[N°656] - Assemblée générale 3.0 Ou comment faire rimer copropriété avec dématérialisé

par Paul Turenne, journaliste
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Visioconférence, vote électronique, convocations et procès-verbaux numériques…

Depuis peu, les assemblées générales (AG) de copropriété sont entrées de plain-pied dans l’ère du numérique.

État des lieux des bonnes pratiques pour dématérialiser les échanges avec les copropriétaires et optimiser la productivité, sans risques juridiques.


 

 

La dématérialisation des envois

 

Équivalente du point de vue juridique à une lettre recommandée papier classique, la lettre recommandée électronique (LRE) certifiée eIDAS, implique une vérification par le tiers achemineur pour être en conformité avec la loi ALUR. Elle permet ainsi aux syndics de copropriété de dématérialiser tout ou partie de leurs envois.

 

L’envoi de courrier numérique peut ainsi se faire pour :

- des convocations aux assemblées générales de copropriétaires ;

- des procès-verbaux d’assemblée ;

- des appels de charges ;

- des échanges avec des professionnels prestataires dans le cadre d’appels d’offre, de mise en concurrence, de suivi de travaux, de facturation ou bien de relance. 

Attention ! Le syndic doit, au préalable, recueillir le consentement de chaque copropriétaire ;    

- soit au cours d’une assemblée générale, ce qui implique que tous les copropriétaires soient présents lors de celle-ci afin d’éviter d’engager le sujet lors de plusieurs assemblées ;

- soit via un accord directement envoyé par chaque copropriétaire en lettre recommandée avec accusé de réception au format papier ou électronique.

 

À noter : certains prestataires, tels AR24, facilitent le recueil de consentement des copropriétaires en permettant à ces derniers d’envoyer de façon gratuite une lettre recommandée électronique simple.

 

Dans tous les cas, le syndic doit mentionner dans le registre des procès-verbaux de la copropriété chacune des autorisations qu’il reçoit.


 

 

La lettre recommandée électronique (LRE)

 

La LRE en trois étapes

a) L’expéditeur s’identifie avec un haut degré de confiance, grâce à un des moyens d’identification suivants :

• certificats d’identification numérique de type RGS (clés de sécurité ou tout autre certificat reconnus) ;

• identifiants papier : QR code générant des codes à usage unique de façon illimitée, ou clé OTP (longue chaîne de caractères alphanumériques à insérer dans un générateur de codes à usage unique, pour en générer de façon illimité).

b) La LRE est recueillie par le prestataire de confiance qui la certifie doublement avant de la notifier par courriel au destinataire.

c) Pour accéder à sa lettre, le destinataire s’identifie :

• soit par webcam avec un ordinateur ou un smartphone équipé de caméra en montrant sa pièce d’identité en cours de validité ;

• soit via une clé d’authentification ou le certificat RGS pour les professionnels en disposant.

 

Textes de référence :

Décret n° 2015-1325 du 21 octobre 2015 relatif à la dématérialisation des notifications et des mises en demeure concernant les immeubles soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové).

 

Les avantages de la LRE

Les avantages via une plateforme pour les professionnels de l’immobilier sont multiples :

• traitement global des envois, de l’assemblage des documents jusqu’au dépôt postal et à l’archivage ;

• notification en ligne en cas de non-respect des délais ;

• notification au destinataire le jour-même pour un envoi tout numérique ;

• possibilité de bénéficier du tarif d’affranchissement en courrier industriel dès le premier pli, avec prix unique, quels que soient le poids et le nombre de pages (entre 2 et 3 euros HT par envoi selon les prestataires) ;

• interface avec facturation par comptes séparés pour chaque copropriété ;

• intégration à tous les applicatifs métiers du marché ;

• traçabilité en temps réel, via des tableaux de bord personnalisés, pour s’assurer en temps réel que les copropriétaires ont bien reçu les correspondances ;

• accès en ligne aux preuves de dépôt, d’acceptation et de téléchargement des recommandés (horodatage permettant un cachet numérique officiel et légalement opposable) ;

• archivage électronique sécurisé de l’ensemble des courriers recommandés électroniques et papier pendant trois ans au minimum.


 

 

Participer aux assemblées générales à distance

 

Jusqu’à présent, les copropriétaires désireux de voter lors d’une assemblée générale devaient soit s’y rendre physiquement, soit transmettre une procuration. Depuis la loi ELAN, ils peuvent le faire par visioconférence, audioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique. Objectif recherché par le législateur ? Endiguer la hausse de l’absentéisme aux assemblées générales de copropriété.

Voter par correspondance est donc possible sous réserve que chaque participant puisse être bien identifié. Les solutions techniques doivent ainsi a minima transmettre leur voix et permettre une retransmission continue et simultanée des délibérations.

Les moyens et supports techniques permettant ce vote à distance devront au préalable avoir été choisis en AG sur la base de devis élaborés à l’initiative du syndic ou du conseil syndical. Sachant que le coût sera intégralement supporté par le syndicat des copropriétaires.

Pour autant, cette solution peut s’avérer particulièrement intéressante, notamment dans le cas de très grandes copropriétés rendant complexes la tenue d’AG. Mais aussi lorsque ces dernières comptent de nombreux propriétaires n’y résidant pas à l’année, avec une résidence principale pouvant être éloignée.

Concrètement, les copropriétaires souhaitant prendre part à l’AG à distance doivent en informer le syndic trois jours au plus tard avant sa tenue. Un vote par correspondance via un formulaire est également possible.

L’ordonnance ELAN prévoit qu’un arrêté doit intervenir afin de déterminer le contenu de ce formulaire.

