Copropriété : À mes débuts…

par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
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La tête dans le guidon et le nez dans les étoiles. Les années passent à une vitesse folle, on ne s’ennuie jamais dans notre métier. Une saison d’AG à peine terminée, voilà déjà la nouvelle. Je suis syndic, je n’ai pas le temps de me retourner, toujours dans l’action, toujours dans l’urgence. Il est pourtant précieux de prendre du recul parfois. Se souvenir du passé, c’est bon pour la mémoire. Les visages vous reviennent, on se laisse porter. Rétrospective. 

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 675 de janvier-février 2022

A mes débuts, je tapais beaucoup de courriers, j’écrivais des lettres bien tournées, il m’arrivait de les dicter, je collais mes enveloppes et remplissais le classeur des recommandés, une fiche par copropriété. A mes débuts, le téléphone sonnait toute la journée, je passais des heures à expliquer, et me faisais houspiller, cela, ça n’a pas vraiment changé. Je tapais le 12 pour les coordonnées des copropriétaires volatilisés, j’allais au fax comme on va à la machine à café. A mes débuts, on faisait la queue à l’ordinateur connecté, pour imprimer ses courriers électroniques (pardon ses mails) ; il n’y en avait qu’un par jour, ça n’a pas duré longtemps… si j’avais su. 

A mes débuts, on parlait loi SRU, adaptation des règlements de copropriété. Tiens, l’histoire se met à bégayer. Des officines avaient poussé, puis se sont en allées, moi je suis resté, avec mes vieux papiers, heureusement j’ai tout scanné. A mes débuts, on parlait souvent comptabilité, compte global et produits financiers, prorata temporis pour les charges à payer, on n’avait pas le pré-état-daté, mon contrat tenait sur deux feuillets, mandant, mandataire, durée, prix, travaux… terminé ; il était libre comme l’air, moi aussi. On pouvait discuter. 

 

A mes débuts, on parlait ascenseur et sécurité, audit, puis plan, puis travaux. Audit, plan, travaux… Tiens, ça me rappelle quelque chose. A mes débuts, on vendait les parties communes pour un euro, couloir, wc, combles à aménager. Maintenant on ne se fait plus de cadeaux. Vous voulez le palier ? Payez-le plein pot. A mes débuts, les assemblées commençaient la nuit tombée, après le souper, les présidents étaient grandiloquents, parfois endimanchés, moi je tremblais d’anxiété, dans mon bureau avant l’AG, je fumais la cigarette du condamné, le cendrier en presse-papiers. La photocopieuse tournait toute la journée, comme à l’usine de février à janvier, bourrages à volonté. 

A mes débuts, les paraboles fleurissaient sur les façades, on enchaînait les référés, l’antenne passait en TNT, on se battait avec Numéricâble® pour la télé, qui a d’ailleurs laissé là tous ses boîtiers, un jour faudra venir les récupérer. Ravalement I4, moquette dans l’escalier. La gardienne distribuait le courrier, et changeait les étiquettes du parlophone (pardon l’interphone), moi, je ne m’occupais pas encore des badges d’accès, ni des pass PTT. 

A mes débuts, je lisais déjà des méchancetés sur mon métier, dans les journaux ou les revues spécialisées, je n’avais pas le temps de m’en préoccuper, mais au fond de moi, c’est resté. A mes débuts, ma patronne m’a dit de me débrouiller, mon assistante m’a beaucoup aidé, certains présidents m’ont épaulé, d’autres m’ont enfoncé. L’essentiel est d’être toujours là à l’arrivée, heureux et motivé. Quelques figures sont encore là, un peu marquées comme moi, ensemble on a tout traversé. Finalement tout ceci n’est pas si vieux, une époque parmi tant d’autres, je suis loin d’être le plus âgé. J’apprends toujours de mes ainés, leur savoir est sacré. Peut-être un jour je transmettrai à mon tour, toutes ces richesses du métier et ses contours, aux derniers-nés, les futurs syndics de copropriété.

Gilles Fremont

Gilles Frémont, directeur copropriété