[N°624] - Pour un traitement plus efficace du contentieux en copropriété (2/2) - B.- Propositions de rédaction

par Agnès LEBATTEUX, Pascale BURDY CLEMENT, Cyril SABATIE
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Index de l'article

B.- Propositions de rédaction

L’urgence est d’organiser un arsenal de mesures efficaces, rapides, préventives à la disposition du syndic pour maintenir le compte courant de la copropriété toujours créditeur, de façon à régler les charges courantes et financer les travaux votés, donc d’assurer sa fonction de mandataire du syndicat dont l’objectif premier est l’entretien de l’immeuble et sa préservation.
La meilleure des mesures, permettant à la fois une accélération du traitement des contentieux en recouvrement de charges, et la centralisation des  procédures serait, sinon la création d’un juge de l’habitat (les problématiques des baux d’habitation et du droit de la copropriété ne se recoupant pas  nécessairement), du moins un juge de la copropriété, relevant du TGI lequel statuerait :
- en circuit «court», voire en chambre des urgences, sur les procédures de recouvrement «simple» et sur les condamnations provisionnelles ;
- au fond sur les procédures impliquant de trancher une question relative à l’administration même du syndicat des copropriétaires (nullité de résolutions d’assemblée générales, nullité ou révision des charges, etc).

Toutefois, une telle réforme ne peut être réalisée par une simple modification de la loi du 10 juillet 1965, et, surtout, suppose l’allocation de moyens suffisants, lesquels font manifestement défaut.
C’est pourquoi nous  proposons plutôt d’engager une réforme moins ambitieuse, mais circonscrite à la loi du 10 juillet 1965, et dont l’efficacité pourrait être immédiate, en rénovant la procédure de l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965, qui, en l’état actuel du texte prévoit :
> La déchéance du terme pour les provisions sur budget après «mise en demeure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception restée infructueuse pendant plus de trente jours» ;  
> La possibilité pour le président du tribunal statuant «comme en matière de référé», donc au fond mais dans les formes du référé,  de condamner le débiteur au paiement de la totalité des provisions sur charges de l’année.
La procédure est efficace car elle donne, pour une fois, une longueur d’avance au syndicat des copropriétaires, qui peut ainsi obtenir, non seulement une condamnation rapide, mais encore une provision représentant la totalité des sommes exigibles sur l’année.
«Après avoir constaté le vote du budget prévisionnel par l’assemblée générale des copropriétaires ainsi que la déchéance du terme, le président du tribunal de grande instance statuant comme en matière de référé peut condamner le copropriétaire défaillant au versement des provisions prévues à l’article 14-1 et devenues exigibles. L’ordonnance est assortie de l’exécution provisoire de plein droit.
 Le présent article est applicable aux cotisations du fonds de travaux mentionné à l’article 14-2.»

Toutefois, le contentieux du recouvrement accéléré des provisions de l’article 19-2 ne concerne que les provisions de l’article 14-1 (budget courant). Il est en outre impossible de solliciter par la même occasion, sur le fondement de l’article 484 du CPC (procédure de référé-provision). En effet, bien que le président du tribunal assume à la fois la fonction de juge des référés et de juge statuant, comme en matière de référé - et, ce, parfois à la même audience -, il s’agit, en théorie, de deux juridictions distinctes (article 492-1 du CPC). Ainsi, l’avocat qui veut obtenir simultanément un titre pour les provisions du budget et pour les provisions «travaux» est obligé de délivrer deux assignations, devant ces deux juges différents, si possible pour une seule et même audience.

Pour que cette procédure prenne l’essor attendu, il est essentiel de  la généraliser, afin qu’elle devienne une voie de recouvrement réellement efficace et utilisée. Pour ce faire, il conviendrait :
> d’y englober les provisions de l’article 14-2 (même si à compter du 1er janvier 2017, la procédure de recouvrement accéléré englobera les sommes appelées au titre de la constitution du fonds travaux) ;
> d’étendre la compétence du président du TGI en tant que juge du recouvrement non seulement aux provisions de l’exercice en cours, mais également aux charges après approbation des comptes.
Dans ce système, les provisions et les charges de l’exercice comptable ainsi que celles dues après approbation des comptes, pourrait être récupérées par un système de recouvrement «accéléré» indépendamment d’une éventuelle procédure au fond qui suivrait son cours.

La rédaction proposée est donc la suivante :
«Article 19-2   de la  loi du 10 juillet 1965.
À défaut du versement à sa date d'exigibilité d'une provision prévue aux articles 14-1 et 14-2, les autres provisions prévues à ce même article et non encore échues deviennent immédiatement exigibles après mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception restée infructueuse pendant plus de trente jours à compter du lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile de son destinataire.
Après avoir constaté le vote du budget prévisionnel et celui du budget travaux par l’assemblée générale des copropriétaires ainsi que la déchéance du terme, le président du tribunal de grande instance statuant comme en matière de référé peut condamner le copropriétaire défaillant au versement des provisions prévues aux articles 14-1 et 14-2 devenues exigibles. L'ordonnance est assortie de l'exécution provisoire de plein droit.
Après avoir constaté le vote par l’assemblée des copropriétaires de l’approbation des comptes de l’exercice écoulé, et en l’absence de contestation sérieuse, le président du tribunal de grande instance statuant comme en matière de référé peut condamner le copropriétaire défaillant au versement du solde de charges immédiatement exigible. L'ordonnance est assortie de l'exécution provisoire de plein droit».

Le renforcement des pouvoirs du juge de l’article 19-2 en étendant son pouvoir de condamnation en «urgence» aux provisions de l’article 14-2, ainsi qu’au contentieux du recouvrement des charges immédiatement après approbation des comptes permettra une accélération des procédures.
Ainsi, le syndic disposerait d’un outil préventif pour améliorer le fonctionnement courant de la comptabilité des copropriétés.
Cela aurait aussi pour effet de diminuer le contentieux des annulations en cascades qui masque souvent en réalité un contentieux des charges.