Copropriété : Le mauvais payeur

par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
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Avant de lancer les grandes manœuvres d’une procédure judiciaire en recouvrement de charges, avant de dilapider l’argent du syndicat en frais d’avocats, huissiers et autres honoraires “syndic”, s’impose d’abord une longue phase de recouvrement amiable. C’est la partie immergée de l’iceberg, le travail de l’ombre du syndic percepteur. La phase amiable est souvent couronnée de succès. Mais à quel prix ? Avant la belliqueuse assignation et la mise en branle de la justice, le syndic tentera un dernier coup de fil. L’appel de la dernière chance par acquis de conscience. 

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 677 d'avril 2022

Il y a le mauvais payeur «distrait», le tête-en-l’air, toujours le même. Il a la phobie administrative. Dilettante, il néglige ses affaires. Il se dit qu’après tout les autres vont payer, la communauté bienfaitrice. Il y a bien de l’argent qui dort quelque part, un fonds travaux ou un fond de caisse. Il dit avoir bien reçu votre lettre de mise en demeure, ce qui le chagrine d’ailleurs, mais prétend ne pas avoir reçu votre appel de fonds envoyé en lettre simple. Pourtant, c’était bien à la même adresse. La faute du facteur sans doute. Il demande aimablement si vous pouvez lui annuler les frais de relance. Allez, va pour cette fois. Il finira par vous payer, mais jamais la totalité, car il préfère les chiffres ronds et laisser subsister un reliquat. Être à jour lui est impossible. Le mauvais payeur distrait est sympathique. 

Il y a le mauvais payeur «invétéré». Celui qui trouve toujours quelque chose à redire, qui détecte la petite faille dans votre gestion. Il est la mauvaise foi caractérisée. Il arrive parfois à vous faire douter, car il est calme, écrit bien, s’exprime bien, plaide sa cause avec véhémence et contre-attaque. Il interprète le règlement de copropriété à sa guise et vous cite la partie de jurisprudence qui l’intéresse. Il refait tous vos calculs à sa manière et brouille les pistes. Oui car, en fin de compte, c’est vous le fautif. Il arrive à vous faire croire que vos comptes sont erronés et que vous devez les rectifier sur le champ sinon vous en pâtiriez. Le mauvais payeur invétéré est redoutable. 

Il y a le mauvais payeur «malchanceux». Celui à qui il arrive toujours une tuile et vous raconte ses malheurs dans le détail. Il n’est pas méchant, il fait juste pleurer dans les chaumières, parce que vous comprenez, son dernier dégât des eaux, ça lui a coûté cher. Il a perdu tous ses papiers dans l’inondation, son banquier lui fait des misères et sa femme a demandé le divorce. Certes, mais c’était il y a deux ans. Le coup d’avant, il était victime d’un cambriolage ; il bataillait encore avec son assurance. Je suis vraiment à sec vous comprenez. Ah bon ? Pourtant, vous étiez au ski la semaine dernière, vous avez encore la marque du bronzage. Les excuses sont inventives et bien ficelées, il aurait pu faire romancier ou dialoguiste. Il arrive parfois, à vous attendrir, voire à vous faire culpabiliser. Il finira par payer après huit mois de retard et dix relances téléphoniques, mais vous collera quand même un petit post-it sur le chèque histoire de râler une dernière fois. Le mauvais payeur malchanceux est chronophage. 

Heureusement, il y a aussi les bons payeurs, ceux dont on ne parle pas. Le bon payeur paye «rubis sur l’ongle». Mieux encore, il est en prélèvement automatique. Il n’a jamais de soucis, d’ailleurs il n’appelle jamais son syndic. Le bon et le mauvais payeur vivent sous le même toit, mais pas dans le même monde.

Gilles Fremont

Gilles Frémont, directeur copropriété