Comprendre le fonctionnement des copropriétés pour mieux les gérer

par Nathalie Coulaud, Journaliste
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Habitants devant un immeuble – illustration du fonctionnement des copropriétés
©Meizhi LANG

Les chercheurs du PUCA montrent que des erreurs du passé n’ont pas toujours servi de leçon.

Avec plus de 10 millions de logements, soit un tiers du parc de logements en France, les copropriétés sont souvent abordées par le biais de la réglementation ou de leur gestion et restent peu explorées au niveau des sciences sociales. D’un point de vue sociologique, comment fonctionnent-elles ? Comment les habitants s’organisent-ils pour arriver à résoudre leurs problèmes ? Comment les copropriétés peuvent-elles participer à la transition vers une ville plus durable ?

Pour répondre à ces questions, le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA) a lancé des recherches en 2021 et en a dévoilé les résultats le 2 juillet 2025. Plusieurs thèmes précis avaient été sélectionnés comme les mutations contemporaines du métier de syndic, les conséquences sociales et spatiales du vieillissement dans les copropriétés horizontales des années 1970 à Toulouse et Bruxelles ou encore l’organisation ou le sens de l’engagement des syndics bénévoles. L’Ouest de la France était également à l’honneur puisque les quartiers durables à Nantes, mais aussi la copropriété dans les villes de la reconstruction comme Saint-Nazaire ont été étudiées. Enfin, une des recherches portaient sur la façon de développer une «communauté habitante» au sein des copropriétés avec des espaces partagés.

L’anticipation des travaux n’est pas toujours facile

Premier constat, les copropriétés s’organisent différemment en matière de gouvernance et en matière de travaux, alors que ces derniers deviennent de plus en plus pressants. L’ANAH estime, en effet, que 1,5 million de logements en copropriété portent l’étiquette F ou G et vont devoir être rénovés. L’investissement des copropriétaires dans la gestion varie de façon importante selon les motivations : comme l’intérêt collectif, la fierté de projet, la réalisation d’économies… «Mais c’est une réalité qui s’impose parfois aux copropriétaires et ils doivent faire face en trouvant des solutions», explique David Rodrigues, responsable juridique à l’association Consommation Logement Cadre de vie (CLCV). Autrement dit, l’anticipation est rare et les réactions dans l’urgence fréquentes. Dans les copropriétés les plus volontaristes, émerge parfois la figure d’un profil copropriétaire-syndic bénévole avec parfois de bons résultats en matière d’entretien. Les recherches ont montré que les copropriétés de moins de huit lots sont essentiellement concernées par ce type de gestion. Quelques grandes copropriétés franciliennes, notamment à Marly-le-Roi, sont gérées par des syndics bénévoles de type coopératif, c’est-à-dire avec un conseil syndical fonctionnant de la même façon que le conseil d’administration d’une entreprise. Mais ce type de gestion reste exceptionnel. De manière générale, on a peu d’information sur les copropriétés qui ne sont pas gérées par des syndics professionnels. Les chercheurs du PUCA ont estimé à environ 80 000 le nombre d’immeubles gérés de façon bénévole, soit un immeuble sur dix. Dans certains cas, les copropriétaires refusent les travaux, soit parce qu’ils estiment que ces derniers sont trop coûteux, soit parce qu’en dépit des apparences, ils estiment que l’immeuble n’a pas besoin de travaux. «On peut même parler d’un déni de travaux» complète Sylvaine Le Garrec, sociologue.

Attention de ne pas demander trop à la copropriété

Deuxième constat, pour essayer d’améliorer la cohabitation entre tous les habitants d’une copropriété dont les âges, les objectifs et les moyens financiers diffèrent, les promoteurs et les architectes développent souvent des espaces communs, comme des jardins partagés. Une copropriété a même mis en place des «chambres d’hôtes», c’est-à-dire des chambres appartenant à la copropriété et permettant aux copropriétaires de recevoir des amis ou de la famille. Le but est de créer du lien. Pour autant, que ce soit à Nantes où les copropriétés construites dans les quartiers durables proposent ce type d’équipement ou encore à Strasbourg, ce type d’initiative ne fonctionne pas forcément. Ces espaces restent souvent inutilisés, les copropriétaires présents ne parvenant pas ou n’ayant pas la volonté de se les approprier. Ils se dégradent progressivement ou créent des conflits d’usage. Et, dans bien des cas, pour construire des appartements supplémentaires, les promoteurs suppriment ces différents espaces pour créer des locaux privatifs. Ces espaces interrogent sur le rôle qu’on veut donner aux copropriétés. En effet, ont-elles seulement pour fonction de loger les habitants et une valeur patrimoniale pour les propriétaires ? Ou bien ont-elles un rôle à jouer dans la communauté en construisant les échanges ? « Attention de ne pas trop demander aux copropriétés, elles ne peuvent pas tout gérer » ont rappelé certains chercheurs du PUCA.

Les erreurs sur les copropriétés neuves ne sont pas corrigées

Troisième constat, les copropriétés neuves sont parfois membres d’ensembles juridiques complexes. Une même copropriété peut ainsi être incluse dans plusieurs ASL (association syndicale libre) : l’une pour la gestion de la voirie d’une venelle qui dessert les immeubles, une autre pour les espaces partagés et une dernière pour le chauffage. Or, on l’a vu avec les copropriétés en difficulté construites dans les trente glorieuses, l’appartenance à des structures complexes fragilisent la gestion des immeubles. Les spécialistes des copropriétés en difficulté commencent généralement par rediviser des ensembles en des sous-groupes autonomes, plus facilement gérables. Les erreurs du passé ne semblent donc pas avoir été prises en compte dans les copropriétés récentes.

 

Enfin, tous les chercheurs constatent que la puissance publique intervient de plus en plus dans les copropriétés alors qu’elle se l’interdisait il y a encore quelques temps. L’intervention se fait notamment par le biais de Programme opérationnel de prévention et d’accompagnement des copropriétés (POPAC) qui permet aux collectivités locales d’accompagner les copropriétés pour éviter l’accentuation de leurs difficultés. 

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