03.- Maladie non professionnelle.- Absence prolongée.- Licenciement.- Perturbation.- Nécessité du remplacement définitif

par Joël COLONNA et Virginie RENAUX-PERSONNIC, Maîtres de conférences, Aix Marseille Université
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CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 14 janvier 2022, n° 18/00125

CA Aix-en-Provence, 4e et 6e ch. réunies, 11 février 2022, n° 18/09851

CA Aix-en-Provence, 4e et 1re ch. réunies, 8 avril 2022, n° 18/16376

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 681 de septembre 2022

Si le licenciement d’un salarié en raison de son état de santé constitue une discrimination prohibée par l’article L. 1132-1 du Code du travail, cette règle n’interdit pas de licencier un salarié en arrêt de travail pour maladie non professionnelle dès lors que le licenciement n’est pas motivé par l’état de santé du salarié mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées de ce dernier (Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-40.110). En d’autres termes, le licenciement est admis mais il est subordonné à la double condition, que l’absence prolongée ou les absences répétées de l’intéressé perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise, et que ces perturbations rendent nécessaire son remplacement définitif. L’employeur doit donc prouver qu’il ne peut recourir à un intérimaire ou à un salarié recruté par contrat à durée déterminée pour pallier l’absence du salarié. En conséquence, il n’y a remplacement définitif que si l’employeur embauche par contrat de travail à durée indéterminée un autre salarié à une date proche du licenciement du salarié absent ou dans un délai raisonnable après celui-ci, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement. 

Plusieurs décisions témoignent de l’actualité de ce contentieux auquel sont régulièrement confrontés les gestionnaires de copropriété. 

Ainsi, dans un arrêt du 14 janvier 2022, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a retenu, au terme d’une analyse concrète de la situation, l’existence d’une perturbation dans le fonctionnement de la copropriété causée par l’absence prolongée du salarié et la nécessité de son remplacement définitif, intervenu dans un délai raisonnable. Elle en a conclu que le licenciement était justifié. 

 

L’arrêt relève, en effet, que :

seul salarié d’une copropriété comportant deux-cents logements à s’occuper du ramassage des poubelles, l’employé d’immeubles absent depuis plus de trois mois exerçait une mission spécifique essentielle au maintien des conditions d’hygiène ;

l’employeur justifiait de l’impossibilité de procéder au remplacement temporaire de l’intéressé, la lourdeur de la tâche n’ayant pas permis au gardien de la copropriété sollicité en urgence pour assurer cette fonction, puis à l’entreprise extérieure à laquelle il avait ensuite été fait appel, d’exercer cette mission dans la durée ;

l’employeur avait procédé au recrutement définitif d’un nouveau salarié en remplacement de l’intéressé dans les trois semaines suivant son licenciement.

 

Deux autres arrêts de la cour d’Aix-en-Provence s’arrêtent sur la notion de remplacement définitif dont, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, ils retiennent une conception extrêmement restrictive. 

Le premier, du 11 février 2022, concerne un gardien-concierge, placé en arrêt de travail pour maladie depuis quarante-trois mois et licencié en raison des dysfonctionnements que son absence prolongée avait provoqués dans la copropriété et de la nécessité de procéder à son remplacement définitif. Or, le syndicat des copropriétaires avait fait appel pour remplacer le salarié licencié à un prestataire de services qui avait repris l’ensemble de ses missions et les avait confiées à ses propres salariés à la disposition desquels la copropriété avait mis le logement de fonction de l’intéressé, et ce, dans un délai raisonnable après sa libération par ce dernier. 

 

Affirmant que seul peut constituer un remplacement définitif un remplacement entraînant l’engagement d’un autre salarié par contrat à durée indéterminée, et non le recours, même non provisoire, à une entreprise de prestation de services (V., en ce sens, Cass. ass. plén., 22 avr. 2011, n° 09-43.334), la cour décide que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

 

Le second arrêt, rendu le 8 avril 2022, précise que le recrutement d’un salarié par contrat à durée indéterminée ne suffit pas à établir la nécessité du remplacement définitif. L’employeur doit en rapporter la preuve.

 

En l’espèce, un gardien en arrêt maladie depuis le mois de février 2016 a été licencié, en juin 2017, au motif que, l’organisation d’un remplacement temporaire s’avérant difficile compte tenu de la charge de travail, il était nécessaire de procéder à son remplacement définitif. L’employeur établissait qu’il avait, dès le mois d’avril 2016, recruté un salarié intérimaire par plusieurs contrats de mission successifs et qu’il l’avait, ensuite, engagé définitivement par contrat à durée indéterminée en juillet 2017.

 

Les juges estiment, néanmoins, que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Ils reprochent à l’employeur de ne pas démontrer que le remplacement provisoire n’était pas viable, par exemple, en alléguant que le salarié embauché dans le cadre de contrats d’intérim, et à qui il aurait pu être proposé un contrat à durée déterminée de remplacement, avait manifesté sa volonté de quitter son emploi.