Assemblée générale et modification d’une résolution antérieure

par David Rodrigues, Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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copropriété - Assemblée générale et modification d’une résolution antérieureSi l’on a coutume de dire que l’assemblée générale est souveraine, cette liberté peut-elle aller jusqu’à autoriser l’organe délibérant du syndicat des copropriétaires à revenir sur une décision antérieure ? Un changement de position qui serait motivé par l’apparition d’éléments nouveaux ou simplement par le droit pour l’assemblée générale d’être changeante, comme tout un chacun. Mais attention car cette «volte- face» ne peut se faire que sous certaines conditions.

 

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 697 d'avril 2024

Du droit pour l’assemblée générale de revenir sur une résolution antérieure.- Aucun texte n’interdit à l’assemblée générale de revenir sur une résolution antérieure. Un arrêt de la cour d’appel de Paris est d’ailleurs très clair sur ce point : «il ne saurait être contesté que dans ses attributions souveraines d’organe délibérant, l’assemblée générale des copropriétaires n’est pas liée définitivement et de manière irrecevable par les décisions qu’elle a prises» et qu’en conséquence, elle «conserve la faculté de prendre ultérieurement une décision contraire à la précédente» (CA Paris, 19 janv. 1993, n° 91/7969). Le caractère souverain de l’assemblée lui octroie ainsi la possibilité de revenir sur d’anciennes résolutions. Mais à défaut de textes, ce sont les juges qui vont fixer les contours de ce droit. 

Les conditions permettant à l’assemblée générale de se dédire.- Revenir sur une décision antérieure n’est possible que si plusieurs conditions sont réunies, notamment l’absence de droit acquis par la précédente résolution. Toutefois, se pose une question préalable, à savoir la nécessité ou non d’éléments nouveaux justifiant que l’assemblée ait à se prononcer une seconde fois sur un même sujet.

L’apparition (ou non) d’éléments nouveaux.- La présence d’éléments nouveaux ne semble pas être une constante dans les conditions imposées par les juges pour permettre à l’assemblée générale de revenir sur une résolution antérieure. Si certaines décisions n’y font pas référence, tel l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 janvier 1993 précité, d’autres, au contraire, semblent en faire une condition sine qua non. Il a ainsi été jugé que la fraude est un motif d’invalidation de la nouvelle résolution, sans qu’il y ait lieu de rechercher «s’il existait ou non un élément nouveau justifiant un second vote sur la même question» (CA Paris, 17 déc. 1997, n° 95/18297). Ce qui signifie a contrario qu’un élément nouveau serait nécessaire pour que l’assemblée générale puisse revenir sur une précédente décision. En parallèle, la Cour de cassation renvoie à l’appréciation souveraine des juges du fond la possibilité de retenir que la nouvelle résolution est fondée «sur des circonstances nouvelles (…) dictées par l’intérêt général» (Cass., 3e civ., 7 juill. 2010, n° 09-15.373). La Haute juridiction ne semble pas en faire un préalable indispensable mais, par sécurité, il convient d’être vigilant sur ce point.

Inscription de la nouvelle résolution à l’ordre du jour.- La résolution revenant sur une décision antérieure doit figurer sur l’ordre du jour, «ce qui exclut tout nouveau vote au cours de la même assemblée générale» (CA Paris, 27 mars 1998, n° 97/01414). Autrement dit, la remise en cause de la précédente résolution ne doit pas résulter d’une demande des copropriétaires durant l’assemblée afin que soit organisé un second scrutin et que certains puissent alors modifier le sens de leur vote. 

Absence d’atteinte aux droits acquis d’un copropriétaire.- La nouvelle résolution ne doit pas porter atteinte aux droits acquis d’un copropriétaire en vertu de la première décision (CA Paris, 19 janv. 1993, précité). Tel est le cas lorsqu’elle organise un échange d’emplacement de stationnement, la décision faisant naître un droit au profit du demandeur (Cass. 3e civ., 12 avril 2005, n° 04-10.507). De manière plus générale, toute autorisation conférée à un copropriétaire de réaliser des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble ne peut donc être rétractée, sauf à établir que le projet soumis ou les travaux réalisés ne respectent pas les conditions fixées par l’autorisation donnée (CA Paris, 20 févr. 2013, n° 05/17691). Or dans une telle hypothèse, il ne s’agit pas pour l’assemblée générale de revenir sur une décision antérieure mais, au contraire, d’en exiger la stricte application. Par ailleurs, la simple décision de réaliser des travaux ne confère aucun droit particulier (Cass., 3e civ., 7 juill. 2010, n° 09-15.373).

La résolution ne doit pas avoir été exécutée.- Si le syndicat peut revenir sur une résolution, «ce ne peut être, sauf à commettre un abus de droit susceptible de mettre en cause sa responsabilité, qu’à condition que la résolution n’ait pas été exécutée» (CA Paris, 20 févr. 2009, n° 08/14562).

Par ailleurs, le commencement d’exécution de la décision peut entraîner la création de droits, empêchant ainsi l’assemblée générale de revenir dessus. La Cour de cassation, dans l’arrêt précité du 7 juillet 2010, précise ainsi que la décision de réaliser des travaux ne confère aucun droit particulier «tant [qu’ils] n’ont pas été exécutés».

Absence de fraude.- La nouvelle délibération ne doit pas poursuivre un but frauduleux. En ce sens, les juges vont notamment vérifier si l’assemblée générale avait une intention de nuire ou adopté une attitude discriminatoire, éléments pouvant justifier un abus de majorité (CA Paris, 17 déc. 1997, n° 95-24353). 

Les effets de la nouvelle résolution.- La nouvelle assemblée générale ne vaut que pour l’avenir et ne revêt aucune rétroactivité : «organe souverain de la copropriété, l’assemblée générale (…) pouvait (…) revenir sur une précédente décision et ainsi défaire ce qu’elle avait pu faire, les conditions de validité d’une telle décision (l’absence d’exécution de la décision annulée et d’atteinte à l’intérêt collectif ou à des droits acquis) excluant que la décision puisse avoir un caractère rétroactif et donc mettre à néant ab initio la résolution [initiale]» (CA Paris, 17 oct. 2013, n° 10/09625).