Copropriété : Le contrôle des comptes

par Gilles Frémont , Chronique assurée et rédigée par l’Association nationale des gestionnaires de copropriété
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Mon poste sonne, c’est mon comptable : «Gilles, c’est bon ! Ils ont terminé. Ils ont quelques questions à te poser».

Cette petite phrase anodine me fait toujours frémir, comme l’impression d’être convoqué chez le juge : que vont ils me demander ?
Les charges URSSAF, ce n’est pas grande passion ; les avoirs EDF, j’ai du mal à suivre ; les compteurs divisionnaires, j’ai jeté l’éponge.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 666 de mars 2021 

Celui qui est venu vérifier les comptes ce matin, comme chaque année, le même jour à la même heure, c’est Monsieur Pinsec, un ancien limier du fisc à la retraite, tempes grisonnantes, lunettes cul de bouteille et casquette à carreau. Il en a fait tomber plus d’un durant sa longue carrière au ministère ; maintenant il s’occupe de son immeuble, et donc de son syndic. À la grande époque des frais de photocopies, il passait des heures à décompter le nombre de feuilles par copropriétaire qu’on avait envoyées durant l’année ; il recalculait les formules d’indexation du contrat “cafards”. Il pouvait rester toute la journée sans boire ni manger, mon comptable se ramenait un sandwich pour le déjeuner. Monsieur Pinsec ne venait pas seul, il était accompagné de Madame Plantus, silencieuse et docile ; elle acquiesçait, à part lui tourner les pages, je me suis toujours demandé ce qu’elle faisait là.

«Bonjour Pinsec, comment allez-vous ? Tout s’est bien passé ?» ; j’essaye de sympathiser, mais visiblement quelque chose le contrarie. Le relevé général des dépenses est noirci de notes, un bon paquet de factures est en travers du tas, le rapprochement bancaire est chiffonné, je sens que Monsieur Pinsec va me suriner. «Monsieur Frémont, tout s’est bien passé, asseyez-vous je vous en prie». Je prends place à l’autre bout de la table ; je dis à mon comptable de ne pas trop s’éloigner.

«Dites-moi, vous avez acheté combien de badges Vigik ? Il y en a quand même pour 150 € là !» — «Oui mais ne vous inquiétez pas, je vais les revendre un par un et écouler le stock, le syndicat sera remboursé au fur et à mesure, au pire sur deux exercices» — «Autre chose, Monsieur Rama continue de brancher son énorme scooter électrique sur la prise du ménage dans le parking, avec sa rallonge, je vous avais pourtant prévenu ; vous lui avez écrit ? Il a menacé la gardienne, cet individu se croit tout permis. Il est hors de question de lui faire le moindre cadeau. Vous allez donc lui imputer une partie de la consommation des communs, vous n’avez qu’à lui mettre un forfait de 400 €, ça lui fera les pieds» — «Mais Monsieur Pinsec, on ne peut pas se faire justice à soi-même !» — «Oh, vous avez bien une petite clause d’aggravation des charges qui traîne dans le règlement de copropriété ?» — «Certes, mais ce n’est pas comme ça que ça marche». Monsieur Pinsec devient tout rouge ; Madame Plantus ne dit rien. Je crois qu’on a fini. Il est temps de plier les gaules. Je salue mes visiteurs. Et n’oubliez pas d’éteindre la lumière en sortant.

Gilles Fremont

Gilles Frémont, directeur copropriété / Président ANGC

 

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