Copropriété : Audits et diagnostics : les nouvelles obligations

par Nathalie Coulaud, Journaliste
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Obliger les immeubles en copropriété à réaliser des travaux d’entretien de leur bâtiment et à diminuer leurs déperditions énergétiques, est l’objectif des pouvoirs publics. Des démarches seront à entreprendre ces prochaines années.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 691 de septembre 2023

Toutes les copropriétés vont devoir se familiariser avec de nouveaux concepts et de nouveaux sigles : les diagnostics de performance énergétiques collectifs (DPE), le plan pluriannuel de travaux (PPT) ou encore le diagnostic technique global (DTG). La plupart de ces sujets ont déjà été abordés en assemblée générale ces dernières années mais ils restent encore confus pour les acteurs de la copropriété, qu’il s’agisse des copropriétaires ou des syndics. 

Tous ces outils mis en place ou modifiés, notamment, par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite loi Climat et résilience, ont un seul but : inciter, voire obliger les travaux de rénovation des immeubles. Les copropriétés vieillissent. Selon l’INSEE, les deux-tiers des immeubles ont été construits avant 1970 et la moitié avant 1914. Et même s’il n’existe pas de chiffres sur les travaux réalisés en copropriété, pour une bonne part des immeubles, l’entretien indispensable n’est pas assuré, comme la réfection de la toiture, le ravalement ou la rénovation des réseaux d’eau. Ainsi, très peu de copropriétés ont entamé les travaux d’isolation fixés par les pouvoirs publics pour lutter contre le réchauffement climatique. 

L’Agence nationale de l’habitat (ANAH), chargée de tenir le registre national des copropriétés et d’attribuer les aides d’Etat à la rénovation énergétique, estime que le parc de logements construit entre la seconde guerre mondiale et le choc pétrolier de 1973 est le plus problématique ; elle prévoit que des investissements de 12 000 à 20 000 euros par appartement seraient nécessaires. 

Sur les 9,7 millions de logements en copropriété, environ 15 % d’entre eux sont classés F ou G dans la note attribuée par le diagnostic de performance énergétique (DPE). Or, ces mesures ont un impact non négligeable car il est prévu que ces logements énergivores soient retirés du marché de la location entre 2025 et 2034 : un million de logements seraient concernés. 


Le plan pluriannuel de travaux

Avant de lancer des travaux, encore faut-il savoir par quoi commencer et dans quel ordre. Impossible pour un copropriétaire, sans connaissance particulière dans le bâtiment, de le décider lui-même. Ce n’est pas non plus le rôle du syndic qui est un généraliste. Les syndics ne disposent pas, au contraire des bailleurs sociaux, de services spécifiques chargés de l’entretien des bâtiments. La loi climat et résilience a donc mis en place un outil : le Plan pluriannuel de travaux (PPT). Celui-ci est désormais inscrit dans l’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 régissant les copropriétés. 

Il est élaboré par la copropriété avec l’aide d’un professionnel permettant de lister tous les travaux à réaliser pendant les dix ans à venir avec pour but de sauvegarder le bâtiment et d’assurer son bon entretien. Il doit être réactualisé tous les dix ans et tous les immeubles construits depuis plus de quinze ans en seront dotés à terme. Il doit également s’agir d’immeubles à destination partielle ou totale d’habitation. Les copropriétés comprenant uniquement des commerces ou des bureaux n’ont pas ce type d’obligation. Les immeubles neufs ou entièrement rénovés sont également dispensés de ces procédures. ©AdobeStock

Outre la liste des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants, le PPT doit donner une estimation du niveau de performance énergétique du bâtiment mais aussi la performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre que les travaux permettent d’atteindre. En principe, il comprend donc une partie de travaux d’économie d’énergie. Le PPT doit également donner une estimation sommaire du coût des travaux, les hiérarchiser et proposer un échéancier sur dix ans. Chaque copropriété peut décider de ses priorités.

