Copropriété : le revenant

par Gilles Frémont , Chronique assurée et rédigée par l’Association nationale des gestionnaires de copropriété
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Il est des histoires étranges en copropriété, je dirais même... inimaginables.

On est gestionnaire ; on se réveille tous les matins comme Monsieur Toulmonde, on part travailler, masque sur le nez, à pied, à vélo ou en métro ; on se dit que pour une fois, on aura peut-être une journée normale, une journée sans rebondissement, sans agitation.

Et puis non.

article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 663 de novembre 2020

Ce matin, j’ai reçu un coup de fil ; un coup de fil de la part d’un copropriétaire. Il me rappelait, bien tranquillement, après quinze ans d’absence, quinze longues années d’un silence radio absolu. Pas de son, pas d’image. Le néant. En lui parlant ce matin-là, je croyais entendre un fantôme, je me pinçais. Sans nul doute, je faisais face à un revenant. A vrai dire, je pensais qu’il était mort, mais les accusés de réception de mes convocations d’assemblée générale et autres notifications de PV me revenaient toujours signés. Les autres copropriétaires, intrigués, me demandaient de temps en temps si j’avais des nouvelles ; l’histoire était devenue un mythe dans l’immeuble ; un rituel des questions diverses de fin d’assemblée générale. L’homme mystère. Moi seul l’avait connu. Il était propriétaire d’un petit studio inoccupé, laissé à l’abandon. Je l’avais croisé une fois à mes débuts, lors d’un ravalement délicat ; il avait profité du piochage pour changer ses fenêtres. Ensuite, il avait payé par virement une grosse partie de ses charges longtemps à l’avance, son compte était largement créditeur, je me contentais de surveiller l’évolution de son solde une fois l’an. Il était repassé dans le rouge depuis quelques temps.

«Bonjour Monsieur Frémont, ah c’est toujours vous le gestionnaire, bon tant mieux. Dites-moi, je viens de rentrer de Nouvelle-Zélande, j’ai des problèmes avec mon courrier, j’ai fait un saut à l’immeuble et je viens de voir que mon appartement avait été refait à neuf, par contre je n’ai plus de cuisine ni de fenêtres, et la serrure a été changé. Vous savez ce qui s’est passé ? »

- «Oui Monsieur, l’immeuble a brûlé en 2018, votre appartement au départ du feu a entièrement cramé, il n’y avait plus de murs ni de portes, calcinés, nous l’avons refait en même temps que le reste, payé par l’assurance de l’immeuble. L’affaire a duré deux ans. En revanche, on n’allait peut-être pas non plus vous refaire la cuisine super-équipée et les fenêtres double vitrage. Je vous ai écrit un tas de courriers à l’époque ; je vous ai laissé des messages ; je vous ai envoyé des mails. Vous me confirmez d’ailleurs que c’est la bonne adresse, et le bon numéro

- «Ah ok, vous me rassurez, bon ben merci de vous en être occupé en tous cas, c’est sympa»

- «Mais de rien Monsieur, je suis content de vous revoir parmi nous ; toutefois ce qui serait sympa maintenant c’est de payer vos charges, vous devez 4 000 euros»

- «Mais bien sûr ! Je vous fais ça ce soir». Et j’ai raccroché. Si ce métier n’existait pas, il faudrait l’inventer.

Gilles Fremont

Gilles Frémont, directeur copropriété / Président ANGC

 

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