Entretien avec Jean-Pierre Lannoy, Formateur en copropriété, en Belgique

par La rédaction
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Jean-Pierre LANNOY
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«Le droit de la copropriété belge s’inspire largement du droit français»

Syndic pendant plus de 40 ans en Belgique, administrateur provisoire de copropriété, formateur, conférencier, auteur d’ouvrages , Jean-Pierre Lannoy jongle avec toutes les facettes de la copropriété. Il assume la direction d’un centre de formations dédié exclusivement à la copropriété. Alors que la Belgique fête les 30 ans de la mise en application de la loi sur la copropriété, il présente les grandes lignes de la législation en vigueur.

Quels sont les textes qui régissent la copropriété en Belgique ?

Le droit de la copropriété, régi par les articles 3.84 à 3.100 du Code civil belge, s’inspire largement du droit français sur de nombreux aspects, comme en témoigne d’ailleurs la présence régulière de syndics belges lors d’événements consacrés à cette matière. La souveraineté décisionnelle de l’assemblée générale, tout comme les compétences et obligations du syndic, illustrent clairement cette proximité. Cependant, la loi belge sur la copropriété s’applique à toutes les copropriétés forcées d’immeubles ou de groupes d’immeubles bâtis, ce qui signifie qu’une copropriété à vocation industrielle sera gérée selon les mêmes principes qu’une copropriété résidentielle. Par son caractère fédéral, cette loi uniformise ainsi le fonctionnement de l’ensemble des copropriétés en Belgique. A l’occasion de la réforme de 2018, le législateur a néanmoins maintenu la possibilité pour certaines copropriétés, si la nature des parties communes le justifie, de déroger à ce cadre uniforme, pour autant que l’unanimité des copropriétaires soit réunie et moyennant l’adoption d’un acte de base créant des parties privatives distinctes.

On reconnaîtra indéniablement à la loi belge sur la copropriété son caractère pratique, un objectif déjà mis en avant dans les travaux parlementaires de la loi fondatrice de 1994. Le législateur impose à toute association des copropriétaires l’existence de statuts notariés composés de l’acte de base, définissant les éléments de division de l’immeuble (description du complexe - des parties communes et des parties privatives et identification des quoteparts de chaque lot) et du règlement de copropriété, fixant les droits et obligations des copropriétaires, ainsi que les modalités de répartition et de recouvrement des charges. Retrouvant cette logique pragmatique, la réforme de 2018 a instauré l’obligation d’un règlement d’ordre intérieur, destiné à rassembler les modalités pratiques de fonctionnement (notamment la période durant laquelle doit se tenir l’assemblée générale), les seuils de mise en concurrence dans le cadre de l’exécution de travaux, la description de la mission des organes de la copropriété, ainsi que le règlement de la vie de tous les jours.

Le règlement d’ordre intérieur, doit être tenu à jour par le syndic sur base des résolutions prises lors des assemblées générales ou en fonction des dispositions réglementaires qui seraient imposées par une législation.

Les organes de la copropriété sont-ils les mêmes qu’en France ?

Globalement, oui : on parle d’association des copropriétaires, de syndic, de conseil de copropriété, organe chargé d’assurer le contrôle des activités du syndic, ainsi que de commissaire aux comptes. Ce dernier organe est obligatoire pour toutes les copropriétés. Les modalités de contrôle de la comptabilité de la copropriété sont, quant à elles, reprises dans le règlement d’ordre intérieur. La mission est assurée par un copropriétaire ou par un bureau comptable spécialisé.

Qui peut être syndic ? Comment est-il désigné ?

C’est l’assemblée générale qui désigne le syndic conventionnel, qu’il soit professionnel ou non. Un copropriétaire détenteur de droits réels au sein de l’association peut également assumer cette fonction, et ce quel que soit le nombre de lots composant la copropriété. Lorsqu’il est professionnel, le syndic peut avoir la qualité d’avocat, de notaire, d’architecte, de comptable ou d’agent immobilier.

Ces professions sont organisées en ordres professionnels disposant chacun de leurs propres chambres disciplinaires. Pour ce qui concerne les agents immobiliers - dont les activités couvrent le courtage, le syndic et la régie - c’est l’Institut professionnel des agents immobiliers (I.P.I.) qui encadre la profession. Le syndic professionnel est dès lors soumis à des règles déontologiques strictes qui imposent le respect de la législation sur la copropriété. Ainsi, un syndic qui n’organise pas l’assemblée générale annuelle de l’association des copropriétaires peut faire l’objet d’une procédure disciplinaire, avec à la clé une sanction pouvant aller du simple avertissement jusqu’à la radiation, en fonction de la gravité des manquements.

Alors que la Belgique fête les 30 ans de l’entrée en vigueur de la loi sur la copropriété (loi du 30 juin 1994, entrée en vigueur le 1er août 1995), quels sont vos souhaits pour améliorer le statut ?

Même si le législateur belge a laissé aux copropriétaires une marge de manœuvre pour organiser le fonctionnement de leur association des copropriétaires, les impératifs techniques liés à l’immeuble - qu’il s’agisse de performance énergétique ou de toute démarche visant la pérennité du bâti - obligent désormais les copropriétaires à s’entourer de professionnels (architectes, conseillers techniques, assistants à maîtrise d’ouvrage, etc.). Une intervention législative rendant cette consultation obligatoire me paraît pertinente.

En outre, une communication plus complète d’informations à destination du futur copropriétaire serait également justifiée. Enfin, il serait opportun de faciliter les procédures de consultation des copropriétaires, notamment par la généralisation des assemblées générales digitales, et le recours aux consultations écrites, sans que les résolutions ne doivent être adoptées à l’unanimité de tous les copropriétaires.