11.- Licenciement.- Faute grave (oui).- Accusations mensongères

par Joël COLONNA & Virginie RENAUX-PERSONNIC, Maîtres de conférences, Aix-Marseille Université
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CA Paris, pôle 6, ch. 3, 10 mai 2023, n° 20/02027

Un arrêt juge fondé sur une faute grave le licenciement d’une concierge à laquelle il était reproché d’avoir diffusé dans la copropriété des courriers dans lesquels elle portait des accusations mensongères envers le syndic et un membre du conseil syndical. L’arrêt relève qu’il est établi que la salariée portait à l’encontre de ce dernier des accusations véhémentes et injustifiées lui imputant notamment des propos racistes, qu’elle avait également proféré des insultes et menaces à l’encontre du gestionnaire de l’immeuble et adopté une attitude impertinente et irrespectueuse à son égard, lui disant «allez-vous faire foutre et lui faisant un doigt d’honneur». 

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Pour contester son licenciement, la salariée invoque deux séries d’arguments. Elle soutient, en premier lieu, que son licenciement est entaché de nullité en ce qu’il porte atteinte à sa liberté d’expression. Elle prétend qu’elle n’a fait que dénoncer un harcèlement moral dont elle s’estimait victime et que cela ne peut constituer un abus de la liberté d’expression. On rappellera que, sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression (Cass. soc., 22 juin 2004, n° 02-42.446) et que tout licenciement prononcé en violation de cette liberté, qui constitue une liberté fondamentale, est entaché de nullité (C. trav., art. L. 1235-3-1). La cour rejette cependant cet argument au motif que ce qui est reproché à la salariée n’est pas d’avoir dénoncé un harcèlement moral – non établi en l’espèce – mais d’avoir informé tout l’immeuble, copropriétaires et occupants, en leur remettant copie des courriers qu’elle avait adressés à son employeur et relatant ses différends avec celui-ci, ainsi qu’avec un membre du conseil syndical, sans démontrer la véracité des accusations proférées. Les juges en concluent que ces propos, qui semblent avoir pour but de créer une ambiance délétère dans l’immeuble, ne peuvent relever de la liberté d’expression.

La salariée invoque, en second lieu, pour exclure la faute grave, sa longue ancienneté. Là encore, l’argument est rejeté en raison des nombreux incidents qui ont émaillé la relation de travail pendant toute sa durée, notamment ses rapports conflictuels avec de nombreux copropriétaires.