Comme toutes les grandes décisions dans un immeuble, le projet de PPT doit être voté par les copropriétaires. Pour cela, le syndic doit commencer par inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale les modalités d’élaboration du projet de plan pluriannuel de travaux, c’est-à-dire approuver le devis du professionnel (bureau d’études, etc.) qui va réaliser le plan. Ces modalités sont votées à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance (art. 24, L. du 10 juillet 1965). 

Une fois le projet de PPT réalisé, le syndic doit le présenter à la première assemblée générale des copropriétaires qui suit son élaboration. Lorsque le projet fait apparaître la nécessité de réaliser des travaux dans les dix ans, le syndic doit alors inscrire la question de l’adoption de tout ou partie du PPT à l’ordre du jour de l’assemblée générale. Cette adoption doit être votée à la majorité des voix de tous les copropriétaires (majorité de l’article 25). 

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Le PPT est obligatoire …mais

Pour autant, l’obligations de réaliser un PPT a des limites : les copropriétaires peuvent, par exemple, refuser systématiquement de voter les travaux. C’est surtout en cas de vente d’un appartement que des difficultés pourraient survenir. 

L’article L. 721-2 du Code de la construction et de l’habitation prévoit, en effet, que le PPT doit figurer dans les documents devant être annexés à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente. Sans transmission de ce PPT, la vente ne sera peut-être pas bloquée mais des recours pourront être exercer plus facilement de la part de l’acheteur contre le vendeur. L’acheteur pourrait négocier une baisse de prix car, sans PPT, l’acheteur ne sait pas quel montant il devra assumer ses obligations à l’avenir. En cas de demande de crédit pour acheter le logement, il est d’ailleurs possible que la banque réclame ce PPT afin de voir quelles seront les charges futures de l’acheteur. Les banques sont, en effet, de plus en plus attentives à l’état du logement avant d’accorder un crédit, notamment en ce qui concerne les déperditions énergétiques du logement. Une pression pourrait ainsi s’exercer sur les copropriétés qui n’ont pas encore réalisé la démarche.

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Le législateur a également mis en place des éléments de contrôle : si l’assemblée générale n’a pas adopté tout ou partie du projet de PPT ou si la mise en œuvre de l’échéancier du PPT adopté est incertaine, le syndic devra inscrire ces questions à l’ordre du jour de chaque assemblée générale appelée à approuver les comptes. Les pouvoirs publics disposent même d’un droit de regard sur le document rédigé par la copropriété. Le maire, le préfet ou le président d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) peuvent, à tout moment, demander au syndic de lui transmettre le PPT adopté pour vérifier que les travaux programmés permettent bien de garantir la sauvegarde de l’immeuble et la sécurité de ses occupants. Si le PPT n’est pas transmis dans un délai d’un mois à partir de la notification de la demande, les pouvoirs publics peuvent élaborer ou actualiser d’office le PPT à la place et aux frais du syndicat  des copropriétaires. Même conséquences si le plan transmis ne prescrit pas les travaux nécessaires à la préservation de la sécurité des occupants de l’immeuble. Dans le cas où les pouvoirs publics ont repris le PPT en main, le syndic doit convoquer une assemblée générale pour se prononcer sur la question de l’adoption de tout ou partie du plan. 

Cette possibilité est cependant à relativiser. En théorie, même si les pouvoirs publics font pression, la copropriété n’est pas obligée de voter et peut toujours refuser les travaux. Il est à prévoir que dans la pratique cette situation sera extrêmement rare, les collectivités n’intervenant que sur les immeubles les plus dégradés où des travaux sont effectivement indispensables. 

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Comment parvenir à réaliser un PPT ? 

Il est tout d’abord possible de partir d’un Diagnostic de performance énergétique (DPE) collectif. 

Il s’agit du même document obligatoire pour tous les logements en cas de vente ou de location. Mais, il peut être réalisé pour l’ensemble de l’immeuble d’où son nom de «collectif». Ce DPE avait déjà été rendu obligatoire par la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 mais peu d’immeubles l’avaient réalisé. La loi Climat et résilience l’a remis au goût du jour et recrée une obligation [voir encadrés]. 

