[N°652] - Qualité de l’air intérieur : Une prise de conscience croissante

par Sophie Michelin-Mazéran, journaliste, rédactrice spécialisée
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Longtemps considérée comme une préoccupation mineure, la qualité de l’air intérieur est devenue en quelques années un enjeu essentiel de santé publique.
L’air intérieur d’un logement, même en ville, est souvent de moins bonne qualité que l’air extérieur.
Nos intérieurs sont, en effet, soumis à de multiples sources de pollutions de l’air : CO2, composés organiques volatiles ou encore appareils à combustion.

Il est donc crucial de mettre en œuvre différentes actions pour respirer un air plus sain.


 

 

Qualité de l’air intérieur : l’exigence monte, mais la réglementation demeure insuffisante

 

Jusqu’à ces dernières années, la réglementation mettait l’accent sur l’amélioration continue des performances thermiques des logements au détriment de celle sur la qualité de l’air. La donne est en train de changer : la qualité de l’air intérieur devient une vraie question de santé publique.


Naissance d’un enjeu de santé publique

Depuis quelques années, la qualité de l’air intérieur est devenue une préoccupation croissante et partagée : non seulement nous passons en moyenne plus de 80 % de notre temps dans des lieux clos (logements, bureaux, commerces ou transports), mais surtout les impacts sanitaires et socio-économiques des polluants intérieurs sur l’homme sont aujourd’hui avérés. Une étude réalisée en 2014 par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), révèle ainsi que le coût de la pollution de l’air intérieur se chiffre, en France, à plus de 19 milliards d’euros par an.

L’air à l’intérieur d’un logement est un mélange de polluants physiques, chimiques et biologiques qui ont pour origine l’air extérieur, les matériaux et les activités humaines. Pour les matériaux, on distingue l’émission de composés organiques volatils (COV), les peintures au plomb ou les fibres comme l’amiante. Les activités humaines renvoient, quant à elles, à l’utilisation d’appareils de combustion (notamment chaudières, poêles et chauffe-eau), au recours à des produits domestiques, au tabagisme ou encore à la présence d’animaux.

Diverses nuisances et pathologies, plus ou moins graves, sont associées à la présence de polluants intérieurs : depuis la simple gêne (maux de tête, irritation des yeux et de la peau) jusqu’à l’apparition ou l’aggravation de pathologies (allergies respiratoires, asthme, cancer, intoxication mortelle).

Pour remédier à la situation, les pouvoirs publics se sont mobilisés à partir des années 1990.

Une réglementation éparse et peu contraignante

La loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie du 30 décembre 1996 fonde l’action des pouvoirs publics en matière de lutte contre la pollution de l’air. Avec le Grenelle de l’environnement, une section du Code de l’environnement est désormais dédiée à la qualité de l’air intérieur. Récentes, les dispositions relatives à l’air intérieur restent assez limitées. Ainsi, l’action publique se concrétise plutôt par une attention portée au développement de la connaissance, des réglementations spécifiques relatives à certains polluants (radon, amiante, monoxyde de carbone et plomb), lieux, populations ainsi que des actions de sensibilisation destinées aux professionnels de la santé et du bâtiment. Et tandis que l’aménagement des locaux de travail fait l’objet d’une réglementation précise et bien établie, celle concernant la qualité de l’air au sein d’un logement est peu coercitive.

Les dispositions réglementaires générales sont de trois ordres (articles L. 221-7 à L. 221-10 du Code de l’environnement) :
- la définition de valeurs guides-réglementaires de l’air intérieur. Une valeur-guide définit un niveau de concentration de polluants dans l’air intérieur dans le but d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine. Actuellement, il existe cinq valeurs-guides réglementaires pour le radon, l’amiante, le formaldéhyde, le benzène et le monoxyde de carbone ;
- un étiquetage obligatoire depuis le 1er janvier 2012 des polluants volatils des produits de construction et de finition ;
- la mise en place progressive d’une surveillance obligatoire de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public, notamment ceux abritant des personnes vulnérables, depuis 2018.


