Copropriété : Le copropriétaire fragile ou vulnérable
- par Jérôme HOCQUARD, avocat au barreau de Paris
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La France comptait, en 2022, 526 063 copropriétés, représentant pas moins de 11 400 000 lots d’habitation. L’importance de la copropriété dans l’habitat français explique ainsi que ce mode de gestion s’adapte aux exigences des politiques publiques en la matière. Dans une note rédigée pour la Commission d’éthique du Haut conseil du travail social, Mme Brigitte Bouquet explique que depuis une vingtaine d’années, la notion de vulnérabilité est devenue omniprésente dans le débat public et les discours sociaux.
Le droit positif français défend de longue date les personnes vulnérables ou fragiles, tant au plan de la législation sur les mesures de protections de majeures (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice,…) qu’au plan pénal (la vulnérabilité d’une victime étant considérée comme une circonstance aggravante permettant au juge d’alourdir la sanction).
L’accès à l’habitat joue un rôle social important et les politiques publiques s’en sont saisies depuis de nombreuses années. La protection des personnes fragiles et vulnérables est ainsi considérée, dans la politique de l’habitat et du logement, comme l’un des principes directeurs de l’action publique.
Nous pouvons, notamment, nous référer à :
- la loi du 5 mars 2007 qui a créé une Charte des droits et libertés de la personne majeure protégée, dont le dispositif a été renforcé par la loi sur la réforme de la justice de mars 2019 dont l’objectif est «de renforcer les droits fondamentaux des personnes protégées et assurer la construction d’un accompagnement des personnes les plus vulnérables dans une logique de parcours individualisé» ;
- la loi du 11 février 2005 traduit l’évolution du regard de la société sur les situations de handicap en imposant une accessibilité des bâtiments et des transports, une obligation d’emploi, de scolarisation ou encore de citoyenneté ;
- La loi ELAN sur l’accessibilité au logement prévoit que 20 % des logements neufs en habitat collectif doivent être accessibles aux personnes en situation de handicap, les autres logements devant être évolutifs, c’est-à-dire qu’ils peuvent être rendus totalement accessibles par des travaux simples et à moindre coût.
Depuis le 1er janvier 2019, le répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux doit renseigner le niveau d’accessibilité des logements.
La copropriété n’échappe pas aux débats qui animent les politiques publiques destinées à trouver un équilibre entre le maintien des personnes fragiles ou vulnérables dans leur logement et la protection qu’elles doivent recevoir en considération de leur vulnérabilité.
À titre d’exemple, la loi ELAN a créé l’obligation pour le syndic de dénoncer les marchands de sommeil pour lutter contre les copropriétaires bailleurs soumettant les locataires «dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, la salubrité des immeubles ou encore les bâtiments menaçant ruine et les bâtiments insalubres». La gestion d’un immeuble en copropriété amène le syndic à être en contact, directement ou indirectement, avec les propriétaires de lots ou leurs occupants. À raison de cette proximité, le syndic est le témoin des difficultés qu’une situation de vulnérabilité ou de fragilité peut engendrer dans une copropriété.
Il peut s’agir d’un état de vieillesse et de dépendance d’une personne seule, d’une mise sous protection civile d’un copropriétaire, du développement de maladies telles que la maladie d’Alzheimer ou le syndrome de Diogène, d’un accident plaçant un copropriétaire ou un occupant de la copropriété en situation de handicap… Tous ces événements impactent la copropriété tant dans sa gestion courante que dans sa jouissance régulière et son «harmonie sociale». La copropriété doit continuer à vivre au quotidien, tout en tenant en compte des intérêts de la personne vulnérable.
Une cour d’appel a même retenu la responsabilité d’un syndicat des copropriétaires pour l’aménagement des parties communes, en l’espèce un emmarchement à la sortie d’un ascenseur, qui avait participé à la chute d’un tiers à la copropriété, en l’occurence patiente d’un médecin exerçant dans la copropriété en retenant que «par définition, les personnes se rendant chez un médecin diabétologue sont des personnes plus fragiles». La copropriété doit ainsi tenir compte de la fragilité de la clientèle de ce médecin en adaptant les parties communes de la copropriété.
Une autre cour d’appel a retenu la responsabilité d’un syndicat de copropriétaires à l’origine d’une fuite d’eau ayant imposé à une copropriétaire d’avoir «vécu dans un logement avec un fort taux d’humidité qui a eu des conséquences sur son état de santé fragile puisqu’elle est asthmatique».
Les situations de fragilité et de vulnérabilité présentes dans une copropriété s’imposent donc tant au syndic qu’au syndicat des copropriétaires qui doivent s’y adapter.
Cette fragilité peut résulter de diverses situations auxquelles le copropriétaire est confronté à savoir :
- l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts en raison d’une altération, soit des facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ;
- la situation de handicap ;
- la difficulté médicale, qui peut être aggravée par l’isolement du copropriétaire ;
- la mobilité réduite…
En tant que témoin de ces évènements de la vie, la copropriété doit pouvoir s’adapter, dans la mesure du possible, à ces situations qui lui sont imposées, qui requiert de maintenir les droits de la copropriété et de participer à la protection du copropriétaire fragile.
L’obligation du syndic informé
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Vous avez lu 30% de l'article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 690 de juillet / août 2023
À suivre :
La tenue des assemblées générales
Le paiement des charges
La fragilité physique du copropriétaire
©Andrey Bandurenko
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