Copropriété | Demander l’autorisation dont on n’a pas besoin

par Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
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Pierre-Edouard Lagraulet, auteur des informations rapides de la copropriété

Parfois, certains copropriétaires, de bonne foi, invités à agir de la sorte par certains syndics soucieux de pacifier les rapports sociaux, soumettent un projet de changement d’usage, ou de travaux sur parties privatives, au vote de l’assemblée générale. Leur but est de se «prémunir» d’une action, qui serait intentée par le syndicat.

Cette demande est légitime lorsque le copropriétaire n’a manifestement pas le droit d’agir sans autorisation préalable : par exemple s’il envisage l’exercice d’une activité commerciale dans un immeuble dont le règlement prévoit explicitement et licitement son caractère exclusivement bourgeois. A l’inverse, malheur à celui, qui, ayant cru pouvoir légitimement espérer recevoir l’autorisation souhaitée, demandée par «prudence», essuie finalement un refus injustifié.

Il convient en effet de se rappeler que la liberté d’usage des parties privatives est le principe. C’est le corollaire du caractère absolu du droit de propriété. En d’autres termes, les copropriétaires peuvent faire ce qu’ils veulent dans leurs parties privatives, sauf exception. Et encore… comme le précise l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, cette exception doit être justifiée par la destination de l’immeuble, telle que résulte des actes mais également (c’est cumulatif), des caractères ou de la situation de l’immeuble. À défaut, la limitation, même inscrite dans le règlement pourrait se voir réputée non écrite. Ainsi, la prudence, en cas de doute sur le champ des possibles, inviterait plutôt à ne pas demander d’autorisation !

La preuve en jurisprudence : si un copropriétaire pouvait librement installer une clinique dans l’immeuble, le fait d’avoir demandé à l’assemblée générale son accord emporte l’assujettissement du copropriétaire à la décision intervenue. En conséquence d’un refus devenu définitif, le propriétaire du lot ne pourra plus s’installer comme il aurait pu librement le faire s’il n’avait sollicité l’assemblée (3e civ., 8 juin 2017, n° 16-16.566) !

Dans une telle situation, piégeuse, il conviendra naturellement que le copropriétaire ne s’y enferre pas et conteste sans tarder la décision litigieuse. A défaut, celle-ci deviendra définitive et lui sera opposable (Cass. 3e civ., 12 janv. 2022, n° 20-20.363).

Reste une issue : l’action en réputée non écrite de la décision (cf. art. 43, loi de 1965), dès lors que cette dernière emporte une modification de la destination de l’immeuble ou des conditions de jouissance des parties privatives. En effet, il s’agit là d’une modification du règlement de copropriété. Pour avoir tardé à agir, le copropriétaire perdra néanmoins le bénéfice de tous les moyens qu’il aurait pu invoquer en nullité de la décision (convocation hors délai, abus de majorité, etc.). Il ne pourra alors plus qu’invoquer des contrariétés avec les règles impératives du statut dont, spécifiquement ici, la violation de l’article 8 de la loi de 1965… 

Comme aiment à le dire certains politiciens du moment, il y a bien là un chemin, mais il sera long, étroit, sinueux et escarpé.