Copropriété | Mandataire ad hoc et conflit d’intérêts entre copropriétaires

par Pierre-Edouard Lagraulet, Docteur en droit, avocat au barreau de Paris
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Généralités. - L’article 54 du décret du 17 mars 1967 prévoit une procédure assez méconnue, visant à la désignation d’un «mandataire ad hoc».

Ce dernier ne doit pas être confondu avec celui pouvant être désigné pour établir un rapport sur la situation d’un syndicat en difficultés financières, visé à l’article 29-1 A de la loi du 10 juillet 1965, ni avec celui qui peut être désigné afin de procéder aux opérations de liquidation du syndicat dissout visé par l’article 46-1 du même texte.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 708 de mai 2025

Il ne doit pas être, non plus, confondu avec celui pouvant être désigné en cas d’engagement de l’action ut singuli de plusieurs copropriétaires contre le syndic, en exécution de l’article 15 de la loi.

Il ne doit enfin pas être confondu avec le cinquième et dernier mandataire ad hoc pouvant être désigné, en cas de conflit d’intérêts entre le syndicat et le syndic, qui aurait un lien avec le constructeur de l’immeuble avec lequel le syndicat serait en litige, ainsi que le prévoit l’article 56 du décret.

Ici, le mandataire ad hoc dont il est question sera, exclusivement (CA Aix-en-Provence, 13 juin 2013, n° 12/14119), désigné en vue d’éviter un conflit d’intérêts entre copropriétaires dans le cadre d’une instance pouvant avoir des conséquences su la répartition des charges !

 

Champ d’application.- Sa désignation doit en effet avoir pour but de prévenir les conflits d’intérêts pouvant exister, «Chaque fois qu’une action en justice intentée contre le syndicat a pour objet ou peut avoir pour conséquence une révision de la répartition des charges». La désignation du mandataire pourra ainsi être envisagée dans les hypothèses où un copropriétaire tentera de faire réviser une quote-part déséquilibrée de plus d’un quart (art. 12, L. 1965), de faire fixer judiciairement les charges (art. 11 et 42, L. 1965) ou agira en suppression d’une clause illicite (art. 43, L. 1965) ou contestera la décision d’assemblée générale modifiant les charges. 

L’idée est que le syndic, représentant le syndicat assigné, ne pourra parfaitement représenter tous les «courants» de copropriétaires, raison pour laquelle la désignation d’un tiers peut être souhaitable.

 

Qualité à agir.- La procédure permet à tout copropriétaire, ainsi qu’au syndic, d’agir en désignation du mandataire ad hoc. Celui qui la demande devra démontrer l’existence du conflit d’intérêts, qui ne se présume pas (CA Aix-en-Provence, 19 av. 2012, n° 11/15023).

 

Juridiction compétente.- La demande doit être faite par requête au président du tribunal judiciaire. La procédure ne sera donc pas contradictoire. Une fois désigné, tous les actes de procédure devront être adressés au mandataire ad hoc. La procédure n’est pas inutile car elle pourrait permettre d’éviter des tentatives d’opposition au jugement emportant modification des charges, de la part des copropriétaires n’ayant pas eu la qualité de partie à la procédure (voir néanmoins, même en l’absence de désignation du mandataire : CA Metz, 18 oct. 2016, n° 14/03579) !

Pierre-Edouard Lagraulet / ©Sebastien Dolidon / Edilaix

Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
©Sébastien Dolidon / Edilaix