 afin de préciser davantage les fonctions et le fonctionnement du conseil, au point de transformer, et c’est très révélateur, le bref article 21 de trois alinéas et soixante-douze mots, en un article de quatorze alinéas et de sept-cent-cinquante-neuf mots dans son ultime version en 2019. Ont alors été précisées ou ajoutées au gré des réformes des prérogatives du conseil et de son président, tels que les pouvoirs d’accéder aux documents de la copropriété, de contraindre le syndic à convoquer l’assemblée générale, etc.
C’est ainsi, à travers les réformes successives, que le conseil syndical, bien qu’il ne soit toujours pas doté de la personnalité morale, tend à devenir un organe décisionnaire du syndicat alors qu’il n’était à l’origine qu’un organe consultatif, parfois qualifié « d’organe-relais », chargé de préparer les décisions et surveiller l’activité du syndic. Il n’a certes aujourd’hui que peu de pouvoirs propres, il faut le souligner, mais il pourra tout de même exercer, si les copropriétaires le décident, de larges pouvoirs de l’assemblée générale. Cette faculté de délégation nouvelle, introduite à l’Article 21-1 de la loi, renforce ainsi le potentiel du conseil et sa place au sein du syndicat des copropriétaires. C’est pourquoi il est d’autant plus notable que des non-copropriétaires puissent être désignés membres du conseil syndical, et puissent en conséquence exercer les pouvoirs de l’assemblée générale selon ce mécanisme nouveau ou, plus ponctuellement, selon la délégation ancienne mais pérenne de l’article 25 a) qui ne lui est pas exclusive. Bien entendu, comme nous le verrons, les circonstances ont conduit à une limitation de cette extension à certains tiers, spécifiquement choisis. Néanmoins, la question qui se pose, maintenant, est de savoir jusqu’où cette évolution se poursuivra. C’est pourquoi nous présenterons dans un premier temps les apports de l’ordonnance du 30 octobre 2019 afin de préciser qui peut être membre du conseil syndical aujourd’hui (I) pour ensuite nous interroger sur les évolutions qui pourraient suivre, dans le sillon tracé par l’ordonnance du 30 octobre 2019 (II).
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 664 de décembre 2020
Acheter cette étude en version PDF
pour 4,99 € seulement sur edilaix.com