Le vente d’une partie du parc HLM conduit à une mise en copropriété d’immeubles collectifs et à une cohabitation des statuts d’occupation.
Vendre 1 % du parc de logements HLM chaque année, soient 40 000 logements par an, pour pouvoir en financer de nouveaux, tel est l’objectif fixé par la loi ELAN du 23 novembre 2018 aux bailleurs sociaux. Dans ces immeubles, les locataires côtoient les nouveaux copropriétaires, qu’il s’agisse d’anciens locataires ou de nouveaux acquéreurs venus du parc privé. Mais quels sont les enjeux propres à la gestion et au fonctionnement social de ces copropriétés ? A quels problèmes particuliers sont-elles confrontées ?
L’Institut de droit public, sciences politiques et sociales (IDPS) a publié en mars 2025 une recherche qui apporte des réponses à ces questions (Vente HLM et copropriétés mixtes : gestion et fonctionnement social, C. Devaux, R. Habouzit, M. Cordier et S. Le Garrec). Cette étude porte sur quatre copropriétés de logements collectifs issus de ventes HLM dans trois agglomérations différentes : Angers, Nancy, Cergy et Pontoise. Les ventes ont été initiées en 2010 et entre 48 et 76 % de logements sont vendus au bout de dix ans dans les résidences étudiées.
Peu de locataires achètent leur logement
L’étude constate que très peu de locataires des logements HLM peuvent ou souhaitent se porter acquéreurs du logement qu’ils occupent. Se sentant exclus de la vente ou s’en excluant eux-mêmes, ils la vivent comme un déclassement puisqu’ils n’ont pas eu accès à cette possibilité. Cela ne signifie cependant pas que la vente HLM ne profite pas aux locataires du parc social puisque des locataires d’autres immeubles HLM peuvent également acheter. Ces acquéreurs peuvent représenter jusqu’à un quart des logements vendus. Le principal frein empêchant la vente de logements HLM à leurs locataires est essentiellement lié à l’accès au crédit. Les locataires en place occupent des emplois peu rémunérés. L’âge motive aussi l’exclusion. En effet, les organismes HLM privilégient la vente de logements bien situés pour faciliter la commercialisation, or les locataires HLM y sont souvent ancrés et âgés, ce qui constitue un obstacle au crédit.
Un accompagnement insuffisant par les organismes HLM
L’accompagnement des ménages n’est pas toujours optimal. En effet, l’organisme HLM est davantage centré sur la recevabilité des dossiers d’achat que sur l’explication du fonctionnement de la copropriété. Cela se traduit par des difficultés de compréhension des nouveaux copropriétaires lors des assemblées générales. L’étude a également pointé plusieurs copropriétés ne disposant pas de conseil syndical.
Par ailleurs, les besoins en travaux de l’immeuble sont insuffisamment appréhendés, même si les acquéreurs sont globalement bien informés du montant des charges courantes et de la taxe foncière. Certains ménages ont dû revendre le logement qu’ils avaient acheté en raison de coût des travaux. Enfin, les locataires qui n’ont pas accédé à la propriété et restent en place témoignent d’un désengagement de leur propriétaire bailleur, comme le retrait des gardiens ou le dysfonctionnement des services d’entretien.
Quand l’organisme HLM devient syndic
Lors de la transformation de l’immeuble d’habitat social en copropriété, l’organisme HLM change de catégorie. En effet, bien souvent il joue le rôle de syndic et se voit confronté aux mêmes difficultés que ce dernier : turn-over, problème de formation et de recrutement, d’autant que ces immeubles nécessitent un service particulier en raison de la typologie du bâtiment. Rappelons, en effet, que le bailleur HLM peut continuer à gérer la résidence pendant la commercialisation des logements, laquelle est étalée dans le temps. La mise en copropriété peut être différée pendant dix ans après la dernière vente (art. L. 443-15-5-1, Code de la construction et de l’habitation). Au cours de cette période, le bailleur va gérer l’immeuble et prendre en charge l’entretien des parties communes, du chauffage, de l’ascenseur et des espaces verts. Six mois au minimum avant la date du transfert, les nouveaux propriétaires et locataires sont avertis par courrier recommandé. Cette règlementation a pour but de garantir les intérêts des nouveaux copropriétaires. En effet, l’organisme HLM vendeur a, en tant qu’ancien propriétaire et gestionnaire unique, une bonne connaissance de ces immeubles. Par ailleurs, le fait que l’organisme HLM devienne syndic permet d’assurer une certaine continuité, les nouveaux copropriétaires, anciens locataires de l’organisme HLM vendeur, conservant le même interlocuteur.
Toutefois, l’organisme HLM peut renoncer à la fonction de syndic. De plus, les copropriétaires autres que l’organisme HLM, dès lors qu’ils représentent au moins 60 % des voix du syndicat, peuvent décider de recourir à un autre syndic. L’étude reconnait que l’engagement dans la gestion des copropriétés est loin d’être anodin pour les organismes HLM vendeurs. En effet, cela implique d’investir des rôles inédits de syndic, de copropriétaire pour les appartements restant la propriété de l’organisme, ou même de conseiller syndical. Ces changements pèsent sur les capacités de l’organisme qui doit également continuer à assurer la gestion locative, dont la plupart des locataires disent qu’elle se dégrade.
Pour que la transition entre logement HLM et copropriété soit plus fluide, l’étude suggère notamment de concevoir un cahier des charges de diagnostic technique global adapté à la longue temporalité des ventes HLM, en prenant par exemple appui sur le référentiel établi par l’Agence parisienne du climat et ses partenaires dans le cadre de l’accompagnement de la transition écologique. Il pourrait également être imaginé un abondement de la quote-part du fonds travaux attaché au lot de la part du bailleur à la place d’une décote sur le prix du logement. Enfin, il faut que la qualité de la gestion locative ne se dégrade pas pour que les locataires n’aient pas le sentiment d’être des occupants de «seconde zone».