Copropriété sans syndic : tous responsables - Vers la fin des syndics professionnels ?

par David Rodrigues - Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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Vers la fin des syndics professionnels ?

Cela a été dit, un monde sans syndic ne se conçoit pas puisque cet organe est obligatoire. En revanche, l’ajout d’un simple mot permet de réexaminer la problématique sous un angle nouveau : un monde sans syndic professionnel. Tout de suite, cela ouvre de nouvelles perspectives, de nombreux copropriétaires n’hésitant pas à franchir ce Rubicon et à se lancer dans l’autogestion. Mais cette solution est-elle généralisable pour autant ?

Les syndicats professionnels n’ont jamais caché leurs réserves quant à la possibilité pour un copropriétaire d’exercer les fonctions de syndic. Et pour peu que ce dernier soit indemnisé, d’aucuns parleront alors d’exercice illégale de l’activité de syndic. C’est sans doute aller loin mais cela est révélateur des tensions qui existent sur ce sujet et de la crainte de laisser échapper une partie du parc des copropriétés, se privant ainsi d’une clientèle potentielle.

Il convient toutefois de ne pas oublier que ces petites copropriétés ont été, des années durant, dans l’angle mort des syndics, ces derniers ne les trouvant pas suffisamment rentables. Un argument recevable mais qui a obligé les copropriétaires à recourir à des méthodes alternatives, soit en conformité avec les textes (désignation d’un syndic non professionnel, mise en place d’un syndicat coopératif), soit en faisant un arrangement à la «bonne franquette» ; arrangement qui peut trouver rapidement ses limites en cas de tensions ou de nouvel arrivant dans l’immeuble.

La gestion autonome ne saurait s’improviser et nécessite des compétences juridiques, techniques, comptables ainsi qu’une grande disponibilité. Par ailleurs, les relations sociales peuvent parfois être exacerbées, surtout dans les petites copropriétés, rendant difficile le recours à l’autogestion de sorte que la désignation d’un syndic professionnel permet d’apaiser les tensions, celui-ci faisant en quelque sorte office de juge de paix. Si, dans les grands ensembles immobiliers, les rapports sociaux sont moins prégnants, ces copropriétés sont davantage complexes à gérer avec une multitude de contrats d’entretien, de prestataires ,voire de salariés. C’est pourquoi la gestion autonome est bien plus rare dans ce type de résidence.

La fin des syndics professionnels ne devrait donc pas arriver tout de suite, voire jamais. Sans doute, la profession connaîtra-t-elle des mutations, avec le développement de syndics en ligne par exemple, mais il s’agit en fait de nouvelles modalités d’exercice de cette activité.

Toutefois les difficultés à attirer des jeunes peuvent constituer un obstacle aux renouvellement et développement des syndics, cette profession apparaissant comme peu attrayante. Sur ce point, la qualité des ressources humaines est primordiale et le fait que l’on constate un important turn-over des gestionnaires dans un même cabinet ne peut que laisser interrogatif. Très clairement, cette situation met en exergue de graves problèmes de management nuisant à la qualité de la gestion, aux relations avec les copropriétaires et pouvant avoir un impact sur l’ensemble de la profession si cette pratique est généralisée à haut niveau.

Disparition du syndic, non, mais en revanche, la fin du choix du syndic pourrait, elle, survenir. Les phénomènes de concentration des grands groupes rachetant de petits cabinets tendent, de plus en plus, à limiter le choix des copropriétaires, rendant alors ces derniers plus enclins à opter pour une gestion bénévole. Ce sujet n’est pas nouveau. Déjà en 2007, le Conseil national de la consommation avait été saisi des effets du mouvement de concentration des syndics. Si ce point n’a pas donné lieu à des conclusions particulières de la part de cette instance, il n’en demeure pas moins que les pouvoirs publics se préoccupaient déjà de cette situation il y a treize ans de cela. Pour le coup, le fait de passer d’un syndic «choisi» à un syndic «imposé» ou «par défaut», faute de choix au niveau local, paraît bien plus envisageable. Et avec toutes les conséquences néfastes qui en découleraient, tant pour les professionnels que pour les copropriétaires. C’est peut-être ici que réside le réel danger…

 

CLCV