Copropriété | Jean-Yves MANO, Président de la CLCV

par La rédaction
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copropriété - Jean-Yves Mano«Créer un véritable statut des locataires au sein des copropriétés»

Jean-Yves Mano est président de l’association CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie) depuis 2016. Au cours de ces dernières années, il a été sénateur, conseiller de Paris et maire adjoint de Paris en charge du logement. Il a également été président de Paris habitat.
La CLCV fédère un réseau de près de 360 associations. Elle traite de nombreuses questions relatives à la copropriété, tant au niveau local qu’au niveau national.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 708 de mai 2025
©DR

Comment les propriétaires appréhendent-ils le chantier de la rénovation énergétique ?

Les opérations de rénovation énergétique sont longues, complexes et couteuses. Or, l’absence de visibilité dans la stabilité des aides financières existantes ne simplifie pas la situation, malgré les efforts de l’ANAH en ce domaine et de l’utilité indéniable de MaPrimeRénov’. En parallèle, l’absence de produits bancaires adaptés aux copropriétés constitue un réel frein. Bien qu’il soit possible de voter, sous condition, des emprunts au nom du syndicat, trop peu de banques en proposent, empêchant les copropriétaires dea bénéficier de sources de financement adaptées à leur besoin. Et si la création, par la loi Habitat dégradé d’avril 2024 d’un emprunt collectif global est une bonne chose, encore faut-il qu’il puisse être proposé aux copropriétaires. Enfin, le calendrier sur les règles d’indécence énergétique a été mal conçu. S’il était nécessaire de faire de la performance énergétique un critère de décence, les échéances n’ont pas été harmonisées avec celles concernant la création d’un projet de plan pluriannuel de travaux de sorte que les travaux éventuellement votés n’ont pas encore été réalisés, empêchant les copropriétaires de logements classés G de louer leur bien dans l’intervalle. Les relations peuvent également être tendues au sein des copropriétés : les bailleurs qui autrefois freinaient la réalisation des travaux importants sont aujourd’hui demandeurs. Or, les copropriétaires occupants ne sont parfois plus du même avis, au regard de leur situation personnelle ou tout simplement par esprit de contradiction. De fait, le chantier de la rénovation énergétique est apprécié de façon très disparate d’une copropriété à une autre, mais il ne fait aucun doute que nous sommes loin de la massification des opérations de rénovation énergétique souhaitée par les pouvoirs publics. Et les coupes budgétaires que l’on peut malheureusement pressentir au regard du contexte actuel n’amélioreront pas la situation.

La loi Le Meur permet d’interdire la location en meublé de tourisme dans le règlement de copropriété. Êtes-vous favorable à cette possibilité ?

Le développement des locations touristiques a eu un impact extrêmement néfaste dans le marché de l’immobilier : diminution du parc de logements, hausse des prix, difficultés grandissantes pour les ménages modestes de se loger. Sans compter les nuisances sonores et les dégradations des parties communes qui résultent du va et vient incessant de ces occupants de quelques jours. Cette loi permettra ainsi de pacifier en quelque sorte les relations au sein des copropriétés en permettant expressément, ou non, les locations de courte durée. De même, la création, par les communes, de secteurs exclusivement réservés à la construction de résidences principales permettra de diminuer la tension locative et d’éviter que des quartiers entiers ne soient privés de leurs habitants. 

Alors que l’on va fêter les 60 ans de la loi du 10 juillet 1965, quelles sont vos souhaits pour améliorer le texte ?

De nombreuses modifications ont été faites en vue de favoriser le redressement des copropriétés en difficulté, un phénomène qui n’existait pas lors de la création de la loi. Toutefois, malgré les réformes successives, le texte ne va pas assez loin dans la prévention même des difficultés en copropriété, une approche que l’on retrouve pourtant dans le rapport Braye [Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés : une priorité des politiques de l’habitat, ANAH, janv. 2012]. Pour cela, il est indispensable de faire sauter différents verrous qui constituent davantage des obstacles psychologiques que juridiques. Elargir les possibilités de procéder à l’autogestion constitue une première étape, surtout lorsqu’elle est subie. En effet, bon nombre de copropriétés de petite taille ne trouvent pas de syndics, ces derniers ne les trouvant pas suffisamment rentables. Il faut permettre, sous certaines conditions, aux proches des copropriétaires de pouvoir être syndic bénévole. Il n’est pas entendable, ni efficace, qu’un bailleur résidant à plusieurs dizaines de kilomètres de l’immeuble puisse être syndic et non la petite-fille d’un copropriétaire qui habiterait sur place.

De même, il faut enfin créer un véritable statut des locataires au sein des copropriétés. Ceux-ci ne peuvent plus être considérés uniquement comme de simples tiers alors même qu’ils s’acquittent de la majeure partie des charges courantes. Cela est d’autant plus indispensable dans les immeubles d’investissement locatif comportant principalement des bailleurs de sorte que ces copropriétés sont souvent désorganisées, sans conseil syndical efficace et avec des assemblées générales désertées. Pourtant, des outils existent, tels que le conseil des résidents, composé de l’ensemble des occupants ayant leur résidence principale dans l’immeuble, et qui peut rendre un avis consultatif sur tous les sujets concernant la copropriété. Or, sa création est réservée exclusivement aux résidences services. De même, des locataires devraient pouvoir être à même de siéger au conseil syndical, dès lors que leur bailleur leur donne un mandat exprès en ce sens et avec l’aval naturellement de l’assemblée générale. A l’heure où les assemblées sont de plus en plus désertées, on ne peut plus estimer que le statut de copropriétaire confère une présomption d’intérêt à s’investir dans la gestion de l’immeuble. Il est indispensable d’actionner toutes les forces vives qui s’y trouvent afin de redynamiser les copropriétés.