En outre, la loi prévoit que le syndic tient une feuille de présence pouvant comporter plusieurs feuillets. Dans le cas où le copropriétaire (ou l’associé) est représenté, la feuille de présence mentionne les nom et domicile du mandataire désigné et précise, le cas échéant, si ce dernier participe par visioconférence, par audioconférence ou par un autre moyen de communication électronique. Le tout avec la mention du nombre de voix dont dispose chacun.

A noter : la feuille de présence, pouvant être tenue sous forme électronique, ne devra pas être émargée par les participants à distance. Cependant, le président de séance désigné en début d’AG devra la certifier exacte.

Par ailleurs, si des copropriétaires distants n’ont pas pu faire connaître leur vote du fait d’incidents techniques, ces derniers devront impérativement être rapportés dans le procès-verbal sur un registre spécialement ouvert à cet effet.

Afin d’éviter tout blocage le jour J, il conviendra d’ailleurs de réfléchir, avant la mise en place effective de la solution de tenue d’AG à distance, à la façon de traiter les incidents techniques qui empêcheraient un copropriétaire de participer au vote des résolutions ; et ce afin d’éviter toute action en contestation.

Pour rappel, la loi ELAN a élargi le seuil des délégations du droit de vote de 5 à 10 %. En clair, un mandataire peut recevoir plus de trois délégations de vote si le total des voix dont il dispose lui-même et de celles de ses mandants n’excède pas 10 % des voix du syndicat.

Enfin, chacun des époux propriétaires communs ou indivis d’un lot peut recevoir personnellement des délégations de vote.

La loi ELAN a également complété les interdictions de délégations du droit de vote, en particulier pour encadrer les interdictions liées au syndic.

 

Ainsi, ne peuvent ni recevoir de mandat pour représenter un copropriétaire, ni présider l’assemblée générale :

• Le syndic, son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, son concubin ;

• Les ascendants et descendants du syndic ainsi que ceux de son conjoint ou du partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou de son concubin ;

• Les préposés du syndic, leur conjoint, le partenaire lié à eux par un pacte civil de solidarité, leur concubin ;

• Les ascendants et descendants des préposés du syndic ainsi que ceux de leur conjoint ou du partenaire lié à eux par un pacte civil de solidarité ou de leur concubin.

 

Textes de référence :

Décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 portant diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l’accès des huissiers de justice aux parties communes d’immeubles, pris en application de l’article 211 de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 (loi ELAN). Ce dernier est devenu l’article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965.


 

 

Le vote électronique en assemblée générale

 

Quatre étapes clés pour un vote électronique réussi lors d’une AG

1/ Programmation de l’AG sur le système informatique du prestataire

Le syndic doit naturellement transmettre la liste des copropriétaires présents, le détail des tantièmes, les clés de répartitions, la liste des décisions à voter, ainsi que les lieu, date et contraintes techniques de l’AG.

 

2/ Émargement numérique avec signature

Les copropriétaires sont pris en charge par ordre d’arrivée, avec un  émargement à l’entrée de la salle en cas d’emploi de terminaux longue portée. Pour de grosses copropriétés, il convient de multiplier les postes d’émargement pour éviter l’attente.

 

3/ Gestion technique lors du vote des résolutions

Un responsable technique suivant les consignes du président et du secrétaire de séance, gère l’avancée de l’assemblée générale durant toute la durée de la réunion. L’ouverture et la fermeture du vote sont ainsi réalisées par le président de séance.

Une vidéo-projection permet d’afficher en temps réel :

- le “quorum” pendant toute la durée de l’émargement,

- chaque résolution pendant les débats,

- les copropriétaires qui ne se sont pas exprimés pendant les votes,

- les résultats à l’issue de chaque vote, en pourcentage et selon les tantièmes, sous forme de graphique avec la mention des voix “pour”, “contre” mais aussi le taux d’abstention.

Toute modification ou précision sur les résolutions peut être apportée en direct au cours de la séance.

 

4/ Impression et remise des documents en fin d’AG

Dès la clôture de la dernière résolution, le responsable technique imprime le procès-verbal (PV) automatisé et la feuille de présence contenant la liste des présents et représentés ainsi que leurs signatures collectées durant l’émargement. Le PV automatisé va lister chaque décision et le résultat du vote, en mentionnant les noms des copropriétaires qui se sont opposés à la décision et leur nombre de voix ainsi que les réserves formulées par les copropriétaires opposants. Le tout aux formats Excel et PDF.

Côté avantages, le vote électronique permet notamment d’accélérer le démarrage des AG, de minimiser le nombre d’erreurs humaines lors du contrôle des votes, mais aussi de se libérer de la tâche du dépouillement pouvant être fastidieuse et chronophage.

 

Côté inconvénient, le vote électronique offre un peu moins de souplesse, car l’ordre du jour rédigé ne peut pas forcément être modifié selon les solutions choisies (boîtiers électroniques en particulier). Il convient donc de bien préparer l’AG en amont pour éviter les impairs.


 

 

Règlement eIDAS : quézaco ?

 

Concernant les prestataires de services de confiance établis sur le territoire de l’Union européenne, le règlement eIDAS instaure un cadre européen en matière d’identification électronique et de services de confiance.

Objectif : faciliter l’émergence du marché unique numérique. Il couvre notamment le sujet de la signature électronique.

Voici la liste des prestataires de service de confiance en France disposant, dans ce cadre, d’un service d’envoi recommandé électronique qualifié par la Commission européenne (QeRDS : Qualified electronic registrered delivery service), notamment au service des syndics :

- AR24 ;

- Clearbus ;

- Document Channel (groupe Majorel*) ;

- Equisign (Letreco) ;

- Le groupe La Poste ;

- Tessi Documents Services.

* Les activités Arvato CRM (dont la filiale Document Channel, Pôle numérique d’Arvato France) sont devenues Majorel, nouvelle marque née du rapprochement des groupes Bertelsmann et Saham.