 

 

Qualité de l’air intérieur : les bonnes pratiques

 

Il est admis que deux stratégies complémentaires permettent de traiter l’air intérieur et de l’assainir de manière efficace : réduire au maximum les sources de pollutions intérieures et diluer, ou évacuer, la pollution existante par la ventilation.


Choix des matériaux : se repérer parmi les étiquettes

Depuis 2012, les nouveaux produits de construction et de finition mis sur le marché doivent porter une étiquette, placée sur le produit ou son emballage indiquant leur niveau d’émission en polluants volatils. Les caractéristiques d’émissions de substances sont formalisées selon une échelle de quatre classes : de A+ à C, la classe A+ indiquant un niveau d’émission très peu élevé, alors que la classe C un niveau d’émission élevé. Cet étiquetage devrait être élargi aux produits d’entretien les plus courants, aux bougies et encens, mais aussi aux meubles, en particulier d’enfants.

Vigilance toutefois car ces obligations d’étiquetage sont basées sur du déclaratif, les industriels étant chargés de tester leurs produits et d’apposer une étiquette en conséquence.

Gare, enfin, au postulat : «c’est naturel, donc c’est sain». Il peut être trompeur. Un matériau n’est le plus souvent naturel que par sa provenance et nécessite souvent des transformations et des additifs pour optimiser son utilisation.

Par ailleurs, certaines substances chimiques classées cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction sont interdites d’utilisation dans les matériaux de construction et les produits de décoration en 2009, notamment trichloroéthylène, benzène et phtalate.



Ventilation : un potentiel sous-exploité


Les logements sains sont ceux où la ventilation fonctionne. Elle est le premier levier sur lequel on peut agir. Dès 1982, la France a fixé des débits de renouvellement d’air minimaux dans les logements. Un arrêté du 28 octobre 1983 fixe un principe d’aération générale, pour maintenir un taux d’hygrométrie satisfaisant, au moyen de débits minimaux à renouveler, des pièces principales vers les pièces de service, quel que soit le type de ventilation, et en fonction du nombre de pièces du logement.

Et depuis le 1er juillet 2018, pour qu’un logement soit considéré comme décent, un décret du 9 mars 2017 impose que ce dernier permette une aération suffisante.  

Mais pour que la ventilation soit efficace, il faut également respecter toute une chaîne de bonnes pratiques : la dimension des entrées d’air, la circulation de l’air dans le bâtiment pour qu’il puisse passer sous les portes, des extractions dans les pièces d’eau et la cuisine, que les ventilations fonctionnent, que les tuyaux d’évacuation ne soient pas bouchés, pincés, percés ou écrasés.


Les bons gestes

Afin de lutter efficacement contre cette pollution intérieure, des recommandations simples sont proposées : assurer une ventilation suffisante, éliminer la poussière domestique, entretenir les appareils de combustion, limiter l’exposition aux composés organiques volatils, maîtriser la pose et la dégradation des matériaux fibreux.

En cas de travaux d’embellissement ou de rénovation, il s’agit de faire réaliser des diagnostics préalables (présence d’amiante, de plomb, d’humidité dans les parois ou de ponts thermiques) pour adopter une approche préventive. Sans oublier de privilégier le remplacement des appareils de combustions à foyer ouvert par des équipements fermés et installer des prises d’air directes depuis l’extérieur. La santé n’a pas de prix.

C’est en agissant sur tous ces leviers (une ventilation efficace, des matériaux peu émissifs en polluants) et en adoptant de bonnes pratiques, que la qualité de l’air intérieur garantira à la fois la santé des occupants et le maintien dans le temps de la qualité du logement.

Une chose est sûre : faciliter la communication entre syndics et copropriétaires, mais aussi permettre des échanges plus approfondis entre les copropriétaires eux-mêmes sera très positivement perçu par ces derniers en plus de libérer du temps aux gestionnaires. Moins d’appels, moins de mels, suppression des demandes redondantes… Autant de conséquences positives à mettre au crédit de ces solutions.