Entretien : Farid Bouteldja, juriste à la CLCV

par YS
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Farid BouteldjaCOVID-19

«La démocratie fonctionne au ralenti»

La crise sanitaire a bouleversé l’organisation et le fonctionnement des copropriétés : assemblée générale sans présence physique de copropriétaires, décisions sans discussions préalables, chantiers de travaux reportés, mandats prorogés sans concertation… Dans cette période particulière, qu’advient-il des conseils syndicaux, de la désignation et du renouvellement de ses membres, de sa participation à la prise de décisions du syndicat ? Farid Bouteldja, juriste de la CLCV à Grenoble, accompagne de nombreux  conseils syndicaux et nous apporte son témoignage sur cette situation inédite (YS).

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 668 de mai 2021

Comment les assemblées générales uniquement avec des votes par correspondance sont-elles perçues par les copropriétaires ?

«Nous avons constaté, dans le cadre de nos permanences téléphoniques et auprès de nos adhérents, une certaine inquiétude et des interrogations dans la tenue de l’assemblée générale annuelle par ce seul biais, notamment de la part de copropriétaires âgées de plus de 70 ans, habitués à assister aux assemblées générales en présentiel.

En effet, pour certains de ces copropriétaires, l’assemblée générale annuelle en présentiel constitue le seul moyen d’échanger avec d’autres habitants, avec le syndic, parfois sur des sujets non portés à l’ordre jour, ce que le seul vote par correspondance ne permet pas. De même, pour ce public, le simple fait de ne découvrir le résultat des votes que quelques semaines après, n’est pas très sécurisant.  Ainsi, savoir après coup que le syndic a changé, que des travaux importants ont été décidés, pour ne citer que ces exemples, n’est pas toujours bien perçu.

Certains conseils syndicaux que nous avons rencontrés, sont allés jusqu’à faire du porte-à-porte pour rappeler l’importance de voter, encore plus en cette période inédite.

Nous avons eu aussi le cas de copropriétaires, en activité professionnelle, qui nous ont fait part de leur crainte de voir certaines décisions prises en toute opacité ou encore celui d’un occupant, ancien membre d’un conseil syndical, qui n’a pas pu proposer sa candidature ; la convocation ayant été envoyée avec la liste des membres sortants. Il en ressort d’une manière générale, le sentiment que la démocratie fonctionne au ralenti.»

 

Comment cette crise est-elle vécue au sein des conseils syndicaux ?

«D’une manière générale, les conseils syndicaux avec lesquels nous travaillons ont pris le temps nécessaire pour s’adapter à cette situation et le vivent assez bien. Dans les relations entre membres notamment sur les modalités d’organisation de leur temps d’échange (point sur les dossiers en cours, préparation de l’assemblée générale), les choses ne semblent pas les avoir perturbés plus que ça, hormis le fait de devoir respecter les gestes barrières et de tenir compte des horaires réglementés en raison du couvre-feu et des déplacements limités. Ainsi, il est plus difficile pour un propriétaire non occupant de se déplacer sur site bien que le recours de plus en plus fréquent à la visioconférence permette de toute façon de se retrouver.

Dans les relations avec le syndic, il est vrai qu’au début de la crise, nous avons été interpellés régulièrement sur leur difficulté à travailler ou à entrer en contact avec le gestionnaire de copropriété. Le télétravail, parfois la mise au chômage partiel du personnel a pu exaspérer certains d’entre eux mais cela est rentré dans l’ordre.

Assez rapidement, certains cabinets de syndic ont mis en place des outils via les réseaux sociaux, la visioconférence afin d’assurer leurs missions dans des conditions acceptables. Nous avons même pu procéder à un contrôle des comptes en présentiel en respectant les règles sanitaires.»

 

Selon votre analyse de la situation, cette crise aura-t-elle des conséquences durables sur le fonctionnement de la copropriété et sur les relations entre le syndicat, le conseil syndical et le syndic ?

«Il est difficile de répondre à cette question et l’avenir nous le dira.

En ce qui concerne le syndicat des copropriétaires notamment lorsqu’il s’agit de se prononcer sur les décisions annuelles, on peut espérer que le vote par correspondance qui, en temps normal, reste une option, devrait permettre une plus grande participation des copropriétaires aux assemblées générales. Reste à savoir aussi si la part du vote par correspondance deviendra majoritaire ou non et si cela ne se fera pas au détriment de l’aspect humain car de nombreux copropriétaires sont encore très attachés à se déplacer pour assister à une assemblée générale.

Dans les relations entre les membres d’un conseil syndical et avec le syndic, il y a fort à parier que cette crise va sans aucun doute ouvrir une nouvelle ère dans la façon de communiquer, de traiter un certain nombre de dossiers, et permettre peut-être une meilleure coordination des missions respectives.» 

Cependant, «avec l’amélioration de la situation sanitaire dans les prochains mois si on en croit les experts dans ce domaine, nous pensons que les copropriétés vont retrouver leur fonctionnement d’avant crise.»