En quoi consiste ce document ? 

Le DPE se compose d’une description de l’état initial de la copropriété avec les caractéristiques du bâtiment, des systèmes de chauffage, de production d’eau chaude. Il comprend également une indication des consommations de l’immeuble dans son ensemble et des recommandations de travaux. L’avantage de réaliser ce DPE est qu’il est ensuite substituable au DPE réalisé individuellement pour louer ou vendre son logement. Si le syndicat des copropriétaires le souhaite, il peut s’arrêter au DPE et demander la réalisation du PPT à partir de ce dernier. Dans ce cas, le PPT sera orienté sur les travaux d’économie d’énergie.  


Faire un diagnostic technique global ©Peter de Kievith

La copropriété peut encore aller plus loin et faire un diagnostic technique global (DTG). Ce document examine alors tous les travaux nécessaires, pas seulement ceux concernant la lutte contre les déperditions d’énergie. Il doit être présenté à la première assemblée générale suivant sa réalisation. Le DTG comporte l’analyse de l’état apparent des parties communes et des équipements communs de l’immeuble (ascenseur, chaudière, tuyaux d’évacuation des eaux usées, etc.), l’état technique de l’immeuble au regard des obligations légales et réglementaires au titre de la construction, une analyse des améliorations possibles de la gestion technique et patrimoniale de l’immeuble.

Un DTG a également pour but d’examiner les fondations, les caractéristiques constructives, les caractéristiques thermiques, l’état d’entretien général, le potentiel de surélévation, la toiture mais aussi le sous-sol, les systèmes de ventilation, le mode de chauffage, les réseaux d’eau. Certains DTG, comme celui proposé par l’Agence parisienne pour le climat (APC) intègre un audit en copropriété. Cet outil a, un temps, été envisagé pour les immeubles collectifs. Il devait être plus complet que le DPE mais il a été considéré comme trop complexe et a finalement été limité aux maisons individuelles mises en vente et portant la lettre F ou G. L’audit n’est donc plus obligatoire en copropriété.

©Peter de Kievith


Des opérateurs encore rares et peu accessibles

Face à ces obligations, les copropriétés éprouvent parfois bien du mal à trouver un professionnel pour réaliser ce travail. 

La loi Climat et résilience prévoit que la réalisation du projet de PPT doit être confiée à un professionnel justifiant de compétences et de garanties. Il peut s’agir d’un bureau d’études, d’un thermicien ou d’un diagnostiqueur immobilier. Le professionnel, quel qu’il soit, doit attester sur l’honneur de son impartialité et de son indépendance à l’égard du syndic, à l’égard des fournisseurs d’énergie et des entreprises intervenant sur l’immeuble. Il ne peut donc pas s’agir d’une filiale du syndic, d’un prestataire de l’immeuble ou d’une de ses filiales. Le professionnel doit, bien-sûr, justifier d’une assurance de responsabilité civile professionnelle. 

Ces opérateurs sont encore peu nombreux et relativement onéreux : il faut compter entre 3 000 et 5 000 euros en fonction de la taille de l’immeuble pour un DPE collectif et un PPT réalisé sur la base de celui-ci. Et, pour un DTG (suivi d’un PPT), le prix se situe plutôt entre 8 000 et 15 000 euros en fonction de la taille de l’immeuble. Pour trouver le bon interlocuteur et éviter les déboires, la première démarche à effectuer est de contacter la plateforme France Rénov qui donnera les coordonnées de professionnels réalisant des DPE et DTG. Cela permet de bénéficier d’un premier filtre et de ne pas se tromper. 

Mais, dans tous les cas, il est possible de prévoir ces démarches sans que les copropriétaires soient engagés, au premier chef grâce au conseil syndical. Elu par les propriétaires pour les représenter, le conseil syndical sera au cœur des démarches et des choix. Il orientera la liste des travaux à réaliser en priorité.

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