Copropriété | La demande en injonction de payer doit-elle être précédée d’une tentative amiable ?

par Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
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Copropriété | Pierre-Edouard Lagraulet
©Sébastien Dolidon / Edilaix

Selon l’art. 750-1 du Code de procédure civile (CPC), à peine d’irrecevabilité, toute demande qui tend au paiement d’une somme d’argent de moins de 5000 € doit, malheureusement en matière de charges de copropriété, être précédée d’une tentative amiable de règlement du litige. Cet article prévoit néanmoins une série d’exceptions, dont une pourrait correspondre à la demande en injonction de payer.

Quelques médiateurs soutiennent cependant que cette obligation s’imposerait également à la demande en injonction de payer devant le tribunal judiciaire. L’argument repose sur une analyse littérale, et à notre sens erronée, d’une combinaison d’articles du Code de procédure. Il est en effet soutenu que l’article 1407, qui précise le contenu des requêtes, renvoie à l’article 57, lequel précise qu’elle doit contenir les mentions visées par l’article 54. Or, ce dernier impose une mention relative à la tentative amiable. Il en est tiré une prétendue obligation d’y procéder.

Pourtant, l’article 54 du CPC précise que l’obligation de la mention relative à la tentative amiable n’a lieu que «Lorsqu’elle doit être» faite, ce qui suppose déjà que ce n’est pas toujours le cas. En outre, même si c’était le cas, il peut être indiqué, selon la lettre de cet article, «la justification de la dispense d’une telle tentative».

Or, précisément, en matière gracieuse, l’article 750-1 a prévu une dérogation au caractère obligatoire de la tentative amiable. En effet, le 3° de l’article 750-1 précise qu’est un motif légitime de dérogation à l’obligation de tentative amiable l’exercice d’une procédure non contradictoire.

La chancellerie, au lendemain du décret ayant modifié l’article 750-1 le précisait explicitement, ce qui doit permettre de lever le doute sur cette question : «Le décret réformant la procédure civile définit la notion de «motif légitime». Le demandeur peut invoquer un tel motif : - (…) lorsque la décision sollicitée doit être prise au terme d’une procédure non contradictoire (une ordonnance sur requête ou une injonction de payer par exemple)» (DACS, Réforme de la procédure civile, déc. 2019).

En outre, on soulignera que si le défaut d’exécution de la tentative amiable, lorsqu’elle est obligatoire, est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande. Différemment, le simple défaut de mention au titre de l’article 54 du CPC n’est, lui, sanctionnée par la nullité de l’acte que si un grief est fait au défendeur (art. 114 CPC), ce qui est rarement le cas. Il convient donc de ne pas tout mélanger…

Enfin, et quoi que l’argument soit très formel, on relèvera que le CERFA de demande en injonction de payer (n° 12948*06) ne comporte aucune place spécifique pour préciser si la demande est précédée ou non d’une tentative amiable, et pas un mot n’est formulé à ce propos dans la notice explicative (n° 51156#10).

Il ne paraît donc pas nécessaire en la matière d’être plus royaliste que le roi.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 709 de juin 2025