Copropriété : L'AG bourgeoise

par Gilles Frémont , Chronique assurée et rédigée par l’Association nationale des gestionnaires de copropriété
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Bienséance ne rime pas toujours avec élégance.

Distingué, il arrive, convocation sous le bras, enveloppe fermée. Veste kaki, foulard en soie nouée au col de chemise, la bourgeoisie discrète. Le genre qui vous envoie chaque année sa demande d’inscription le matin de la mise sous pli. Cheveux plaqués en arrière, Monsieur Crap s’approche de la feuille de présence, de son veston il sort un stylo platine, et néglige nonchalamment mon Bic fournisseur posé sur le table : «Ma mère est morte il y a trois ans, mais je la représente».

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 667 d'avril 2021

Allez c’est parti.

C’est une assemblée en présentiel, une vraie de vraie comme on les aime, invectives et intimidations. Je lui fais remarquer qu’il ne présente aucun pouvoir. Lui demander sa carte d’identité serait un outrage. «J’ai une procuration du notaire — A la bonne heure, sans vous offenser Monsieur, pourriez-vous nous la montrer ? — Bien sûr, elle est dans mon téléphone — Certes, est-il possible de la voir si cela ne vous dérange pas ? — Absolument, je vous l’envoie demain — Je comprends, mais l’assemblée générale c’est maintenant, pas demain». On ne verra pas la procuration, le président de séance fait notifier l’incident. Et Monsieur Crap de faire voter les morts. La grande classe. D’après la rumeur, le corps serait resté dix jours dans l’appartement, le temps d’évacuer meubles et chandeliers.

Question suivante : ratification de l’avance de trésorerie pour copropriétaire défaillant, 20 000 €. Oui, Monsieur Crap dans sa splendeur, a décidé de ne plus payer ses charges. Les finances de la copropriété sont exsangues. Le président me consulte: «Monsieur le syndic, nous n’avons pas le choix, c’est bien cela ? — Effectivement, sans cet argent, ce sera la cessation de paiement et l’administration judiciaire, à moins que Monsieur Crap, ici présent, ait la bonté de sortir son chéquier et nous faire un règlement, là, maintenant». Flegmatique, il répond à la saillie. «Ecoutez mon cher ami, la procédure est en cours, laissons les avocats faire leur travail». Sa voisine, excédée et trépignant sur sa chaise finit par l’accrocher : «Cela ne vous gêne pas de nous faire payer vos charges à votre place ? — Madame, ce n’est pas moi qui ait inscrit cette avance à l’ordre du jour». Elle fulmine : «Vous avez de la chance d’habiter avenue Victor, dans d’autres lieux on vous aurait réglé votre compte autrement — Serait-ce une menace Madame ? — Oui, c’en est une».

Je propose que nous passions à la question suivante ? Occupation de la cour. Monsieur Crap gare son véhicule et sollicite un droit de jouissance. Le Président s’énerve: «Cette cour n’est pas un parking, je m’y oppose formellement, et je vous somme de l’enlever sur le champ — Mais qui êtes-vous pour donner des ordres, ma voiture restera là». La tension monte. «Et bien, je vous crèverai les pneus — Et moi, je vous assignerai — Vous n’êtes qu’une ordure !»...

On avait dit bienveillant.

Gilles Fremont

Gilles Frémont, directeur copropriété / Président ANGC

 

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