[N°660] L'incendie

par Marieke de Daran, chronique assurée et rédigée par l’Association nationale des gestionnaires de copropriété
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Mardi, 21 h, l’assemblée générale s’achève sous de timides applaudissements.
Les copropriétaires sortent le champagne pour fêter la fin de gros travaux. C’est bon quand ça s’arrête.
Séquence cocktail mondain : on se fait des compliments, on se dit merci. On apprécie cet instant de grâce. Mais je suis claquée. J’ai hâte de rentrer chez moi pour un bon dîner, écroulée dans mon canapé.
Sur le chemin du retour, j’aperçois des gyrophares qui balayent la nuit. Police, pompiers, véhicules “Urgence Gaz”. Que se passe-t-il encore ? J’espère qu’il n’y a rien de grave mais plus je m’approche, plus je me dis que c’est pour ma pomme.

Oui, le gestionnaire a une sorte de sixième sens. Un pompier range son matériel, je me gare, bingo : c’est un de mes immeubles !

Incendie volontaire dans un parking, une énorme fumée, des images retransmises sur BFM TV. Je m’approche doucement du capitaine, la flûte de champagne est un souvenir. D’une voix rauque, le capitaine me fait son briefing : «Pas de blessés à déplorer, que des dégâts matériels heureusement. L’électricité a sauté et l’immeuble est plongé dans le noir. Plus de chauffage, plus d’eau non plus. Tout a été coupé par mesure de sécurité, le courant ne sera remis qu’après le passage de l’électricien pour vérifier l’installation. Ah oui j’oubliais, des occupants sont bloqués dans l’ascenseur et on a défoncé la porte du garage».

Ok, c’est à moi de jouer là maintenant, c’est ça ? Pas le temps de tergiverser, je regarde ma montre. Il est 22h et je dois trouver un électricien. Je dégaine mon téléphone sous l’œil septique du pompier. Ça sonne, mon électricien répond : «Je vous envoie quelqu’un dans 10 minutes». Je raccroche, l’air serein je regarde le capitaine : «Ça va, il arrive ne vous inquiétez pas, je gère». Oui, je sais, j’en rajoute un peu. On rentre dans l’immeuble, ça sent fort la suie, tout est noirci, ça pique les yeux, on progresse dans les gravats, lampes de poche... Les tableaux électriques sont indemnes mais ils sont derrière la porte coupe-feu. Evidemment, je n’ai pas la clé. Deuxième coup de fil pour le serrurier qui déboule à son tour. Enfin, troisième coup de fil pour une fuite, le plombier d’astreinte débarque. Il est minuit : les pompiers sont partis, les journalistes aussi. Je rassure les copropriétaires curieux descendus voir les dégâts : «Tout va bien Monsieur, je gère».

Quelques fenêtres se rallument, la vie reprend son cours, je rentre chez moi, il est 1h du matin. Demain, j’aurai beaucoup de travail, je reviendrai avec l’expert et j’ouvrirai un dossier sinistre. On le refermera dans deux ans, mais d’abord ce soir je vais dormir un peu, avec la satisfaction du devoir accompli, et le petit sentiment d’être un héros.

Marieke De Daran

 Marieke de Daran
Responsable Service Copropriétés /Déléguée région Ouest ANGC

ANGC

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